La dette de la CADES passera ainsi de 87 milliards d'euros fin 2010 à plus de 160 milliards d'euros début 2011 !
Grâce à ce nouveau coup de pouce, la dette contenue dans la CADES aura été multipliée par huit en l'espace de quinze ans ! Ces chiffres sont colossaux, monsieur le ministre.
Sans doute a-t-on tendance à perdre le sens des réalités lorsque l'on sait que le déficit annuel de l'État dépasse 150 milliards d'euros, mais tout de même ! Une dette sociale de 160 milliards d'euros, cela représente 13 % de la dette de l'État.
Ajoutons que cette dette se compose uniquement de déficits de fonctionnement, comme l'a rappelé le président Warsmann.
Qui plus est, cette dette ayant un caractère assurantiel, nous serions bien inspirés de constituer des provisions en vue de financer les risques sociaux.
À cet égard, je ne comprends toujours pas la forme de taxation des contrats mutualistes, dits contrats responsables. Vous voulez imposer au monde mutualiste des transferts de charge jusqu'alors socialisés. Compte tenu de leurs règles prudentielles, ces organismes de prévoyance n'auront d'autre choix que de faire peser cette charge sur les assurés sociaux.
Au fond, la CADES ressemble de plus en plus à un crédit revolving, ce qui précisément vous n'avez de cesse de dénoncer dans vos interventions, monsieur le ministre. Est-il besoin de rappeler que la CADES a déjà payé 30 milliards d'euros d'intérêt aux banques depuis sa création ? Vos déficits font parfois le bonheur et les bonnes affaires de certains.
En 2005, ici même, à l'occasion de l'examen de la loi organique visant à réformer les lois de financement de la sécurité sociale, il avait été décidé que tout nouveau transfert de dette à la CADES soit accompagné d'une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale.. Autrement dit, monsieur le ministre, il était en principe interdit de prolonger la durée de vie de la CADES, et ce dans le but de mettre un terme à l'accumulation des dettes contenues dans cette caisse au gré des ponctions gouvernementales.
Or vous faites précisément le contraire : cinq ans plus tard, placés au pied du mur, vous dérogez à vos propres principes.
En outre, il est déconcertant de constater que vous-même qui, hier encore, prétendiez apporter des limites à l'élargissement incessant des missions de la CADES, prévoyez aujourd'hui d'augmenter de 150 % le montant de la dette qu'elle doit amortir, en ajoutant 80 milliards d'euros aux 80 milliards actuels, ce qui porte l'addition à 160 milliards d'euros.
Cette somme est constituée de plusieurs composantes.
Première composante : les 34 milliards d'euros de dette de crise, dite conjoncturelle, portant sur les déficits cumulés des caisses nationales – CNAF, CNAV, FSV –, constatés fin 2010 et supportés par l'ACOSS au titre de la trésorerie courante du régime général.
Seconde composante : la dette structurelle de la CNAMTS pour 2009, 2010 et l'exercice à venir dont nous n'avons pas encore voté le budget, pour un total de 34 milliards d'euros.
Enfin, la dernière composante est anticipée : il s'agit des 62 milliards d'euros de déficits à venir de la branche vieillesse et du fonds de solidarité vieillesse pour la période 2011-2018.
Vous anticipez des déficits à venir. Cette prévision est clairement un constat d'échec de la réforme de François Fillon de 2003 que nous avions dénoncée. Plus grave encore : elle souligne aussi l'échec de la loi Woerth sur les retraites.
Nombre de mes collègues l'on rappelé, rien ne nous permet de démontrer que ce texte de loi assure un équilibre financier, bien au contraire puisque vous anticipez des déficits à venir.
Vous prévoyez aussi – sans le dire évidemment – d'augmenter les impôts afin de faire face à l'obligation légale d'amortissement des dettes transférées à la CADES.
Soyons honnêtes un instant : la réduction de certaines niches fiscales n'est rien d'autre qu'une hausse déguisée des impôts. Supprimer une dépense fiscale revient à augmenter les impôts.
Venons-en maintenant aux ressources que vous souhaitez affecter à la CADES, appelée à apurer les 160 milliards euros de dettes à venir.
Monsieur le ministre, vous nous avez proposé des recettes nouvelles. Il s'agit d'abord de 3,2 milliards d'euros par an, pour reprendre 34 milliards d'euros de dette correspondant au déficit structurel des exercices 2009 et 2010 du régime général, du fonds de solidarité vieillesse et du déficit prévisionnel de l'assurance maladie pour 2011.
Autre recette : la réinstauration de la taxe de 3,5 % des contrats d'assurance maladie dite « solidaire et responsable ». De toute manière, elle sera supportée par les assurés sociaux.
Troisième recette : la taxation forfaitaire des sommes placées dans la réserve de capitalisation de sociétés d'assurance qui rapportera 1,4 milliard d'euros. Mais c'est un one shot ; autrement dit, cela ne marche qu'une fois.
Quatrième recette : les encaissements dans les compartiments euros des contrats d'assurance-vie multisupports qui vont aussi permettre de récupérer 1,4 milliard d'euros.
Enfin, le chèque cadeau, l'emballage complet : le pillage du Fonds de réserve des retraites, soit 34 milliards d'euros. Comment ne pas s'étonner que des jeunes soient dans la rue aujourd'hui ?