Est-ce ainsi que peut s'exercer la démocratie, quand la moitié des articles est expédiée par une poignée de députés, sans l'opposition, en à peine deux heures ? « Très bien ! », ai-je entendu ; voilà qui répondait par avance à ma question.
Sur le fond, au prétexte d'une mise en conformité avec trois directives européennes, ce texte soumet les étrangers et les migrants à des régimes d'exception permanents. Il renonce, ce qui est tout aussi grave, au principe d'égalité des êtres humains, inscrit dans la Constitution et dans tous les textes internationaux qui se sont efforcés d'interdire le racisme d'État : durée de rétention allongée ; droit d'asile remis en question ; instauration d'une interdiction de retour sur le territoire français ; réduction du temps d'intervention du juge, qui remet en cause le droit de se défendre ; nouveaux obstacles érigés pour que le juge ne puisse plus mettre fin à la rétention en zone d'attente ; bracelet électronique pour les parents d'enfants mineurs ; mesures d'éloignement pour les étrangers autorisés à un séjour de moins de trois mois au prétexte qu'ils « représentent une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale » ; modification des conditions de délivrance d'un titre de séjour à un étranger malade, ce qui remet en cause son droit aux soins ; adoption de sanctions pénales frappant les mariages estimés « gris » ; adoption de mesures illusoires à l'encontre des jeunes majeurs. N'oublions pas non plus le délit de solidarité.
Ce projet contient en lui les pourtours de la société que le Gouvernement veut nous imposer, d'où le débat sur la question de la civilisation ou sur la définition de l'intégration, qui renvoie au débat sur l'identité nationale, que vous avez voulu imposer mais qui a avorté. Méfions-nous de ces débats, car, ainsi que le précise le philosophe Adorno, « c'est l'insatiable principe d'identité qui éternise l'antagonisme en opprimant ce qui est contradictoire. Ce qui ne tolère rien qui ne soit pareil à lui-même contrecarre une réconciliation pour laquelle il se prend faussement. La violence du rendre-semblable reproduit la contradiction qu'elle élimine. »