À évaluer ou, éventuellement, à infléchir cette politique ? Pas plus ! Alors que la commission des lois avait adopté un amendement du groupe socialiste qui proposait une autre méthode consistant en des débats transparents, des règles stables, évaluées tous les trois ans et élaborées en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés – représentation nationale, collectivités locales, partenaires sociaux –, cette approche a été refusée par le Gouvernement.
Cela fait d'ailleurs belle lurette que la « coproduction législative » entre l'exécutif et le législatif n'est plus qu'un mythe. Elle a encore volé en éclats, hier soir : lors du débat sur la lutte contre les paradis fiscaux, les parlementaires ont adopté un amendement que le Gouvernement s'est empressé d'éliminer.
Le ministre nous explique benoîtement qu'il s'agit pour l'essentiel d'une transposition des directives européennes. Mais, comme nous en avons fait la démonstration, rien dans la directive « retour » n'imposait à la France de créer des zones d'attente exceptionnelles, dites temporaires par le ministre. Rien n'obligeait non plus d'allonger la durée de rétention maximale. Vous trahissez non seulement l'esprit, mais également la lettre de ces directives.
Qui plus est, comme nous l'avons également démontré, plusieurs dispositions violent la législation européenne. Ainsi, la directive « sanctions » est prévue pour lutter, à l'échelle européenne, contre les employeurs qui ont recours à des travailleurs sans titre de séjour ou de travail. Dans les discours, le Gouvernement nous annonce toujours la fermeté, mais, dans les textes et dans les faits, il n'a nulle intention de combattre un phénomène qui touche chroniquement et spécifiquement des pans entiers de l'économie française, fragilisant les salariés, quels que soient leur statut et leur nationalité, mais aussi les employeurs de ces secteurs. Or cela fait un an, jour pour jour, que, par milliers, des hommes et des femmes ont entamé une grève. Par ce mouvement, ils témoignent de la réalité de ce que vous appelez des clandestins. Ce sont en fait des salariés présents en France depuis longtemps, qui travaillent dans des secteurs non délocalisables pour lesquels les donneurs d'ordres ont tout à perdre au rétablissement de l'égalité des droits et des salaires. Ces grévistes occupent aujourd'hui la Cité nationale de l'histoire de l'immigration. Nous les saluons.
Au terme d'un long conflit social, le 18 juin dernier – quelle date, mes chers collègues ! –, le Gouvernement avait pris des engagements à leur égard. Naturellement, aucun de ces engagements n'a été tenu. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) En acceptant un opportun amendement de Thierry Mariani, vous avez rendu d'une totale innocuité les sanctions prévues à l'échelle européenne contre les employeurs de travailleurs sans titre et vous avez accordé votre protection aux donneurs d'ordres responsables de ce fléau.
La vérité de ce texte, mes chers collègues, est tout entière dans les amendements qui ont été déposés par le Gouvernement et adoptés par la majorité. La vérité de ce texte, c'est la diversion, la diversion aux problèmes que la France rencontre réellement, la diversion par les amendements portant sur les mariages gris et l'escroquerie sentimentale. Est-ce bien à l'ordre du jour des milliers de personnes qui défilent aujourd'hui dans la rue ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La question de savoir comment et quand s'acquiert la nationalité est-elle bien à l'ordre du jour de la jeunesse de ce pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)