Le ministre de la défense a évoqué hier devant la commission un sondage effectué auprès des principaux cadres de l'armée sur les réformes en cours : qu'en pensez-vous ?
Amiral Édouard Guillaud. Sur votre question du grand écart, monsieur Wojciechowski, je suis en effet optimiste tout en cherchant à être lucide. Les réductions budgétaires nous conduisent à nous poser des questions : c'est à la représentation nationale et au Gouvernement qu'il appartiendra de faire les choix essentiels. Trois critères principaux devront être pris en compte : la réversibilité des décisions prises, leur aspect plus ou moins douloureux, la sensibilité à l'occurrence d'une crise. J'observe que depuis trente-sept ans que je suis au sein des armées, j'ai toujours entendu dire que nous étions au creux de la vague… Sachez en tout cas que je suis conscient et préoccupé des effets des réductions budgétaires sur le moral des armées. Mais je ne peux me permettre de faire des promesses : je dois être crédible envers nos soldats. C'est pourquoi, dans mes interventions, y compris dans les unités, je préfère parler d'un chemin semé de larmes plutôt que de pétales de roses.
Sur l'externalisation de la formation, je suis beaucoup moins inquiet que sur celle touchant certaines fonctions régaliennes. J'en veux pour preuve l'exemple de la formation au tir des cibles supersoniques : pendant des années on a eu recours à des Rafale ; or, on peut pour ce faire utiliser de simples vecteurs, qui sont aussi efficaces et moins onéreux. L'externalisation de la formation, lorsqu'elle coûte moins cher, ne me choque pas. En revanche, je suis gêné lorsqu'elle porte sur des fonctions de combat. Ainsi, alors que la France a fait le choix de fournir des équipes de protection embarquées de thoniers dans l'océan indien, l'Espagne a demandé à ses armateurs de faire appel à des sociétés militaires privées. Concernant l'ETAP, aucune décision n'a été prise. Il s'agit d'une offre dite non sollicitée. Je ne sais pas ce qu'il en adviendra : je rappelle toutefois qu'elle ne concerne pas une formation au combat, mais à la technique parachutiste. On recourt bien à des simulateurs : pourquoi pas aussi à des entreprises privées ? La formation initiale des pilotes d'hélicoptères a d'ailleurs déjà fait l'objet d'une externalisation.