Vous avez décrit les différents théâtres sur lesquels nos soldats sont déployés, qui donnent une impression d'éparpillement, tout en rappelant la baisse de format de nos armées actuellement à l'oeuvre. Dans ce contexte, pourrions-nous encore faire face à une crise majeure ?
Amiral Édouard Guillaud. Outre les commandements de Lisbonne et Norfolk, ce sont 26 « étoiles OTAN » qui devaient être attribuées à la France. Ces officiers doivent être mis en place progressivement, jusqu'en 2013.
La bonne nouvelle est que la réforme de l'Alliance progresse. C'est notamment le cas s'agissant de ses structures de commandement, dont les effectifs devraient en théorie passer de 12 000 à 8 500 personnels à l'horizon 2010-2013. Cette diminution devrait être confirmée au prochain sommet de Lisbonne. En ce qui concerne les effectifs envoyés par la France, je dois dire que, comme d'autres nations, telles que le Royaume-Uni, nous nous sommes limités à un déploiement d'environ 85 % de notre effectif théorique, fixé à 1 100 militaires, soit environ 900 personnels. Compte tenu de la réduction annoncée du format des structures de commandement, nous pouvons considérer que nous atteignons déjà ce plafond. En outre, avec les États-Unis, l'Allemagne et le Royaume-Uni, nous nous efforçons de diminuer le poids des agences de l'OTAN. La France attend des économies précises en personnel. Enfin, le chantier plus difficile de la diminution du secrétariat international du secrétaire général doit être abordé. Là encore, la pression exercée par le Royaume-Uni, les États-Unis et la France semble porter ses fruits.
En ce qui concerne notre contribution au fonctionnement de l'OTAN, je rappellerai que la clé de répartition n'a pas changé, notre part demeurant à 11,62 %. Pour 2011, cela représentera 220 millions d'euros, dont les trois quarts financent le budget de l'Alliance et un quart les rémunérations et charges sociales.
L'OTAN accuse actuellement un déficit d'un peu plus d'un milliard d'euros, et des engagements sont annoncés pour l'équivalent de dix années de budget. De plus, la mutualisation de certains coûts peut conduire à une déresponsabilisation. Certains projets peuvent, dans leur état actuel, paraître extrêmement ambitieux, comme la défense antimissile balistique (DAMB). On essaie de faire en sorte qu'ils soient raisonnables, c'est-à-dire accessibles sur le plan technologique et budgétaire et acceptables diplomatiquement.
S'agissant de l'éparpillement de nos forces, il faut tenir compte du fait que certains déploiements ne comportent que quelques personnels. Pour autant, le désengagement est un processus difficile : il nous a fallu deux ans pour quitter le Sinaï, où nous mobilisions un CASA.
Aujourd'hui, nous ne sommes pas en surchauffe. Nous pourrions accroître encore nettement nos engagements.
Si demain notre pays était confronté à la nécessité d'un engagement majeur – tel celui de 30 000 hommes sur six mois évoqué par le Livre blanc –, il y ferait face bien évidemment, mais en procédant à des choix. Cela nous invite à continuer la réflexion engagée voici maintenant deux ans sur le nombre et la durée de nos engagements extérieurs. Mais j'ai bien conscience que ces décisions dépassent le seul cadre militaire : il existe des raisons diplomatiques évidentes nous poussant à maintenir une présence, comme en Palestine ou au Sahara occidental.