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Intervention de Guy Teissier

Réunion du 6 octobre 2010 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Teissier, président :

Nous recevons ce matin le chef d'état-major des armées, l'amiral Édouard Guillaud, à qui je souhaite la bienvenue en votre nom à tous.

Nous avons hier entendu le ministre de la défense nous présenter les grandes lignes du budget, vous allez nous détailler leur impact sur nos armées.

Par ailleurs, je souhaiterais que vous nous fassiez aussi le point sur les opérations extérieures. Leur coût pour 2010 semble stabilisé à 867 millions d'euros. Comment seront-elles financées à la fin de l'année ? Quelles sont les perspectives pour 2011 ? Je crois savoir que cette année encore la provision inscrite au budget est en augmentation, ce qui est une bonne chose. La situation au Sahel conduit en effet à être prévoyant.

Je souhaite que vous évoquiez bien évidemment les opérations en Afghanistan. Vous étiez récemment, avec le général Irastorza, en inspection au centre de préparation des forces de Mailly pour rencontrer les militaires qui s'apprêtent à partir. Par ailleurs, l'offensive autour de Kandahar a été engagée ; vous nous donnerez ses objectifs et peut-être d'ores et déjà une estimation du résultat. De même, si j'en crois les déclarations du général David Petraeus, des talibans auraient approché le gouvernement afghan et les forces de l'OTAN, et sont prêts à commencer des discussions.

Amiral Édouard Guillaud, chef d'état–major des armées. En préambule, je tiens à remercier les élus pour le soutien qu'ils apportent à nos unités, à nos bases, à tous nos organismes.

Votre présence et votre action sont déterminantes : elles sont attendues et appréciées par les hommes et les femmes de la Défense, militaires et civils, personnel d'active ou de réserve.

Ils méritent de se sentir soutenus et reconnus dans l'accomplissement des missions que leur confie la représentation nationale, au service de la défense et de la sécurité des Français.

Pour introduire mon propos liminaire sur le projet de loi de finances (PLF), je citerai le Président de la République : « La défense est le fer de lance de notre diplomatie, de notre sécurité, de notre rang ».

Et ce fer de lance, ce sont plus de 11 000 hommes des armées engagés, au quotidien, sur des théâtres d'opérations extérieures et sur le territoire national, au service de la sécurité de notre pays et de nos concitoyens.

Parallèlement, nous conduisons la réforme la plus importante depuis celle de Pierre Mesmer après la fin de la guerre d'Algérie.

La plus importante, mais pas la plus visible, parce que nous serons probablement les seuls à aller au bout de l'exercice en serrant les dents !

Ce n'est pas pour autant un chemin semé de pétales de roses ! L'exercice est très difficile, d'autant plus difficile que l'irruption de la crise économique et financière vient singulièrement compliquer la donne. J'y reviendrai.

Mais d'abord, je souhaite aller à l'essentiel de ce que nous sommes : des militaires, et de ce que nous faisons : des opérations.

Ces opérations sont plus complexes, et ce pour plusieurs raisons.

Elles sont d'abord lointaines et multinationales pour la majeure partie d'entre elles ; l'adhésion de la nation n'en est que plus difficile.

Elles sont ensuite inscrites dans la durée : le temps du verbe n'est pas celui de la résolution des crises sur le terrain, qui sont toujours de nature politique et jamais exclusivement militaire. La bataille décisive de Clausewitz n'a plus cours aujourd'hui : nous sommes au sein de l'ONUST depuis 1948 (surveillance de la trêve en Palestine), au Liban depuis vingt-huit ans, au Kosovo depuis plus de dix ans, en République de Côte d'Ivoire (RCI) depuis huit ans.

Elles sont complexes aussi parce que le prix du sang est plus lourd qu'il y a dix ans et de moins en moins supportable par nos opinions publiques : 19 tués depuis le début de l'année et 104 blessés.

Elles engagent des moyens à la fois plus comptés quand les besoins vont croissant.

Enfin, elles sont sous l'emprise d'une judiciarisation qui suit les évolutions de nos sociétés occidentales, et ce phénomène n'est pas uniquement français. La mort d'un soldat dans la vallée d'Afganya est traitée comme un accident de la circulation sur l'A6.

Un soldat qui meurt au service de son pays est considéré comme une victime et non pas comme un héros ! Voilà qui déstabilise !

Je commencerai par vous parler de l'engagement des armées sur le territoire national. Pourquoi ?

Parce que, on l'oublie, c'est notre deuxième théâtre d'engagement, avec environ 2000 soldats qui chaque jour participent à la défense de notre souveraineté, à la protection de notre territoire et à la sécurité de nos concitoyens.

Notre participation à la défense de notre souveraineté s'effectue au travers de deux opérations principales. En premier lieu, HARPIE et la lutte contre l'orpaillage clandestin en Guyane : les FAG (Forces armées en Guyane) engagent en moyenne 330 militaires par jour dans cette opération. Deuxièmement, la lutte contre l'immigration clandestine à Mayotte.

Notre participation à la protection du territoire national passe par le dispositif VIGIPIRATE (734 hommes par jour en moyenne), mais aussi par la sécurité et la sûreté aériennes (posture permanente de sûreté (PPS) Air avec 217 hommes par jour), ainsi que par l'action de l'État en mer et la sauvegarde maritime (PPS mer avec 200 hommes par jour). Elle passe également par l'opération HEPHAISTOS l'été, pour les feux de forêts. 170 militaires ont ainsi été engagés du 29 juin au 19 septembre derniers.

La protection de nos concitoyens consiste aussi à faire face quand les autres administrations sont débordées par l'étendue de la crise. Nous sommes les spécialistes de l'extrême et du chaos. Nous sommes alors présents pour compléter les capacités qui leur manquent ou leur donner le temps de s'organiser. Nous sommes là et nous serons toujours là.

Cette année, ce fut le cas à l'occasion de Xinthia (avec 155 évacuations par hélicoptères militaires, sept kilomètres de rétablissement d'itinéraires, six kilomètres de reconstruction de digues ; 150 hommes mobilisés pendant un mois).

Ce fut aussi le cas pour les inondations du Var le 15 juin dernier (avec 300 hélitreuillages et 600 militaires engagés pendant plus d'un mois, soit le volume moyen d'un régiment).

Il ne s'agit pas de rentrer dans une logique de chiffres mais simplement de vous montrer que les armées s'engagent avec leurs capacités disponibles quand notre pays est menacé dans ses frontières, quand nos concitoyens sont démunis et dans l'épreuve.

J'en viens maintenant à nos théâtres d'opérations extérieures, où s'exerce aussi la défense de la France et de ses intérêts.

Je commencerai par le Kosovo, parce que c'est un théâtre proche, un théâtre européen. Le désengagement est progressif et maîtrisé, en concertation avec nos alliés ; notre présence a été divisée par deux depuis un an. Au printemps 2011, après le passage en « Gate 2 », nous devrions encore réduire de plus de 50% notre contribution. Nous garderons sur place le volume d'une grosse compagnie française, sur les ressources de la brigade franco allemande, au sein d'un bataillon multinational.

Deuxième théâtre : la République de Côte d'Ivoire. Depuis l'été, la RCI semble enfin s'être engagée dans un cycle vertueux qui pourrait enfin se conclure par des élections présidentielles avant la fin de l'année 2010 (le premier tour est prévu le 31 octobre). Je suis optimiste, même si tout n'est pas encore réglé (logistique électorale, désarmement, démobilisation, réinsertion (DDR)) : nous pouvons espérer une poursuite du processus électoral dans des conditions viables.

Sur place, nous disposons d'un bataillon de 900 hommes, dont un escadron de gendarmerie, ce qui constitue un volume suffisant pour protéger les sites nécessaires à l'organisation d'une éventuelle évacuation de nos ressortissants, en cas de crise sécuritaire grave. J'ai le sentiment que la question n'est plus celle des élections mais du jour d'après. Les négociations entre les différentes parties autorisent un certain optimisme.

Quelle est la nature des relations, y compris militaires, que la Côte d'Ivoire et la France souhaiteront développer, une fois un Président élu ? Ceci déterminera notre posture future.

Troisième théâtre : le Liban et la FINUL. La situation reste sensible, vous le savez. S'agissant de la FINUL, elle a fait ce qu'elle devait faire : elle a permis l'arrêt des hostilités malgré de petites explosions de violence, et bon an mal an, elle a offert quatre ans de non-belligérance.

Je pense qu'elle est arrivée au bout de ce qu'elle pouvait faire militairement. La routine étant le plus grand poison des opérations des Nations Unies - qui n'en ont pas besoin -, nous devons réfléchir à son avenir. On ne peut pas continuer à entretenir la FINUL juste pour faire flotter la bannière des Nations Unies au Liban.

Le département des opérations de maintien de la paix (DOMP) en est conscient, qui travaille sur une réorganisation du dispositif militaire.

Je souhaite rappeler certains chiffres : La FINUL compte 11 000 hommes « à terre » déployés sur une zone de 1 200 kilomètres carrés, soit neuf hommes par kilomètre carré.

Si l'on ajoute à ce ratio les effectifs des Forces armées libanaises (FAL) déployés au sud du Litani (4 000 hommes… au lieu des 15 000 hommes auxquels le Gouvernement libanais s'était engagé), on arrive à douze hommes par kilomètre carré ; ce qui est à comparer aux 50 000 hommes déployés au Kosovo au plus fort de la crise (cinq hommes par kilomètre carré).

Par ailleurs, le déploiement de la FINUL coûte 392 millions d'euros par an à l'ONU ; nous en payons une quote-part de 7,56 %.

Nous adaptons notre dispositif pour prendre en compte les évolutions du théâtre. Progressivement, nous remplaçons nos engins chenillés AMX 10P par des VBCI et bientôt nos canons AUF1 par des CAESAR. Les chars Leclerc seront rapatriés après avoir joué leur rôle dissuasif.

Quatrième théâtre : ATALANTE, opération de l'Union européenne. Cette opération est un succès militaire, qui se traduit par une baisse de 20 % du nombre de navires piratés cette année. Mais c'est un succès relatif car 90 % des pirates interceptés sont relâchés. Le traitement juridique des pirates est dans l'impasse ; les accords régionaux, notamment avec le Kenya et Maurice, s'essoufflent et l'Union européenne peine à trouver des solutions.

La piraterie n'a pas de solution militaire. Nous sommes là pour faire baisser la pression. La solution est à terre. Elle est globale et avant tout politique, dans la sous région.

Autre théâtre, nouveau : le Sahel. Vous le savez, l'actualité des otages éclaire cette région, qui appartient à l'arc de crise parfaitement identifié dans les travaux du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

En quarante-huit heures, nous avons déployé un dispositif de surveillance et de renseignement aérien basé pour l'essentiel au Niger, complété par un plot de soutien logistique basé au Sénégal.

La montée en puissance d'AQMI (Al–Qaida au Maghreb islamique) est une vraie menace dans une zone grande comme l'Europe, à cheval sur plusieurs pays dont la situation politique est difficile. Et ce, à la fois pour nos ressortissants, nos intérêts stratégiques et la stabilité de cette région du monde. Nous voulons éviter que cette menace ne s'étende géographiquement.

Au-delà des otages, il convient de bien réfléchir aux stratégies que nous souhaiterions mettre en oeuvre dans cette zone à hauts risques. Nous devons prendre garde de ne pas fournir à AQMI l'ennemi dont il a besoin pour exister et prospérer. Là encore, il n'y a pas de solution uniquement militaire. Mais nos bases en Afrique, notamment au Tchad, au sein du dispositif Épervier, nous permettent aujourd'hui d'être présents au-dessus du Sahel.

Dernier théâtre : l'Afghanistan. Il constitue aujourd'hui le coeur de notre engagement opérationnel : il requiert au quotidien toute mon attention. 4 000 hommes y sont déployés.

Après six mois d'une intense préparation opérationnelle sans équivalent, ceux-ci sont engagés six mois dans des opérations de guerre. Il s'agit d'une guerre de contre–insurrection, lente et longue, où nos soldats payent le prix du sang leur engagement au service de la France.

Vous le savez, la perception et l'évolution de cette guerre sont soumises à la pression des incidents quotidiens. Or, l'évaluation objective de la situation demande du temps et du recul.

Neuf mois après le début des grandes opérations de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) (opérations Mostharak en Helmand et Hamkari à Kandahar), il est effectivement trop tôt pour tirer un bilan définitif, même si l'agenda politico-militaire impose un objectif de court terme.

Mais, n'en déplaise aux Cassandres ou autres défaitistes, nous remportons des succès en Afghanistan. Je ne dis pas que nous avons gagné, je dis simplement que la stratégie adoptée et mise en oeuvre avec nos alliés commence localement à porter des fruits. J'en donnerai trois exemples. Lors d'un séjour en Afghanistan en juillet dernier, j'ai survolé Kaboul et j'ai pu constater que les nombreux embouteillages n'étaient plus dus aux camions militaires mais plutôt aux camions civils, notamment ceux du bâtiment. Deuxième exemple, les cheminées de briqueterie se multiplient, on en construit partout. Enfin, je rappellerai qu'en Europe, pour 100 000 habitants, on compte un mort violent par an. Ce chiffre est de cinq aux États-Unis, de vingt-cinq en Amérique latine et de cent à Caracas. À Kaboul, en tenant compte des attentats, ce chiffre est de quatre et s'élève à huit pour l'ensemble de l'Afghanistan.

Il reste vrai que toute solution uniquement militaire est vouée à l'échec.

Nous avons commencé à créer les conditions d'une « afghanisation » crédible pour une transition possible selon un calendrier que nous construisons en concertation avec nos alliés.

Après deux ans en Kapisa Surobi, nous enregistrons des signaux positifs.

Même si l'insurrection reste active dans ses sanctuaires, les forces afghanes et françaises ont étendu leur emprise, notamment sur les vallées de Tagab, la plus difficile, et d'Uzbeen, tristement célèbre. Et l'État afghan rétablit progressivement son autorité. Par exemple, le gouverneur de la province de Kapisa nous posait des difficultés et en insistant auprès du président Karzaï, ce gouverneur a été relevé.

Tout récemment, les élections parlementaires ont pu se dérouler dans des conditions satisfaisantes : l'insurrection n'est pas parvenue à perturber sérieusement la journée électorale. En Kapisa Surobi, seuls quatre bureaux de vote sur une centaine n'ont pas ouvert !

Un autre indice est significatif : depuis le 1er août, moins d'engins explosifs improvisés (EEI) sont posés ; et plus de 50 % de ceux que nous avons relevés ont été dénoncés par la population : il y a un an, ce taux était de moins de 10 %. Cela est vrai aussi pour les caches d'armes ou de drogue.

La population qui n'a pas très envie des talibans nous indique aussi des caches d'armes.

La stratégie de contre-insurrection est une stratégie au long cours, qui réclame de la patience, de la constance, de la persévérance et une vraie solidarité entre alliés. Nous sommes sur cette ligne. La conférence de Lisbonne, le mois prochain, sera l'occasion de faire un point avec nos alliés.

Ces opérations, nous les conduisons en même temps que cette réforme de fond qui ébranle nos structures, bouscule nos organisations et remet en cause nos méthodes de travail. C'est un vrai défi ; un défi d'autant plus complexe qu'il est contraint par les compressions budgétaires que vous connaissez.

Le deuxième bilan dont je souhaitais vous faire part concerne justement la transformation et la mise en oeuvre des restructurations. Le Livre blanc et la révision générale des politiques publiques (RGPP) sont deux exercices structurants pour notre ministère et les armées.

Je vous en rappelle les principales lignes de force. L'effort financier à consentir par la nation pour son outil de défense était fixé à 377 milliards d'euros sur la période 2009-2020, hors prise en compte de la crise. Les grands équilibres des deux lois de programmation reposent sur la réduction programmée de 54 000 hommes du ministère avant 2015, c'est-à-dire une baisse de 17 % en sept ans, ce qui est considérable. Je précise que ces chiffres ne prennent pas en compte l'effet d'éventuelles externalisations.

Cette restructuration mobilise 37 groupes de travail pour la RGPP et plus de 80 dossiers de réforme sont en cours. C'est une somme de travail qui s'ajoute aux opérations et à la préparation des forces. J'insiste sur ce point car nous entrons dans les années les plus décisives pour la réforme. Si nous avons commencé la manoeuvre dès 2008, c'est bien entre 2010 et 2012 que l'essentiel se joue.

Le bilan des restructurations est significatif. La participation pleine et entière de la France aux structures militaires de l'OTAN se poursuit selon le calendrier prévu, notre montée en puissance devant s'achever d'ici 2012. Nous souhaitons peser dans la réforme de l'OTAN, pour en faire une structure plus compacte, plus souple, plus réactive. Nous avons déjà des premiers résultats en ce sens et j'espère que le prochain sommet de Lisbonne les confirmera.

Le schéma directeur de l'outre-mer est établi. Nous mobilisons actuellement environ 10 000 hommes pour ses missions. Le nouveau schéma va engendrer une réduction de 23 % des effectifs des forces de souveraineté à l'échéance 2020, à condition que tous les engagements interministériels soient respectés, notamment en ce qui concerne les hélicoptères.

Les structures de commandement opérationnel et de soutien ont été rationalisées, soit à un niveau ministériel pour le soutien général, soit à un niveau interarmées pour les fonctions opérationnelles pures et les soutiens spécialisés.

L'organisation ancienne a donc laissé la place à une organisation fusionnée avec des structures désormais interarmées, resserrées et donc moins nombreuses. Je pense notamment au commandement interarmées de l'espace (CIE), implanté à Balard et qui m'est directement rattaché, l'espace constituant en effet un théâtre à part entière. Nous avons également mis en place le commandement interarmées des hélicoptères (CIH), mettant un terme à la multiplication des procédures, le commandement interarmées du soutien (COMIAS) et le service du commissariat des armées (SCA) qui regroupe tous les anciens commissariats d'armée.

Pour le maintien en condition opérationnelle, nous avons généralisé les organismes spécifiques sur le modèle du service de soutien de la flotte (SSF) ou de la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques (SIMMAD). Sont ainsi nés la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT), le service de la maintenance industrielle terrestre (SMITer), le service interarmées des munitions (SIMU) ou la direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information de la défense (DIRISI).

Nous avons également installé la direction de la sécurité aérienne, en charge de la sécurité aéronautique des aéronefs d'État. Le fait que tout le monde n'utilise pas les mêmes procédures était en effet une perte de temps et de moyens et entretenait une certaine insécurité.

Naturellement, la réforme du soutien est articulée sur les principes de soutien de proximité et de mutualisation sur un périmètre ministériel. C'est la réforme emblématique des bases de défense (BdD) avec 27 fermetures ou transferts réalisés en 2009 et plus de 100 unités concernées cette année par des restructurations. Elles seront près de 120 en 2011.

Je suis avec la plus grande attention ce dossier sensible qui affecte considérablement les hommes et les femmes, civils et militaires, de la défense, en me rendant régulièrement sur le terrain. Les principes généraux de fonctionnement et d'organisation sont arrêtés. Ils sont encourageants avec des mises en oeuvre souples et pragmatiques qui tiennent compte des réalités locales et sociales, qu'elles soient géographiques ou économiques.

En 2011, 60 BdD seront opérationnelles, 51 en métropole, et 9 outre-mer et à l'étranger. En toute transparence, je voudrais vous détailler les difficultés qui restent à résoudre sur ce dossier. L'infrastructure est un point particulier de vigilance qui conditionne le respect du tempo de la réforme. Les ressources exceptionnelles, qui n'ont pas été au rendez-vous, ont contraint à des choix lourds sur l'entretien de certaines infrastructures, notamment opérationnelles.

L'infléchissement du moral des armées est aussi une réalité. Le cumul des réformes, qui ne sont d'ailleurs remises en cause ni dans l'idée ni dans la nécessité, et leur rythme, associés aux effets boomerang de la crise financière, sont un facteur d'inquiétude supplémentaire.

Mon objectif principal est la préservation de la capacité opérationnelle de nos forces tout en poursuivant les réformes engagées. Cette transformation ne peut pas se faire au détriment des forces. J'y veille d'autant plus que la crise économique et financière et les restrictions annoncées sur la planification budgétaire triennale (PBT) fragilisent un peu plus un édifice en transition, c'est-à-dire par définition instable.

Avant d'aborder le PLF 2011, je voudrais revenir sur le contexte de l'exercice 2009-2010 et celui de la PBT 2011-2013.

L'exécution budgétaire 2009-2010 est globalement conforme à la LPM. À ce jour, le bilan physico-financier est correct. L'effort sur la fonction « connaissance et anticipation » s'est concrétisé avec la création du coordonnateur national du renseignement (CNR), l'académie du renseignement et l'augmentation des effectifs et des moyens affectés à cette fonction. C'est aussi le renforcement de la fonction « espace » avec le lancement d'HELIOS, celui de Spirale, les nouvelles stations sol SYRACUSE et la création du commandement interarmées de l'espace que j'ai déjà évoqué.

L'effort sur les équipements se poursuit : depuis 2009, des équipements majeurs ont été livrés, qu'il s'agisse des véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI), des canons CAESAR, des hélicoptères Tigre – qui impressionnent beaucoup nos partenaires en Afghanistan –, des véhicules blindés légers (VBL), des 25 Rafale, d'une frégate anti–aérienne ou des quatre systèmes anti-aériens SAMPT.

Dans le même temps, le plan de relance a donné une certaine impulsion à la LPM en permettant d'anticiper l'acquisition de certains équipements comme les petits véhicules protégés (PVP) Aravis, les hélicoptères CARACAL ou le troisième bâtiment de projection et de commandement (BPC). Pour autant, vous le savez, ce plan a consisté pour l'essentiel en une avance de crédits pour 2009-2010 qu'il conviendra de rembourser. D'ailleurs, ce remboursement a été intégré en programmation entre 2011 et 2020.

En revanche, deux facteurs conjoncturels ont aujourd'hui des conséquences structurelles qui pèsent sur l'exécution budgétaire 2009-2010 et, par conséquent, sur le PLF 2011.

Il s'agit tout d'abord des recettes exceptionnelles qui n'ont pas été au rendez-vous. Elles ont dû être compensées par la mise à disposition de reports de crédits arrivés en quasi-extinction début 2010 et par une réelle compression sur les opérations d'infrastructure à hauteur de 350 millions d'euros. Cette situation explique les inquiétudes dont je faisais part concernant les infrastructures.

Le deuxième facteur de préoccupation vient du fait que des surcoûts ou des besoins non programmés lors de la construction de la LPM sont venus alourdir la facture. Ce sont par exemple les dépenses associées à notre implantation aux Émirats arabes unis (EAU), aux frais de démantèlement des équipements, à l'exportation des Rafale, aux mises aux normes environnementales ainsi qu'à la prise en compte sous enveloppe des achats en urgence opérationnelle. Concernant le Rafale, je n'ai aucune inquiétude sur la réalisation de contrats à l'export ; il ne s'agit que d'un décalage qu'il faut temporairement compenser.

J'en viens aux dispositions du PLF pour 2011 et à la PBT 2011-2013. La maîtrise des déficits publics est une priorité nationale, car, comme le soulignait le ministre de la défense, « elle touche à l'essentiel, c'est-à-dire à la souveraineté de notre pays ». La défense contribue donc, et c'est normal, à l'effort de redressement de nos finances publiques.

En juin dernier, notre participation s'est traduite dans la PBT par une baisse des ressources budgétaires, par rapport au niveau défini en LPM, de l'ordre de 3,6 milliards d'euros entre 2011 et 2013. Cette réduction devrait être – j'aimerais pouvoir être plus affirmatif – partiellement compensée par le décalage et la réévaluation de recettes exceptionnelles et ramènerait la réduction globale des crédits à 1,3 milliard d'euros.

Il faut noter, par ailleurs, la nécessité de redoter d'environ 1 milliard d'euros le titre 2 sous plafond de ressources, excluant de facto le recours à la clause de sauvegarde pourtant inscrite en LPM. Quand on additionne à cela les besoins non programmés en LPM que j'ai précédemment évoqués, la PBT impose, sur la période 2011-2013, une forte pression hors titre 2.

Cette pression se manifeste par une contrainte importante sur la fonction support au titre de la mesure interministérielle de baisse de 10 % des dépenses de fonctionnement courant. Le périmètre de cette fonction support préserve cependant les moyens nécessaires au support des opérations. Cette pression conduit également à une baisse progressive et annoncée de l'activité de préparation opérationnelle. Il faut faire attention à ne pas atteindre un niveau qui nous mettrait en danger faute d'un entraînement suffisant. Enfin, cette contrainte impose le décalage de nombreux programmes d'armement, sans toutefois remettre en cause, au moins pour le court terme, les principaux programmes en réalisation.

Le PLF 2011 ne traduit donc pas encore de manière sensible les problématiques concernant la PBT 2011-2013 ; il les annonce !

Le montant des crédits accordés à la mission « Défense » hors pension est de 31,2 milliards d'euros, en conformité globale avec la LPM, dont 30,2 milliards d'euros de crédits budgétaires et 1 milliard d'euros de ressources exceptionnelles. Le gel des crédits budgétaires entre 2010 et 2011 étant compensé par des recettes exceptionnelles réévaluées, il faut qu'elles soient au rendez-vous ! Or les exercices 2009 et 2010 nous ont montré les difficultés que cela pouvait engendrer. Cela conditionne pourtant le maintien de l'effort en matière d'équipements de nos forces.

Quatre tendances se dégagent de ce projet de loi de finances.

La première illustre l'effort globalement maintenu sur les équipements. S'inscrivant dans la logique de « recapitalisation » de notre outil de défense, les ressources totales consacrées aux équipements s'élèvent à 16 milliards d'euros, soit un niveau toujours supérieur à la moyenne de la LPM 2003-2008, qui était de 15 milliards d'euros.

Bien qu'en retrait par rapport à la programmation, ces crédits permettent de poursuivre la politique d'investissement au profit de la fonction « connaissance et anticipation » – au travers de l'achat d'équipements et du recrutement de quelque 700 spécialistes – et de la protection du combattant.

Ces crédits permettront de réaliser ou d'engager des commandes avec, notamment, la poursuite du renouvellement des deux composantes de la dissuasion, qu'il s'agisse des missiles ASMP-A, mis en service le 1er juillet dernier, ou des missiles M51, qui viennent d'être admis au service actif. Nous améliorons aussi les moyens du renseignement grâce à la rénovation d'un C160 Gabriel pour l'écoute électronique, à la rénovation de nos AWACS, à des stations sol de satellite type SYRACUSE ou aux satellites MUSIS qui succèdent à HELIOS et nous donneront des capacités bien plus importantes. Je tiens à préciser que tous nos partenaires ne font pas des efforts aussi substantiels.

Nous faisons également un effort au profit des moyens de protection et de combat pour nos forces engagées avec les véhicules de haute mobilité (VHM), les VBCI, les VBL, les PVP ou le système FELIN. Pour les systèmes d'armes, il s'agit en particulier des sous-marins Barracuda, des avions Rafale, des hélicoptères Tigre, des premières livraisons d'hélicoptères NH90, des canons CAESAR et des torpilles Mu 90.

La deuxième tendance qui se dégage met en lumière la poursuite des réformes. Les réductions d'effectifs atteindront 8 415 postes au ministère de la défense, dont 7 742 pour la mission « Défense ». Corrélativement, le resserrement des dispositifs sera accentué en atteignant, avec deux ans d'avance, l'organisation cible à 60 BdD que j'ai évoquée tout à l'heure.

En revanche, les mesures d'économie sur le fonctionnement font peser des risques de nature à dégrader la qualité des services et le moral de nos armées. Il ne faut pas ignorer ce genre de risque. Les objectifs d'économie sur les dépenses de fonctionnement concerneront principalement le budget des bases de défense, avec une réduction forfaitaire d'environ 130 millions d'euros sur trois ans de leurs crédits de fonctionnement. Comme nous considérons qu'il faut responsabiliser les acteurs locaux, nous ne donnons aux responsables de base de défense que des objectifs globaux, charge à eux de les mettre en oeuvre au vu de la situation locale. Il est hors de question de dire à chaque base comment atteindre ses objectifs.

Pour les armées, les deux enjeux de rationalisation des soutiens et de continuité du service restent majeurs, alors que le soutien aux opérations avec le même niveau de qualité est un impératif. L'équation est donc particulièrement difficile, mais nous saurons relever le défi.

Troisième tendance : nous sommes contraints à la stricte suffisance en matière d'activité. Le PLF 2011 permet de satisfaire au plus juste l'activité opérationnelle dictée par les engagements en cours. Toutefois, entre 2011 et 2013, la pression budgétaire se traduira par la baisse des potentiels disponibles en raison de la dégradation des contrats de maintenance et de la réduction de certains stocks, déjà en dessous du niveau souhaitable.

Une telle tendance sur le long terme conduirait à une différenciation de plus en plus importante de la préparation opérationnelle des unités déployées et de celles qui ne le sont pas. C'est un pis-aller ! Il est hors de question d'avoir une armée à deux vitesses.

Cela interdirait aussi la préservation de savoir-faire individuels et collectifs essentiels pour nos opérations : c'est, par exemple pour nos pilotes, le vol sous jumelles de vision nocturne (JVN) ou le ravitaillement en vol. Ce sont encore nos capacités de manoeuvre aéro-terrestres ou même nos capacités de sauvegarde maritime, honorées en Méditerranée à hauteur de seulement 20 % depuis le déclenchement de la crise au Sahel, qui mobilise nos avions de surveillance maritime.

Cette baisse d'activité se reflète déjà dans la plupart des indicateurs définis dans le plan annuel de performance.

Enfin, le PLF pour 2011 maintient le provisionnement pour les opérations extérieures (OPEX), qui atteint 70 % des surcoûts constatés ces deux dernières années, la provision passant de 570 à 630 millions d'euros.

Le durcissement de nos opérations et la nécessité d'engager nos meilleurs équipements ont un impact fort sur les budgets malgré nos déflations régulières d'effectifs sur les théâtres en cours de stabilisation comme au Kosovo ou en Côte d'Ivoire.

Ainsi, le surcoût moyen total annuel d'un homme déployé en Afghanistan est de 103 200 euros alors qu'il est de 61 700 euros pour un soldat de l'opération Licorne en Côte d'Ivoire. La comparaison avec les coûts de nos principaux partenaires montre que, à périmètre égal, les armées françaises sont plutôt « bon marché ».

Au-delà de cette provision, il sera cette année encore nécessaire d'avoir recours à un décret d'avance ; dans un premier temps, gagé sur les crédits du ministère de la défense, dans un deuxième temps, remboursé en loi de finances rectificative (LFR), comme le prévoit la loi de programmation. Cela doit permettre de couvrir le financement des OPEX, in fine, avec la réserve interministérielle. Il ne faut cependant pas que la LFR arrive trop tardivement si nous voulons éviter de reporter trop de crédits, faute de temps pour les dépenser avant la fin de l'année.

Il me semble qu'il faut bien identifier le véritable enjeu. La PBT introduit mécaniquement une divergence avec la trajectoire des crédits budgétaires inscrits en LPM : il s'agit des 3,6 milliards d'euros dont je parlais.

Il est de ma responsabilité de planifier et d'anticiper les conséquences de cette nouvelle trajectoire sur le long terme, c'est-à-dire après 2013. Le pays fait le choix d'un outil de défense complet et polyvalent. La diversité et la complémentarité de nos moyens nous accordent encore aujourd'hui une véritable liberté d'action, à la mesure de nos ambitions et de notre place sur la scène internationale.

Demain, c'est notre modèle de force et donc nos ambitions qui seront en jeu, c'est-à-dire nos choix d'un outil de défense complet garant de notre autonomie d'appréciation, de décision et d'action. C'est une question française, mais qui concerne aussi tous les pays européens. Elle est éminemment politique.

L'Europe désarme alors que le monde réarme avec une augmentation moyenne de 6 % des crédits de défense. L'Europe baisse la garde dans un contexte de crise économique et financière, où les équilibres sont fragilisés, où les risques cumulés sont sources de tensions régionales et internationales. Les choix que nous faisons aujourd'hui engagent notre responsabilité pour l'avenir de nos enfants.

En conclusion, je voudrais rendre hommage à tous nos soldats engagés en opérations.

Je rends hommage aux dix-neuf soldats qui, cette année, ont payé de leur vie leur engagement au service de la France ; je rends hommage aux soldats qui ont été blessés, dont certains très grièvement. Je rends hommage à leurs camarades de combat, à leurs familles, à leurs amis et à toutes les associations qui les soutiennent dans l'épreuve.

Je salue aussi l'action des armées, des directions et des services qui se sont engagées sans état d'âme dans cette réforme de fond alors même qu'elle a un impact parfois important sur la situation personnelle de nombreux militaires ou de civils de la défense ! Cette abnégation n'est pas si fréquente aujourd'hui : elle mérite d'être soulignée !

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