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Intervention de Guy Lefrand

Réunion du 6 octobre 2010 à 15h00
Dispositions relatives à la démocratie sociale — Discussion du texte de la commission mixte paritaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Lefrand, suppléant M :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité, mes chers collègues, le rapporteur de la commission mixte paritaire, M. Dominique Dord, retenu par une obligation impérative, m'a demandé de bien vouloir le suppléer pour vous présenter les résultats de la réunion de la commission mixte paritaire qui s'est tenue jeudi dernier : celle-ci a débouché sur un texte qui a été approuvé par les sénateurs et les députés de la majorité et qui a été voté, hier, par le Sénat en séance plénière. Je vous proposerai naturellement de faire de même.

Pour ce qui est du contenu du texte, j'appelle, tout d'abord, votre attention sur son titre : « projet de loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 », qui est la réforme majeure de la représentativité syndicale souhaitée par les partenaires sociaux, que nous avons inscrite dans notre droit en 2008. Ce titre nous rappelle l'enjeu essentiel du présent texte – enjeu que nous devons toujours garder à l'esprit –, qui est de garantir la constitutionnalité de la réforme de 2008. Pour ce faire, il faut absolument – le Conseil d'État l'a confirmé – prévoir un mode d'expression de la préférence syndicale des salariés des entreprises de moins de onze salariés, afin de compléter la prise en compte des résultats des élections professionnelles organisées dans les entreprises de plus grande taille. L'article le plus important du texte est donc l'article 4, qui organise cette expression sous la forme d'un scrutin de représentativité sur sigle tous les quatre ans.

Cet article a été précisé au cours des débats. Notre assemblée a, en particulier, adopté des amendements visant à garantir la confidentialité du vote et à définir très clairement les obligations des entreprises pour son organisation, pour qu'il n'entraîne pas de charges supplémentaires pour elles. Elle a également légèrement modifié la définition du corps électoral : afin d'éviter que ne soient écartés un grand nombre de salariés dans les professions où les contrats très courts dominent, tel le spectacle, elle a étendu la période de référence pendant laquelle les intéressés devaient avoir travaillé. La commission mixte paritaire a conservé ces acquis.

Une autre disposition a suscité quelques interrogations : l'article 8 reporte les prochaines élections prud'homales, initialement prévues en décembre 2013, de deux ans au plus. Ce qui a jeté le trouble, c'est la coïncidence de l'annonce de cette mesure avec la parution d'un rapport administratif envisageant le remplacement des élections prud'homales par d'autres modes de désignation ou d'élection indirecte des conseillers prud'hommes. Je me bornerai à souligner qu'un report ne présume en rien une éventuelle réforme des élections prud'homales, laquelle doit, pour être menée, faire l'objet d'une loi à part, et que celui qui est prévu est pleinement justifié du fait de la proximité de l'échéance initiale, d'une part, avec l'achèvement durant l'été 2013 du processus de mesure de l'audience syndicale prévu par la loi de 2008, d'autre part avec plusieurs échéances électorales politiques en 2014.

J'en viens à l'article 6 du projet de loi initial, qui instituait des commissions paritaires territoriales pour les très petites entreprises. Cet article, qui, à la différence de l'article 4, ne correspondait à aucune nécessité juridique, était proposé par le Gouvernement à la suite de la signature, en janvier 2010, d'une lettre commune par une organisation patronale et quatre syndicats de salariés demandant l'institution de telles commissions. Or cette lettre commune n'a été signée ni par tous les syndicats de salariés ni par toutes les organisations d'employeurs représentatives au plan national et interprofessionnel. C'est d'ailleurs sans doute la raison pour laquelle ses signataires ne l'ont pas dénommée accord national interprofessionnel et ne lui ont donné aucune portée juridique. Ils craignaient que les organisations non signataires n'exercent le droit d'opposition qu'elles détiennent depuis la réforme de la représentativité de 2004 et de 2008. Ce seul fait conduisait à s'interroger sur l'opportunité de donner valeur légale à ce document, la volonté des partenaires sociaux étant d'empêcher qu'un accord minoritaire ne puisse être imposé.

Au-delà de ces considérations, se posait une question de principe : quelles relations sociales voulons-nous dans les très petites entreprises ? À la différence des grandes entreprises, où il y a forcément des échelons intermédiaires justifiant l'existence d'instances représentatives, les TPE se caractérisent par un rapport direct entre le chef d'entreprise et chacun de ses salariés. Voulons-nous y imposer une médiation extérieure, menée par des permanents syndicaux ? C'était apparemment la position du groupe socialiste, qui a défendu des amendements pour imposer des délégués syndicaux de bassin d'emploi. Mais ce n'est pas la position de la majorité.

Sensible aux mêmes préoccupations, le groupe UMP du Sénat a cherché à atténuer la portée de l'article 6, en spécifiant notamment que les membres des commissions paritaires ne pourraient pas entrer dans les locaux des entreprises sans l'accord du chef d'entreprise. Cette précision apparaissait nécessaire au Sénat. Mais on était en droit de s'interroger sur la portée effective de cette précaution, sachant que les négociations relèvent davantage, en la matière, du rapport de force que du droit.

Plus globalement, les tentatives d'amodier, d'aménager, d'atténuer encore l'article 6 conduisaient, pour concevoir des commissions paritaires TPE sans danger, à leur ôter tous moyens, toutes compétences et toutes prérogatives, de sorte qu'elles n'auraient plus servi à rien. Comme une bonne législation doit s'interdire d'empiler des structures inutiles, le groupe UMP de l'Assemblée nationale est arrivé à la conclusion, sous la présidence de Jean-François Copé, qu'il fallait supprimer l'article 6 – ce qui fut fait.

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