La recherche dont je parle est celle qui peut être comparée à des standards internationaux ou donner lieu à des articles qui ouvrent une perspective. La situation est sérieuse. Je rappelle qu'il se forme chaque année un stock de 300 000 élèves qui entrent au collège sans les bases. Pour traiter ce stock, il nous faut des outils qui puissent être déployés à l'échelle nationale, donc une vision collective de l'institution et de vrais processus. Or plus nous attendons, plus nous prenons de retard.
Nous nous sommes bien sûr intéressés au livre de Peter Gumbel. Notre pays est le champion d'Europe du redoublement – qui continue à se pratiquer couramment bien que la loi de 1989 l'interdise, je le rappelle, en dehors des cycles.
Venons-en au creusement des inégalités. Accepterait-on 40 % d'échec dans le secteur nucléaire ou dans l'armée ?
Certains ont évoqué la masterisation. Le pied de grille, pour un professeur des écoles, tourne autour de 1 300 euros. Les pays qui ont mené à bien des révolutions pédagogiques se sont tous demandé à un moment ou à un autre comment attirer les meilleurs d'une génération vers le métier d'enseignant. Offrir 1 300 euros à des « bac +5 » me paraît à terme strictement intenable. C'est pourquoi nous soulevons la question des salaires en début de carrière.
Je ne pense pas, Monsieur Féron, que nous ayons utilisé dans le rapport le mot « rentabilité ». Il n'est évidemment pas dans notre intention de dire que l'école doit devenir une entreprise. Mais dans la mesure où elle absorbe 22 % du budget de l'Etat, nos concitoyens sont en droit d'en attendre une certaine performance. Savez-vous qu'au lycée, il y a un enseignant pour 14 élèves ? C'est une moyenne, mais elle est extraordinairement luxueuse ! Nous ne disons donc pas qu'il n'y a pas assez de moyens, mais que les arbitrages ont été systématiquement rendus au profit du secondaire, alors que c'est en amont que se préparent les inégalités. Nous avons fait des choix ; nous les payons.
Monsieur Maurer, les Pays-Bas, qui connaissent une immigration comparable à celle de la France, se classent aujourd'hui dans PISA au troisième rang mondial pour les mathématiques et au neuvième pour la lecture. Il y a donc là un sujet que nous n'avons pas su traiter, et qui se traite à mon avis dans la salle de classe. La piste du lien entre la petite enfance et l'école est donc, je le redis, une piste intéressante. Il faut désormais penser non plus à des dynamiques d'institutions, mais à des dynamiques de territoires. Les maires ont ici un rôle très important à jouer.