Se confronter aux problèmes que rencontre l'école primaire, c'est accepter le risque du découragement devant l'ampleur de la tâche. Au lieu de s'épuiser vainement à pousser le rocher de Sisyphe, je suggère de regarder d'abord si ce n'est pas un petit caillou qui l'immobilise ; si tel est le cas, une fois ôté, tout redevient possible ; en l'occurrence, le petit caillou, c'est l'absence de diffusion des bonnes pratiques qui ont été positivement évaluées. Pour un enseignant, non seulement il n'est pas possible, le soir venu, de s'endormir paisiblement avec la conscience de l'échec mais son sentiment de culpabilité ne fera que s'accroître s'il n'applique pas des méthodes éprouvées. Les professeurs attendent de l'aide ! Monsieur Durand, vous n'avez pas tort de souligner que nul n'apprend ce métier mais tout change si l'on transmet à ces professionnels des méthodes qui ont fait leur preuve !
Par ailleurs, Monsieur Grosperrin, l'organisation de la scolarité en cycles d'enseignement telle que préconisée par la loi Jospin n'a en effet pas été mise en place ; or, cette « révolution copernicienne » est toujours d'actualité et me semble nécessaire.
Jusqu'à présent, Monsieur Durand, l'école primaire échappait en effet à la critique de nos compatriotes parce qu'ils ignoraient ce qu'il s'y passe. Fort heureusement, des prises de conscience se sont fait jour. J'ajoute que la question que vous avez posée sur la nature du métier d'enseignant est essentielle. Enfin, si la Finlande constitue une référence dans le domaine qui nous préoccupe, il convient aussi de rappeler que le finnois est une langue contre-intuitive dont l'apprentissage est beaucoup plus facile que le français. Par exemple, le son O, chez nous, est le même dans les mots suivants – « eau », « haut », « oh », « Ô » – quand, en finnois, la graphie de « bateau » ou « d'auto » correspond à bato ou oto, ce qui limite considérablement les fautes d'orthographe. Cela ne suffit cependant pas, comme me l'a fait remarquer l'ambassadrice de ce pays, à expliquer les succès de l'enseignement scolaire en Finlande puisque la proportion des personnes issues de l'immigration, qui rencontrent forcément des difficultés particulières, y est aussi nombreuse que chez nous.
Enfin, l'Institut Montaigne, Madame Amiable, est une force de propositions et c'est sur ces dernières qu'il doit être jugé, quel que soit son mode de financement. Je gage que, si vous nous faites le plaisir de nous entendre, c'est que notre souci de l'intérêt général vous a paru conforme à notre mission.