Mes collègues ont tout dit au sujet de ce projet de loi, mais l'intervention de M. Goujon appelle de ma part une réaction pour rétablir quelques vérités.
En matière de sécurité publique, de tranquillité, d'incivilités, la société n'évolue pas en bien. D'où cet aveu d'échec d'une politique, sans doute parce que l'on n'a pas pris en compte la dimension globale de la question pour lui apporter des réponses et produire de la sécurité.
La sécurité n'est pas un état naturel de la société. Au Moyen Âge, une des pires périodes de notre histoire, on se faisait détrousser au coin des rues. En produisant de la règle, de la discipline, de l'éducation, en luttant contre les discriminations, on produit de la sécurité. Force est de constater que cette production est en panne dans notre pays, ce qui explique le besoin incessant d'adapter la législation et de charger toujours plus la police et la justice, c'est-à-dire la « chaîne pénale ». C'est une « course à l'échalote » qui empêche de régler les problèmes au fond.
L'argument selon lequel la gauche a gouverné plus longtemps que la droite est usé, chers collègues de la majorité ! J'espère qu'une alternance prochaine y mettra fin. Rappelez-vous : « terroriser les terroristes », « tolérance zéro »... Après la première loi d'orientation et de programmation pour la sécurité de 1995, Jean-Pierre Chevènement a trouvé une situation catastrophique en arrivant place Beauvau en 1997, notamment en ce qui concerne les effectifs de police. Charles Pasqua avait été ministre de l'intérieur pendant deux ans, Jean-Louis Debré pendant deux ans également. Vous êtes donc mal placés pour donner des leçons en matière de renforcement du premier maillon de la chaîne pénale ! Lorsque nous avons quitté le pouvoir en 2002, j'ai transmis à mon successeur le meilleur budget que la police nationale ait connu. Les écoles de police étaient pleines, les adjoints de sécurité étaient présents.
Depuis, il y a eu des discours et des postures, mais un échec dans la réalisation. L'état psychologique des forces de police aujourd'hui est mauvais. Delphine Batho a dit ce qu'il fallait dire au sujet de l'évolution des effectifs et de l'instrumentalisation politique. La culture de la performance, du résultat, de la prime, fait courir des risques énormes aux policiers dans l'exercice de leurs fonctions, avec les résultats que l'on connaît.
Pour des raisons d'affichage, vous voulez légiférer à nouveau et renforcer toujours plus l'arsenal répressif. Il aurait déjà fallu mettre en oeuvre l'arsenal législatif existant, ce dont vous n'avez pas été capables !
Il suffit d'en discuter avec les hauts responsables : le moral des troupes n'est pas bon et l'insécurité progresse. Et ce sont toujours les mêmes qui sont frappés, toujours dans les mêmes quartiers. Ce n'est pas cette loi supplémentaire qui apportera les bonnes réponses. Lorsque la police et la justice interviennent, la transgression de la règle a, hélas ! déjà eu lieu. J'en reviens donc au travail engagé, notamment avec les contrats locaux de sécurité, pour que forces de police et de gendarmerie, police municipale, élus, éducation nationale, justice, associations, produisent ensemble de la sécurité. Encore faut-il que les collectivités locales disposent des moyens pour engager des politiques de prévention, y compris avec les polices municipales telles qu'elles ont été encadrées par la loi de 1999.
Il ne faut pas étouffer les collectivités locales sur le plan budgétaire au travers des dotations que vous envisagez : vous les mettrez sinon dans l'obligation de faire des choix. Or un grand nombre de collectivités ont fait le choix de la sécurité, en investissant notamment dans les commissariats de proximité, dans la police municipale ou dans des conventions entre la police nationale et la police municipale. La régression des politiques publiques que vous organisez, notamment en matière fiscale, à l'encontre des collectivités locales condamnera les choix qu'elles ont opérés en matière de sécurité.
J'interviens peu en Commission des lois, mais je ne pouvais laisser passer les affirmations erronées de M. Goujon.