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Intervention de Éric Ciotti

Réunion du 29 septembre 2010 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti, rapporteur :

Le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI), que nous examinons en deuxième lecture, fixe une ambition forte en matière de sécurité en affirmant très clairement une volonté de modernisation de nos forces de sécurité afin de répondre aux nouveaux défis auxquels notre société est confrontée : les agressions à l'encontre de personnes vulnérables ; les cambriolages ; la délinquance des mineurs ; les trafics de stupéfiants ; la cybercriminalité.

Après le discours de Grenoble et les événements qui l'ont précédé, le Gouvernement a souhaité renforcer encore sa politique sur deux aspects essentiels et préoccupants : les atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique et les violences faites aux personnes.

Le Sénat a examiné ce texte au début du mois de septembre et je ne peux que me féliciter du consensus global dégagé entre les deux chambres.

Ainsi, la lutte contre la cybercriminalité et la nécessaire adaptation des forces de sécurité aux nouvelles technologies, que ce soit au niveau de la lutte contre la pédopornographie, de l'utilisation de fichiers d'antécédents et d'analyse sérielle ou de la modernisation du régime de la vidéoprotection, ont largement été approuvées par nos collègues sénateurs.

Il en est de même des dispositions relatives à la prévention de la délinquance et au volet, que j'avais souhaité insérer en première lecture, consacré aux polices municipales.

Sur les 88 articles que comptait le texte à l'issue de son adoption par notre assemblée, plus de la moitié ont été adoptés conformes au Sénat.

Mais il subsiste des points de désaccord.

Il me semble notamment important de clarifier le rôle dévolu à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) dans son contrôle sur les systèmes de vidéoprotection.

Plus encore, il m'apparaît nécessaire de revenir sur les dispositions relatives aux violences faites aux personnes et aux atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique.

S'agissant des violences faites aux personnes, les peines plancher instaurées par la loi du 10 août 2007 à l'initiative du Président de la République ne concernent actuellement que les récidivistes. Le chef de l'État, dans son discours de Grenoble, a souhaité que les auteurs de violences aggravées se voient appliquer des peines plancher dès le premier acte commis. Le Sénat a amendé cette disposition introduite par le Gouvernement en limitant le champ d'application de la peine minimale aux cas les plus graves, à savoir les délits de violences volontaires aggravées pour lesquels la peine encourue est égale à dix ans d'emprisonnement. En outre, le Sénat a souhaité subordonner l'application de ces peines plancher à l'existence d'une incapacité de travail pour la victime supérieure à quinze jours.

Je ne partage pas cette position. Parce qu'il est nécessaire que la sanction soit à la hauteur d'actes aussi inacceptables, je propose de rétablir un dispositif aux termes duquel la peine d'emprisonnement ne pourra être inférieure à six mois si le délit est puni de trois ans d'emprisonnement, à un an si le délit est puni de cinq ans d'emprisonnement, à dix-huit mois si le délit est puni de sept ans d'emprisonnement, à deux ans si le délit est puni de dix ans d'emprisonnement, et ce pour tous les actes de violences aggravées.

Le Gouvernement a également souhaité introduire un dispositif permettant d'étendre le champ de la surveillance judiciaire actuellement limitée aux personnes condamnées à des peines d'une durée supérieure ou égale à sept ans d'emprisonnement pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, aux personnes condamnées à une peine supérieure ou égale à cinq ans en état de nouvelle récidive. Il faut savoir que 50 % des actes de délinquance sont commis par 5 % des délinquants et que 19 000 délinquants en France ont été mis en cause plus de cinquante fois. Cette situation ne peut perdurer.

Ces personnes, dont la dangerosité est avérée puisqu'elles auront été condamnées deux fois en état de récidive légale à une peine de cinq ans d'emprisonnement, doivent être soumises à la surveillance judiciaire. C'est la raison pour laquelle il me semble nécessaire d'abaisser également, par coordination, le seuil de placement sous surveillance électronique mobile à cinq ans.

Enfin, l'article 23 sexies, issu de l'adoption par le Sénat d'un amendement du Gouvernement, introduit au sein de l'ordonnance de 1945 sur l'enfance délinquante un nouvel article permettant au procureur de la République de poursuivre directement un mineur devant le tribunal pour enfants, évitant ainsi la phase préalable de mise en examen, dès lors que des investigations supplémentaires sur les faits et la personnalité du mineur ne sont pas nécessaires. Le procureur de la République peut ainsi faire convoquer le mineur par l'officier de police judiciaire, dès lors que les faits sont clairs et que des éléments récents de personnalité sont connus. Le Sénat a souhaité réduire la portée de cet article. Pourtant, la disposition me paraît essentielle : face à un mineur délinquant, plus que la fermeté de la sanction, c'est l'effectivité qui est importante. Une sanction qui intervient trois, voire quatre ans après les faits est inutile. La sanction ou les mesures éducatives doivent être prises au plus près des agissements délictueux. Passé un certain délai, la sanction n'a plus de sens.

J'insisterai sur la disposition relative à l'instauration d'une peine de prison incompressible pour les meurtriers ou les assassins de policiers, gendarmes, magistrats, membres de l'administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique. Cette mesure, à laquelle je souscris, doit conduire les délinquants qui s'en prennent aux forces de l'ordre dans l'exercice de leurs fonctions à une condamnation à perpétuité assortie au minimum d'une période de sûreté de trente ans.

Le Sénat a souhaité limiter ce dispositif aux crimes commis en bande organisée ou en guet-apens. Il me semble au contraire indispensable de prévoir une peine incompressible que le crime ait été commis avec ou sans circonstance aggravante. C'est pourquoi je vous proposerai par amendement de rétablir un dispositif applicable aux assassins et aux meurtriers des personnes dépositaires de l'autorité publique, sans condition supplémentaire de circonstance aggravante. En attentant à la vie d'un policier, d'un gendarme, ou de toute personne dépositaire de l'autorité publique, c'est à l'État que ces criminels s'attaquent. La réponse doit donc être à la hauteur de la gravité des faits commis.

La LOPPSI est un texte ambitieux, dont l'objectif est d'assurer la sécurité partout et pour tous. Elle répond aux attentes des Français, à celles des victimes, et donne de nouveaux moyens d'action aux forces de l'ordre.

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