L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), qui sert de banque à l'assurance maladie, est chargée de payer ses dépenses, telles que les remboursements de soins médicaux et des médicaments, et d'encaisser ses recettes. Alors que l'ACOSS devrait être en équilibre en fin d'exercice, elle enregistre un découvert bancaire croissant, dont la loi de financement de la sécurité sociale fixe le plafond – le découvert est aujourd'hui d'environ 50 milliards d'euros, pour un maximum autorisée de 65 milliards.
L'ACOSS dispose d'un accord avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pour se financer et, quand cela ne suffit pas, elle place des billets de trésorerie sur les marchés. La Cour des comptes critique régulièrement cette situation : la mission de l'ACOSS est, en effet, de gérer de la trésorerie, et non de porter une dette sur plusieurs années. Depuis 1996, la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) est chargée d'amortir la dette sociale en émettant des emprunts, en grande partie souscrits à l'étranger, ce qui lui permet de reprendre la dette accumulée par l'ACOSS.
Cette situation pose plusieurs problèmes. La dette de la sécurité sociale n'est pas une dette publique comme les autres : si elle n'est pas couverte, la pérennité de la protection sociale est remise en cause à terme. Les conditions d'endettement ne sont pas les mêmes que pour l'État ou que les collectivités territoriales, lesquelles n'ont le droit d'emprunter que pour investir, et non pour couvrir leurs dépenses de fonctionnement. En 2005, près de dix ans après la création de la CADES, nous avons adopté à l'unanimité un dispositif-cadre simple et logique pour la dette sociale : quand une dette est transférée à la CADES, il faut affecter une ressource pour garantir un remboursement dans le délai initialement prévu pour apurer la dette portée par la caisse. Le Conseil constitutionnel a précisé que cette disposition présentait un caractère organique et qu'elle traduisait la volonté de ne pas reporter la dette sociale sur les générations futures.
À la fin de l'année 2008, le Gouvernement a demandé à la CADES d'amortir une dette sociale supplémentaire, et lui a affecté 0,2 point de CSG à cette fin. Depuis sa création, la Caisse a ainsi absorbé 134 milliards d'euros de dette sociale. Elle dispose aujourd'hui de deux recettes : 0,5 point de CRDS et 0,2 point de CSG. Le président de la CADES nous a rappelé, la semaine dernière, que ce dispositif lui permettait de bénéficier de la meilleure notation possible, et donc de taux intéressants, car les emprunts émis ne présentent aucun risque.
Si le reste du projet de loi organique contient de véritables avancées, on peut regretter que l'article 1er nous demande d'écarter le dispositif en vigueur : il serait désormais possible de transférer une dette supplémentaire sans apporter des recettes pérennes en contrepartie, ni respecter les délais aujourd'hui prévus.
Saisie pour avis, la Commission des finances a adopté hier un amendement tendant à accepter un report des délais, mais imposant l'affectation de recettes pérennes. Quant à la Commission des affaires sociales, elle a adopté, à la quasi-unanimité, un amendement supprimant l'article 1er, considérant que les principes actuels devaient être préservés. Pour ma part, j'ai déposé un amendement de suppression identique à celui qui a été adopté par la Commission des affaires sociales ainsi qu'à d'autres amendements déposés par nos collègues. En effet, ce qui nous est proposé par le Gouvernement ne pourra pas fonctionner de manière satisfaisante. Nous devrons nous rapprocher, au cours des jours à venir, du Gouvernement et des autres commissions, mais il ne me semble pas possible, en tout cas, d'adopter le texte sous cette forme.