Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans la recherche, toujours difficile, d'une politique d'immigration qui concilie efficacité et justice. Il renforce non seulement la politique d'intégration et d'ouverture à l'immigration de travail, mais aussi les outils de lutte contre l'immigration irrégulière et contre l'emploi d'étrangers dans des conditions irrégulières. La commission des affaires sociales s'est saisie pour avis du titre IV qui porte spécialement sur ce dernier point : les droits des salariés étrangers employés illégalement et les sanctions dont sont passibles leurs employeurs.
On ne sait pas exactement, par définition, combien d'étrangers sans papiers vivent dans notre pays. On dit souvent qu'ils seraient de 200 000 à 400 000 ; ce qui est certain, c'est que plus de 200 000 sont inscrits à l'aide médicale d'État qui leur est destinée et que 70 000 à 80 000 étrangers en situation irrégulière sont interpellés chaque année.
Certains seulement de ces étrangers travaillent. Les seules sources objectives disponibles sur le travail des étrangers en séjour irrégulier sont celles qui rendent compte de l'activité de contrôle et de répression des services compétents. Les infractions constatées en matière d'emploi d'étrangers sans titre de travail apparaissent de plus en plus nombreuses. Le nombre de personnes mises en cause, c'est-à-dire d'employeurs, dans ces faits, a quasiment triplé de 2006 à 2009, passant de 1 200 à 3 200.
Le mouvement social conduit par des travailleurs sans papiers qui exigent leur régularisation depuis plus d'un an a par ailleurs donné une autre visibilité à la question. Il aurait concerné plus de 6 000 personnes, employées notamment dans le bâtiment et les travaux publics, la restauration et le gardiennage. Plus de 1 600 demandes de régularisation ont été déposées dans le cadre des circulaires prises par le Gouvernement.
Le dispositif légal et réglementaire qui réprime l'emploi irrégulier d'étrangers est déjà substantiel, avec tout un arsenal de sanctions pénales et administratives telles que des amendes administratives et l'exclusion des aides publiques.
À cet égard, je regrette que cette réglementation, qui doit légitimement être sévère et que nous allons renforcer, ne distingue pas mieux deux cas de figure lorsque les étrangers en cause sont employés et déclarés sur la base de faux documents : l'employeur peut être à l'initiative ou complice de la falsification ; il peut aussi être trompé par le salarié. Or le droit actuel ne prend pas clairement en compte cette différence de situation entre employeurs de bonne foi ou non. Le code du travail dispose en effet que « Nul ne peut, directement ou par personne interposée » employer un étranger sans titre, créant ainsi une sorte de prohibition objective sans qu'une intention frauduleuse de l'employeur ait à être établie pour fonder des sanctions. Cela a des conséquences : l'employeur qui découvre qu'un de ses salariés s'est fait embaucher sur la base de faux documents en subit les conséquences – amende administrative à l'OFII, éventuelle contribution aux frais de reconduite et versement d'une indemnité forfaitaire – sans que son éventuelle bonne foi puisse l'en exonérer.