Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Bernard Kouchner

Réunion du 14 septembre 2010 à 16h15
Commission des affaires étrangères

Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes :

Très longtemps, je l'espère, y compris après notre départ. Quoi qu'il en soit nous ne parions pas sur une illusoire victoire militaire mais sur les changements profonds de la société afghane. « Il n'y aura pas d'élections, M. Karzaï est corrompu », n'a-t-on cessé de nous dire : ces assertions ont été démenties par les faits. Bref, nous souhaitons aider les paysans dans les vallées et confier aussi vite que possible la direction des provinces aux Afghans.

Quant à la stratégie de contre-insurrection du général Petraeus, monsieur Gaymard, elle n'est pas la même qu'en Irak : elle ne revient pas à s'appuyer sur un groupe contre les autres. Les Pachtounes, ethnie dominante chez les talibans, participent à la mosaïque afghane.

Le général Mac Chrystal estimait que les opérations menées à Marjah ou à Kandahar réussiraient si l'armée afghane remplaçait rapidement les troupes alliées, sachant par ailleurs que plusieurs pays européens n'ont pas envoyé de combattants sur le terrain. Soit dit au passage, nul n'imaginait que la conférence sur la stratégie, qui s'est tenue en juin dernier à Kaboul, pourrait avoir lieu. En tout état de cause, après la parution de son article et la juste sanction du Président Obama, le général Mac Chrystal s'est, semble-t-il, montré plus réaliste.

À la Conférence de Londres, le Président Karzaï et Mme Clinton ont évoqué l'échéance de 2011. Certains pays se retireront-ils à cette date ? Ce sera sans doute le cas du Canada et de la Hollande. Mais en dehors du retrait, aucune stratégie alternative n'est proposée. Théoricien de la contre-insurrection et partisan de solutions plus proches du terrain, le général Petraeus est arrivé à la tête des troupes alliées avec l'aura de ses succès en Irak. Or, il envisage désormais surtout des opérations de forces spéciales, lesquelles, hélas, risquent de provoquer des dégâts collatéraux parmi les populations civiles. Cela dit, l'objectif de la stratégie américaine reste identique au nôtre : rendre aussi vite que possible le pouvoir aux Afghans après un retrait des troupes, fût-il partiel – on a parlé de 30 000 hommes. Un retrait complet n'est pas à l'ordre du jour car il signifierait l'abandon de la population afghane. De toute façon, il n'y aura pas de retrait séparé : comme l'a dit le Président de la République, l'engagement doit être commun, même si l'on peut discuter de ses conditions avec nos partenaires européens.

Avez-vous lu, monsieur Lecoq, le récent article de M. Spanta, mon ancien homologue afghan devenu conseiller du Président Karzaï ? Notre ennemi, affirme-t-il, est le Pakistan. Ce n'est un secret pour personne : le mollah Omar est à Quetta, sinon à Karachi. Le Pakistan est donc devenu un abri pour les chefs talibans, et c'est dans l'optique de permettre un retrait rapide des troupes internationales de son pays que le Président Karzaï essaie d'obtenir un accord avec le gouvernement pakistanais.

Cette situation explique en partie la faible mobilisation internationale auprès des populations pakistanaises suite aux événements tragiques de cet été. Quant à la générosité privée, à l'exception de quelques ONG, elle ne s'est guère manifestée. Pourtant, 20 millions de personnes sont toujours sans abri : nous devons les aider.

Pour l'heure, le mollah Omar n'a pas donné beaucoup de suite aux sollicitations du président Karzaï. Mais les partis nationalistes ont déjà répondu : l'interview de Gulbuddin Hekmatyar, parue dans Libération ce matin, n'est guère encourageante. Le jour où a été mise en place, à Kaboul, la commission pour la réconciliation, les talibans ont publié un communiqué indiquant qu'ils tueraient les candidats aux prochaines élections. Je pense que celles-ci auront lieu à la date prévue, mais on peut craindre qu'elles soient extrêmement meurtrières. Il faut donc saluer le courage des hommes et des femmes qui s'y présentent.

Quant au racket, monsieur Remiller, les chiffres que vous avez cités sont sans doute en-dessous de la réalité. Entre 30 et 40 % de l'aide internationale, voire plus, ne parviennent pas sur le terrain.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion