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Intervention de Bernard Kouchner

Réunion du 14 septembre 2010 à 16h15
Commission des affaires étrangères

Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes :

Il est un peu tôt pour parler de déception, monsieur Rochebloine. Pour vous livrer mon sentiment profond, j'espère un succès même si les espoirs sont minces. Cela dit chacun se félicite de la reprise des pourparlers directs, et fera tout pour qu'ils soient fructueux.

J'espère d'abord que ces pourparlers iront plus loin que ceux de Charm-el-Cheikh, ce qui n'est pas sûr. On peut imaginer que le gel soit maintenu dans la plus grande partie des territoires occupés mais pas dans certaines zones limitées. Les Palestiniens accepteraient-il cette solution, qui n'a d'ailleurs pas été proposée à ce jour ? Tout cela n'est qu'hypothèse.

J'ai été le premier à déplorer l'absence de l'Union européenne à Washington, et les 27 ministres des affaires étrangères l'ont fait après moi. Comment espérer que l'Europe participe au processus de paix si elle n'est pas représentée ? Je n'y insisterai pas, mais c'est un mauvais signe, même si nous sommes tenus informés par M. George Mitchell.

Cette situation est d'autant plus regrettable que la Conférence de Paris pour l'État palestinien avait été un succès ; l'argent que nous avons récolté a été fort bien utilisé par M. Salam Fayyad, Premier ministre palestinien. Il était question d'une deuxième conférence ; nous verrons bien. Mais je le dis sans acrimonie : nous ne pouvons être seulement des bailleurs de fonds ; nous devons aussi peser politiquement.

Quant à Gaza, les tunnels sont de plus en plus nombreux. Les trafics, qui sont d'une certaine façon payés par la communauté internationale, sont importants. Il serait faux de dire que l'on meurt de faim à Gaza : environ 400 camions entrent chaque jour du côté israélien. Au terminal de Rafah ne passent que les personnes.

L'autorité palestinienne elle-même, il faut le rappeler, refuse de parler avec le Hamas, avec lequel nos contacts ne peuvent donc être qu'indirects : nous ne pouvons être plus royalistes que le roi ! Aussi bien l'autorité palestinienne représente théoriquement l'ensemble du peuple palestinien, Hamas inclus. Ce dernier n'a par ailleurs pas montré beaucoup de signes encourageants.

Une évolution favorable est-elle possible dans les prochains jours ? Je l'espère, mais je l'ignore.

La négociation au sujet de Gilad Shalit, qui interviendrait peut-être après la libération de deux groupes de prisonniers palestiniens, dont l'un du Hamas, n'a pas progressé. Nous faisons tous nos efforts en faveur de Salah Hamouri, et entretenons le contact avec sa famille, comme avec celle de Gilad Shalit.

Madame Fort, les Égyptiens, qui se sont arrêtés à Paris sur la route de Washington, ont manifesté leur souhait de nous inviter à Charm-el-Cheikh ; mais ils n'ont apparemment pas pu le faire. Néanmoins c'est à Mme Ashton, Haute représentante aux affaires étrangères de l'Union, qu'il revenait d'être présente aux pourparlers, même si les pays européens qui pèsent davantage auraient pu être invités. Les Américains n'ont pas voulu choisir : ils n'ont invité personne. Je le regrette sincèrement.

Vous m'avez demandé, monsieur Kucheida, si j'y croyais. J'ai le sentiment que c'est la dernière chance et qu'Israël ne devrait pas la négliger. Mais nul ne peut prévoir l'issue des négociations à ce stade.

Afin de ne pas entraver les pourparlers directs, le sommet prévu à Barcelone entre les ministres des affaires étrangères, monsieur Bascou, n'est plus à l'ordre du jour : seul celui de l'UPM du 23 novembre l'est encore, s'il y a des avancées.

J'en viens à la Turquie. La participation au référendum a été élevée et le résultat très positif pour l'AKP, parti de M. Erdogan. La France est évidemment favorable à toute avancée démocratique. Le parti qui fut autrefois islamique était peu satisfait de l'équilibre des pouvoirs, et la place de l'armée, garante historique de la laïcité mais accusée de corruption, a été battue en brèche. La réforme doit maintenant être mise en oeuvre et les pouvoirs doivent trouver un juste équilibre.

Devait-on par ailleurs s'attendre, après l'épisode douloureux de la flottille, à une rupture des relations diplomatiques entre Israël et la Turquie ? Je ne le crois pas. Au demeurant l'influence réelle de la diplomatie turque ne se mesure pas à ses succès – car elle s'est attaquée à des problèmes particulièrement difficiles –, mais à la grande pugnacité de ses entreprises, de l'Afghanistan aux Balkans et du Moyen-Orient à l'Afrique. En termes de personnel, la diplomatie turque, en pleine expansion, est désormais l'égale de celle de l'Espagne, et mon homologue, M. Davutoglu, se montre très actif.

Il est difficile, monsieur Mathus, d'envisager un accord sans le Hamas, c'est-à-dire sans l'ensemble du peuple palestinien. Mais comment voulez-vous que la communauté internationale impose aux deux parties ce qu'elles rejettent toutes deux, d'autant que l'Égypte refuse elle aussi tout dialogue avec le Hamas ? Mais un accord serait soumis à un référendum auquel participeraient tous les Palestiniens.

Le service diplomatique européen est encore balbutiant…

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