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Intervention de Charles de Courson

Réunion du 14 septembre 2010 à 16h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Un deuxième point doit nous servir de leçon : ne créons plus jamais de structure de défaisance ! Ç'a été une catastrophe d'isoler les équipes qui avaient géré ces affaires de la structure de défaisance : la coupure a coûté encore plus cher.

Pour en revenir à l'affaire Tapie – quelques centaines de millions d'euros sur les 15 milliards –, je me suis battu pendant des années pour persuader les gouvernants de tenir bon et de laisser la justice faire son oeuvre. Alors qu'il y avait une annulation partielle en cassation et un renvoi devant la cour d'appel, au terme d'une procédure de plus de dix ans, une décision politique est intervenue. Mme Lagarde a reconnu ici même qu'elle avait donné consigne aux trois représentants de l'État au conseil d'administration de l'EPFR de ne pas s'opposer à la demande d'arbitrage.

Je suis persuadé qu'il aurait coûté moins cher au contribuable de laisser la procédure aller jusqu'au bout. En outre, au risque de choquer, je pense que le choix des trois juges arbitres a été une catastrophe. Un ancien magistrat, âgé de plus de quatre-vingts ans qui avait été juge arbitre dans des affaires douteuses ; notre estimable collègue, passé par le Conseil constitutionnel, n'avait pas de compétence particulière en droit des affaires et a touché des honoraires fort confortables ; il n'était pas raisonnable non plus de choisir Jean-Denis Bredin alors que celui-ci avait été vice-président d'un parti qui sera présidé plus tard par Bernard Tapie.

Cela étant, la décision arbitrale a été rendue et a force de loi. À titre personnel, je l'ai attaquée, car j'estime que, si cette jurisprudence est établie et si l'on ne met pas le holà à la possibilité d'arbitrer, tous les gouvernements auront recours au procédé consistant à créer deux structures, un établissement public et une filiale sous la forme d'une société de droit privé, et à faire procéder à un arbitrage via cette société privée, puisque l'État lui-même ne peut arbitrer sans loi, c'est-à-dire sans l'autorisation des parlementaires. La réforme promise en la matière est urgente.

J'ai perdu mon recours devant le tribunal administratif de Paris et j'attends la décision de la cour administrative d'appel. Si la première décision était confirmée en appel et en Conseil d'État, cela signifierait qu'il est considéré qu'il n'y a pas eu de détournement de la règle de l'interdiction pour l'État d'avoir recours à l'arbitre. Mais s'il suffit de créer une filiale à 100 % de l'établissement public et administratif, c'est-à-dire une société privée qui, elle, a le droit de recourir à un arbitrage, tous les gouvernements vont réaliser de tels montages pour contourner la contrainte législative. Si la règle existe depuis plus d'un siècle, c'est parce qu'il est extrêmement dangereux de donner la possibilité à un ministre d'arbitrer et de soulever ainsi des soupçons de copinage. Généraliser le droit d'arbitrage serait une catastrophe pour la démocratie.

J'en viens à la question posée par tous les citoyens et qui ne relève pas du secret fiscal : il s'agit de savoir non pas combien les époux Tapie ont touché, mais de combien ils se sont enrichis.

Il y a d'abord le scandale des 45 millions d'euros totalement exonérés que l'on a versés à Bernard Tapie au titre du préjudice moral. Par un amendement hélas repoussé, je vous avais proposé de fixer un seuil à un million au-delà duquel la somme était taxable et cotisable, afin que les arbitres ne se mettent pas, à l'avenir, à transformer des indemnités de droit commun en préjudice moral.

Quand aux 200 et quelques millions d'euros, ils ont été versés à la société en nom collectif Groupe Bernard-Tapie, laquelle a acquitté, semble-t-il, de 20 à 25 millions d'impôt. Cela étant, Bernard Tapie est désormais actionnaire à 100 % de cette société. S'il n'a pas touché directement le montant versé, il s'est néanmoins enrichi à proportion, comme je l'avais souligné dans mon rapport pour la Commission.

Sur le plan fiscal, une société en nom collectif peut opter entre l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés. Il est vraisemblable que Bernard Tapie, apprenant qu'il allait toucher cette somme, a opté pour l'IS. Pour ma part, j'avais fait l'hypothèse de la dissolution de cette société et la distribution du boni de liquidation aux actionnaires, ce qui aurait permis une taxation plus importante. C'est ce qui explique l'écart entre mon estimation nette d'impôts des époux Tapie et la réalité.

J'en viens aux interrogations de la presse au sujet de l'ISF et du bouclier fiscal. Les 45 millions d'euros sont un actif évidemment assujetti à l'ISF. De plus, dans la mesure où Bernard Tapie avait été mis en faillite personnelle, la société dont il était actionnaire ne pouvait être considérée comme un outil de travail. Mais, du fait de l'annulation de différentes décisions de justice, il peut désormais redevenir président-directeur général de GBT et cette société être de nouveau considérée comme un outil de travail exonéré de l'ISF.

Pour ce qui est du bouclier fiscal, le bon sens laisse à penser que Bernard Tapie en bénéficiera.

Lors de l'audition de Mme Lagarde il y a deux ans, j'avais opposé mon estimation de 200 millions d'euros à la sienne, qui n'était que de 30 millions. À ma demande d'explication, elle avait répondu que c'était la somme après impôts et prélèvements – d'ailleurs, Bernard Tapie avait surenchéri devant la presse en affirmant qu'il ne lui resterait que vingt millions d'euros : bref, pas même de quoi vivre ! – et qu'elle adresserait par écrit à la Commission le détail du calcul. Deux ans plus tard, nous attendons toujours !

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