En septembre 2008, la Commission a procédé à huit auditions sur le sujet, la dernière ayant été celle de Mme Christine Lagarde, ministre de l'Économie.
À l'issue de ces auditions, les groupes ont été invités à fournir – et, pour trois d'entre eux, ont fourni – leur contribution aux fins de publication d'un rapport d'information regroupant la communication qu'avait faite Charles de Courson, représentant l'Assemblée nationale au conseil d'administration de l'établissement public de financement et de restructuration – EPFR –, ainsi que le compte rendu des auditions réalisées.
Mon prédécesseur, suivi par la Commission, avait souhaité que ce rapport fasse également état des réponses aux questions restant en suspens, concernant notamment le calcul des intérêts sur les sommes incombant à l'État, les frais de liquidation et le traitement fiscal des indemnités versées au groupe Bernard-Tapie.
Aujourd'hui, la somme brute due par l'État est connue : compte tenu du montant des intérêts, elle s'élève à 403 millions d'euros. Après déduction d'une franchise de 12 millions d'euros prise en charge par les liquidateurs et de la créance du CDR, pour un montant de 87 millions d'euros, le versement net fait au liquidateur du groupe est de 304 millions d'euros. Sur cette somme doivent s'imputer des frais et dettes diverses.
Au total, qu'est-il revenu aux époux Tapie ? En d'autres termes, quel est le « reliquat disponible » ?
Lors de son audition par la Commission le 23 septembre 2008, la ministre de l'Économie, Mme Christine Lagarde, indiquait : « J'ignore le montant exact de la fiscalité pesant sur les sommes en question, hors préjudice moral. » Je rappelle que les époux Tapie ont reçu au titre du préjudice moral un chèque de 45 millions d'euros, somme jamais atteinte dans notre pays. « L'ordre de grandeur dont je dispose », poursuivait la ministre, « est tout à fait estimatif car les arbitres n'ont pas encore statué sur la date à laquelle doit être calculé le traitement fiscal. Mes services m'ont indiqué que, après déduction des impôts et créances détenus par l'État, 30 millions d'euros devront être réglés au bénéfice des époux Tapie. »
Les diverses demandes adressées par mon prédécesseur – les 28 juillet et 24 novembre 2009 – et moi-même – le 10 juin 2010 – à la ministre de l'Économie et au ministre du Budget, afin d'obtenir des informations destinées à être rendues publiques, sont restées sans réponse.
Récemment, à partir de bribes d'informations livrées par les uns et les autres, de recoupements et de calculs tenant compte de frais d'avocats, de dettes bancaires, d'arriérés fiscaux d'un groupe qui a repris son activité – la liquidation n'ayant pas été prononcée, l'avocat de M. Bernard Tapie faisant référence aux actifs désormais conservés par une holding qui ne donneraient pas lieu à fiscalisation –, un organe de presse est parvenu à une estimation de 210 millions d'euros.
Pour ma part, à partir des informations dont j'ai pu avoir connaissance – et que j'ai dû, pour la plupart d'entre elles, aller consulter moi-même à Bercy –, j'estime le reliquat disponible des époux Tapie à 220 millions d'euros dans une hypothèse basse. La méthode de calcul, consistant à faire masse de l'ensemble des dettes des époux Tapie et ne préjugeant pas de la dette fiscale – ce qui serait contraire au secret fiscal auquel je suis astreint –, est la même que celle de la ministre de l'Économie.
J'ai adressé le 9 septembre 2010 à Mme Lagarde un courrier aux termes duquel je lui demande de prendre enfin position par rapport à cette estimation. Dans sa réponse, qui m'est parvenue ce matin, la ministre reconnaît implicitement que l'estimation qui peut être faite des sommes revenant in fine aux époux Tapie est différente de celle qu'elle avait donnée en septembre 2008 dans la mesure où, entre-temps, les décisions de mise en liquidation des sociétés du groupe Tapie ont été rétractées. Cette explication d'une modification de l'estimation est évidemment recevable mais n'est pas accompagnée d'un nouveau chiffrage.
Je me propose d'écrire ce jour à M. Bernard Tapie pour lui demander de nous faire part, conformément à l'engagement qu'il avait réitéré devant notre Commission le 10 septembre 2008 – « Je me suis engagé formellement à donner le chiffre précis de ce qui me restera en fin de compte et je n'ai aucune raison d'en avoir honte », avait-il déclaré –, des sommes qui restent à sa disposition, après déduction des dettes et frais.
Si la Commission en est d'accord – comme c'est le cas du Bureau, consulté il y a quelques jours –, nous pourrons ensuite procéder à la publication d'un rapport d'information qui reprendrait donc, comme initialement prévu, la communication de Charles de Courson et le compte rendu des auditions de septembre 2008, les propositions de la Commission concernant le recours à l'arbitrage par les personnes publiques, l'opportunité et le fonctionnement des structures de défaisance, auxquels s'ajouteraient le texte des courriers adressés par mon prédécesseur et moi-même aux ministres, le courrier transmis par Mme Lagarde, la réponse de M. Bernard Tapie si celui-ci me la fait parvenir, ainsi que les contributions des groupes, qui devront être actualisées.
Pour ma part, je souhaiterais que cette publication se fasse dans des délais assez brefs. Comme je l'ai indiqué au Bureau, il me semble nécessaire que la commission des Finances clôture cette affaire en publiant son estimation du reliquat disponible. Le reste – opportunité de la saisine du tribunal arbitral, nature du jugement de ce même tribunal, traitement fiscal ayant pu être réservé aux sommes versées – a déjà fait l'objet de débats, mais je comprendrais que certains souhaitent y revenir, ne serait-ce que pour mémoire.