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Intervention de Jean-Ludovic Silicani

Réunion du 8 septembre 2010 à 10h15
Commission des affaires économiques

Jean-Ludovic Silicani :

Disons qu'elles le souhaitent et y sont contraintes en même temps.

M. Brottes et M. Paul ont évoqué le rapport de la Cour des comptes. Je ne m'estime pas compétent pour donner un avis sur le travail d'une telle institution. Chacun peut penser ce qu'il veut de son analyse. Pour notre part, nous effectuons un travail quotidien avec La Poste, que nous tentons d'aider à se moderniser en la dotant d'un outil de fixation de ses prix. Nous l'aidons également dans la gestion de son réseau : c'est le sens de l'évaluation que nous allons effectuer, dès que le décret sera paru, pour définir le montant de la contribution de l'État au maintien de son réseau de proximité.

Qu'il s'agisse de La Poste ou de France Télécom, nous travaillons sans a priori positif ou négatif – l'ARCEP serait sinon une très mauvaise autorité de régulation. Nous appréhendons les opérateurs tels qu'ils sont, et nous faisons en sorte qu'ils respectent les principes de régulation fixés par le législateur. Si ce n'est pas le cas, nous les rappelons à l'ordre, puis les mettons en demeure de respecter leurs obligations. S'ils persistent – ce qui est très exceptionnel – nous les sanctionnons. Cette attitude vaut également pour les opérateurs historiques que sont La Poste et France Télécom.

Plusieurs parlementaires ont évoqué la situation des consommateurs et le niveau des tarifs. À ce sujet, il convient de bien distinguer les services fixes et mobiles. En matière de services fixes, les prix français du haut débit sont les plus bas du monde, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Grâce à l'action des opérateurs et du régulateur depuis dix ans, l'offre Triple play est proposée à environ 30 euros, contre 100 dollars – 80 euros – aux États-Unis. Toutefois, les prix n'ont pas augmenté depuis sept ou huit ans, et on peut donc s'attendre à ce qu'ils progressent de 3 ou 4 euros, ce qui ne serait pas dramatique. La décision appartient aux opérateurs car, pour notre part, nous ne régulons pas les marchés de détail.

En revanche, un vrai problème se pose au sujet de la téléphonie mobile. Si nous nous sommes prononcés en faveur d'une quatrième licence, c'est parce que nous avons estimé que le marché français, comme les autres grands marchés téléphoniques européens, pouvait se partager entre quatre opérateurs. L'arrivée du quatrième, dès que son réseau sera en mesure de fonctionner – c'est-à-dire d'ici environ deux ans – sera un élément de pression concurrentielle. Or la concurrence a une vertu, celle d'éviter qu'un opérateur en situation de monopole ou d'oligopole n'impose des prix faramineux aux consommateurs.

M. Dionis du Séjour s'est interrogé sur le modèle économique des réseaux dans la zone 3. Dans ces territoires très peu denses, les réseaux – de haut débit aujourd'hui, de très haut débit demain – vont se déployer grâce à un co-investissement entre les collectivités locales et les opérateurs. Les financements seront donc à la fois privés et publics, puisque dans ces zones, la réglementation européenne autorise les subventions. Ce qui est nouveau, c'est que le financement public ne sera pas seulement d'origine locale : au niveau national, le Fonds d'aménagement numérique du territoire sera également mis à contribution.

J'en viens à la mise en oeuvre du plan national « Très haut débit » annoncé par le Gouvernement. S'agissant des expérimentations, on peut trouver trop court le délai laissé aux collectivités pour présenter leur candidature, mais s'il avait été plus long, on aurait pu reprocher au Gouvernement de ne pas aller assez vite. Ces expérimentations sont nécessaires pour affiner les modalités du plan national. Pour l'instant, les 35 schémas directeurs n'existent qu'à l'état de projet – à l'exception d'un qui seul est terminé. Mais on peut penser que d'ici l'année prochaine, la moitié d'entre eux seront réalisés. Par ailleurs, au début de l'année 2011, nous commencerons à connaître les intentions des opérateurs en ce qui concerne le déploiement du très haut débit dans la zone 2 – zone semi-dense, mais où l'investissement privé est rentable. Ainsi, les deux cartographies, celle des opérateurs et celle résultant des travaux menés par les collectivités locales au travers des schémas directeurs, nous donnerons une vision – non définitive – des territoires de la zone 2 et de la zone 3.

C'est la loi, madame Coutelle, qui a prévu que les schémas directeurs pouvaient être réalisés soit par les départements, soit par les régions. La plupart des projets que nous recevons viennent des départements, qui tendent à jouer un rôle pilote en ce domaine. Mais la région est associée à la préparation des schémas par les départements qui la composent. C'est du moins ce qui est prévu par la loi. Est-elle respectée ? En tant qu'élus de terrain, vous le savez probablement mieux que moi.

Plusieurs questions m'ont été posées sur la neutralité des réseaux. L'ARCEP a le souci de trouver un juste équilibre entre le respect des principes qui ont fondé l'Internet – ouverture, neutralité – et le bon fonctionnement de son économie. Il ne servirait à rien d'affirmer de grands principes si aucun moyen n'existe pour les mettre en oeuvre. Or pour que l'Internet fonctionne, il faut des réseaux alimentés par des contenus et utilisés par des consommateurs. La réalisation des réseaux demande des investissements, ce qui implique l'existence d'un modèle économique viable. Celui-ci fait intervenir trois grands acteurs : les opérateurs de réseaux, les consommateurs finaux que sont les internautes, et les prestataires qui alimentent les réseaux en contenus et en services. Ce sont donc ces trois acteurs qui doivent cofinancer – dans des conditions à définir – le développement de l'Internet.

Les modalités du financement d'Internet restent opaques. Le premier travail du régulateur sera donc de collecter des informations afin de mieux connaître les marchés situés en amont et en aval. Lorsque nous aurons posé notre diagnostic, d'ici environ un an, nous serons en mesure de déterminer s'il convient de réguler le marché amont, c'est-à-dire le marché de gros entre opérateurs de télécoms et fournisseurs de contenus et de services. Cette régulation, nous ne pourrions l'effectuer qu'en partie avec les pouvoirs dont nous disposons. Si vous souhaitez que nous puissions mener une action complète en ce domaine – comme certains parlementaires l'ont d'ailleurs proposé –, il faudra que le législateur nous en donne le pouvoir.

Quant au marché de détail, qui réunit les fournisseurs d'accès à Internet et les consommateurs, il pose des problèmes de transparence. Les offres sont mal définies, et certaines expressions de type « Internet illimité » sont de nature à abuser le consommateur. Sur ce point, nous agissons en commun avec la DGCCRF. Mais nous devons aussi vérifier que les offres proposées ne sont pas discriminatoires : les différences de conditions d'accès et de tarifs doivent être fondées sur des différences objectives, et non viser à favoriser tel type de contenu par rapport à tel autre.

Tel est le rôle de l'ARCEP vis-à-vis de l'Internet. Toutefois, notre autorité ne s'occupe que de la structure des réseaux, et non de leur contenu. En revanche, d'autres autorités indépendantes sont amenées à exercer un contrôle spécifique sur certains contenus de l'Internet : la HADOPI veille au respect des droits d'auteur, l'ARJEL à celui de la réglementation sur les jeux en ligne, le CSA effectue un contrôle ex ante et ex post des programmes audiovisuels au regard des objectifs fixés par la loi, etc.

Il est normal que la régulation mette en jeu plusieurs acteurs ; c'est le cas dans tous les pays. À mon avis, vouloir regrouper toutes ces structures en une seule serait contre-productif. Il faut que toutes ces institutions collaborent et coordonnent leur action, mais nous devons éviter le mélange des genres : l'ARCEP n'aurait aucune légitimité, par exemple, à contrôler, comme le fait le CSA, les temps de parole des différents partis politiques intervenant sur les ondes.

J'en viens aux conséquences sanitaires de l'émission de radiofréquences par les antennes-relais. L'ARCEP participe aux travaux du comité opérationnel présidé par M. Brottes, et notre expertise est à la disposition de ce dernier. Mais il faudra bien, à un moment donné, trancher une question de nature politique, celle de l'arbitrage entre deux objectifs d'intérêt général. D'une part, les citoyens veulent accéder partout aux réseaux à haut débit – et demain à très haut débit – : dans le moindre hameau, à l'intérieur d'immeubles dont les murs sont très épais, sur les voies ferrées, dans les tunnels, bref, en tout point du territoire. Plusieurs d'entre vous se sont d'ailleurs fait l'écho d'une telle demande. D'autre part, il existe une demande de santé publique : éviter que les émissions des antennes-relais – à supposer qu'elles soient néfastes – ne viennent perturber la santé de nos concitoyens. Lorsque le comité opérationnel aura rendu ses conclusions, il conviendra de décider si les fréquences d'émission des antennes doivent être réduites et de déterminer le niveau auquel on peut les ramener sans remettre en cause le fonctionnement des réseaux mobiles. Une telle solution paraît souhaitable à certains experts, soit pour des raisons physiologiques, soit pour des raisons psychologiques – permettre une plus grande confiance des citoyens vis-à-vis de cette technologie. Quoi qu'il en soit, un tel conflit entre deux objectifs d'intérêt général, tout aussi respectables l'un que l'autre, ne saurait être tranché que par le Parlement. L'ARCEP peut proposer son expertise, mais elle ne peut parler ni au nom des médecins, ni en celui des hommes politiques.

Pour l'arrivée de la fibre optique, madame Erhel, le délai raisonnable est celui indiqué par le plan national du Gouvernement ou les recommandations européennes, soit trois à cinq ans. Lorsque les opérateurs auront précisé leurs intentions en matière de déploiement, nous connaîtrons les zones susceptibles d'être couvertes dans ce délai. Pour les autres, c'est-à-dire probablement pour plus de la moitié de la surface du territoire, la montée en débit sera tout à fait possible. C'est ce que nous avons dit au mois de février. Mais il ne s'agit que de recommandations : les collectivités locales et France Télécom peuvent mener à bien tous les projets qu'elles estiment utiles dès lors qu'elles respectent le droit de la concurrence et ne méconnaissent pas l'interdiction des aides d'État posée par la Commission européenne.

S'agissant du quatrième opérateur de téléphonie mobile, ni la loi ni la licence ne prévoient une obligation d'itinérance. Peut-être serons-nous plus innovants lors de l'attribution des licences de quatrième génération, mais dans la mesure où une telle obligation n'était pas prévue pour les trois premiers opérateurs, il n'était pas possible de l'exiger pour Free.

M. Saint-Léger a demandé des précisions sur le calendrier de mise en place du réseau de téléphonie mobile de quatrième génération. Si le document que nous avons rendu public fin juillet contient des propositions à ce sujet, le cadre réglementaire des appels à candidature fera l'objet d'un arrêté du ministre en charge des télécommunications, pris sur proposition de l'ARCEP. Nous avons donc entamé des discussions avec lui de façon à élaborer un projet qui prenne en compte les préoccupations des uns et des autres. Nous avons d'ores et déjà proposé d'instituer une obligation à l'échelle de chaque département, ce qui serait une nouveauté par rapport au déploiement des réseaux 2G et 3G.

Pour répondre à M. Trassy-Paillogues, les avantages que nous attendons de l'attribution d'une quatrième licence sont l'animation du marché et la baisse des prix des services mobiles qui, en France, sont supérieurs à la moyenne des prix européens.

En ce qui concerne la 3G, madame Robin-Rodrigo, l'accord de mutualisation signé par les opérateurs sous l'égide de l'ARCEP permettra d'obtenir en 2013 le même taux de couverture que pour les réseaux 2G, ce qui n'était pas prévu à l'origine.

M. Nicolas s'est préoccupé de l'accès des PMI au très haut débit. Dans de nombreux territoires situés en dehors des zones denses – à Pau, dans la Manche, en Moselle, etc. –, les collectivités locales ont lancé ou sont sur le point de lancer des projets de réseaux de très haut débit financés – dans la limite autorisée par le droit européen – par des fonds publics, de façon à accélérer le déploiement. Très souvent, les premiers abonnés de ces réseaux sont les PME. En revanche, dans les zones denses, on observe un décalage entre le taux d'abonnement et le taux de raccordement. J'ai déjà essayé d'en donner une explication : faible appétence des consommateurs pour le très haut débit du fait de la bonne qualité des offres de haut débit en zone urbaine, posture attentiste des opérateurs, peu enclins à lancer des campagnes d'abonnements. Toutefois, notre expérience du marché nous laisse penser que la mayonnaise pourrait prendre dans les prochains mois, si bien que nous devrions observer une réduction de l'écart entre raccordements et abonnements.

M. Proriol a évoqué le décret destiné à préciser la méthode d'évaluation des coûts du maillage territorial de La Poste. La transmission de l'avis de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques devrait permettre au Conseil d'État d'examiner le projet de décret ; aussitôt après sa publication, nous effectuerons le travail que la loi nous a confié.

Mme Marcel a posé des questions sur l'accès au haut débit dans les zones rurales. Le rapport que nous remettrons au Parlement à la fin du mois de septembre étudiera toute la palette des technologies disponibles. En ce qui concerne le Wimax, madame Coutelle, le bilan est mitigé. Dans certains territoires, cette technologie fonctionne et s'est révélée utile ; ailleurs, cela marche moins bien. Certains opérateurs sont titulaires de licences Wimax qu'ils n'utilisent pas. Il conviendra de décider si on leur laisse indéfiniment les fréquences concernées ou si nous devons les récupérer, dans les limites de ce que le droit permet, afin de les réutiliser pour d'autres besoins, comme le très haut débit.

Quant à la coordination des initiatives engagées en matière de très haut débit par les différents acteurs – opérateurs ou collectivités – elle peut être assurée par les schémas directeurs qui, en dressant l'inventaire des installations existantes et des projets en cours, devraient permettre d'identifier les incohérences. Par ailleurs, d'ici au mois de novembre, nous rendrons public le cadre réglementaire des zones non couvertes par notre décision de l'année dernière. Les acteurs, qu'il s'agisse des opérateurs de télécommunications ou des collectivités agissant comme opérateurs, devront en respecter les dispositions, notamment s'agissant des modalités du maillage et des mécanismes de mutualisation. C'est ce cadre, conformément à la loi Pintat, qui permettra d'assurer la cohérence des réseaux de très haut débit.

J'espère avoir répondu à l'essentiel des questions qui m'ont été posées. Je reste à votre disposition pour apporter plus de précisions.

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