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Intervention de Éric Raoult

Réunion du 15 septembre 2010 à 10h15
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Raoult, rapporteur :

Face au développement et à la diversification des trafics illicites dans les Caraïbes, la France et les Pays-Bas se sont entendus pour renforcer leur coopération douanière sur l'île de Saint-Martin qui présente la particularité de partager sa souveraineté entre ces deux Etats. Alors que la coopération douanière franco-néerlandaise est régie par la réglementation européenne, une convention était cependant nécessaire en raison de la différence de statut juridique au regard du droit communautaire des parties française et néerlandaise de l'île. Celle-ci a été signée le 11 janvier 2002 et complétée par un échange de lettres des 4 et 18 novembre 2008 pour remédier à une difficulté constitutionnelle.

Saint-Martin est une île du nord-est des Antilles située à 250 kilomètres au nord de l'archipel de la Guadeloupe et 240 kilomètres à l'est de Puerto-Rico, relevant de la souveraineté de la France au nord de l'île et des Pays-Bas au sud. La convention de Concordia, signée le 23 mars 1648, a entériné le partage de l'île en deux zones de souveraineté.

Pour la partie française (56 km2), lors du référendum du 7 décembre 2003, l'évolution de la commune de Saint-Martin, qui faisait partie de la Guadeloupe, en collectivité d'outre-mer a été largement approuvée.

Depuis la loi organique n° 2007 223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre mer, Saint Martin constitue donc, sur le fondement de l'article 74 de la Constitution, une collectivité d'outre mer de la République. La collectivité d'outre-mer de Saint-Martin exerce les compétences actuellement dévolues aux communes, aux départements et aux régions.

Saint-Martin demeure soumise au statut de région ultra périphérique de l'Union européenne. Cette situation lui permet donc de bénéficier des fonds structurels communautaires, tandis que le droit communautaire primaire et dérivé s'y applique intégralement.

Pour la partie néerlandaise (34 km2), Sint-Maarten constitue un territoire faisant partie de l'Etat autonome des Antilles néerlandaises, ce dernier étant composé d'un ensemble de 5 îles principales situées dans la mer des Caraïbes : Bonaire, Curaçao, Saba, Saint-Eustache et Sint-Maarten.

Actuellement, le Royaume des Pays-Bas se compose de trois territoires possédant un statut équivalent, celui de pays, à savoir les Antilles néerlandaises, Aruba et les Pays-Bas. A l'heure actuelle, le Royaume des Pays-Bas est engagé dans un projet de réforme de sa structure étatique qui devrait être finalisé d'ici le 10 octobre 2010 et qui prévoit l'octroi du statut de pays aux deux plus grandes îles des Antilles néerlandaises, à savoir Curaçao et Sint-Maarten. Le Royaume comptera donc quatre pays autonomes : les Pays-Bas, Aruba, Curaçao et Sint-Maarten ; les îles de Bonaire, Saba et Saint-Eustache devenant quant à elles des îles du Royaume.

Contrairement à Saint-Martin, Sint-Maarten relève, à l'instar des autres îles des Antilles néerlandaises, du statut des pays et territoires d'outre mer (PTOM). Sint-Maarten n'appartient donc pas au territoire de l'Union. Il en résulte que ce territoire est exclu du champ d'application territorial des traités et du droit communautaires.

La convention, soumise à la commission des affaires étrangères, vise à renforcer l'efficacité des services des douanes dans la lutte contre les trafics illicites, en particulier de stupéfiants, dans les Caraïbes, région de transit important pour ces produits. Ainsi, la cocaïne élaborée en Amérique du Sud et destinée à l'Europe transite par cette zone. En 2009, les quantités de drogues saisies par la douane française aux Antilles s'élevaient à 1669,24kg contre 1576,40 kg en 2008 et 1189,02 en 2007. De plus, les Antilles néerlandaises sont particulièrement touchées par ce type de trafic illicite. Par ailleurs, d'autres types de trafics progressent dans cette région, comme les saisies de marchandises contrefaites.

Sur l'île de Saint-Martin, jusqu'au printemps 2010, la coopération opérationnelle internationale s'effectuait pour la France par la brigade de surveillance locale, composée de 9 agents, se limitant à des interrogations ponctuelles sur des objectifs opérationnels. Depuis avril 2010, un échelon de la direction des opérations douanières (DOD), composé de sept personnes, a été installé. La DOD est notamment chargée de mettre en oeuvre des modes d'enquêtes complexes, d'assurer les liaisons avec les services étrangers et d'assurer l'exécution d'opérations lourdes.

Côté néerlandais, la douane à Saint Martin est composée de 14 agents, dont 5 néerlandais en charge de l'assistance administrative mutuelle, et 9 agents locaux.

Si la France a substantiellement renforcé sa présence douanière à Saint-Martin, c'est notamment pour se donner les moyens de mettre en oeuvre la convention avec les Pays-Bas examinée par la Commission.

La convention relative à l'assistance mutuelle et à la coopération entre leurs administrations douanières, en vue d'appliquer correctement la législation douanière, de prévenir, de rechercher, de constater et de réprimer les infractions douanières dans la région des Caraïbes, et notamment sur l'île de Saint-Martin a été signée à Philipsburg le 11 janvier 2002.

Afin de tenir compte de l'avis rendu par le Conseil d'Etat le 25 novembre 2004 dans lequel était relevée l'inconstitutionnalité de l'article 19 (paragraphe 3, lettre b) et paragraphe 5 lettre, f) de la convention, celle-ci a été modifiée par un échange de lettres des 4 et 18 novembre 2008.

La convention signée le 11 janvier 2002 reprend pour une large part les dispositions de la convention du 18 décembre 1997 relative à l'assistance mutuelle et à la coopération entre les administrations douanières (dite convention Naples II). Cette convention est cependant nécessaire pour que celles-ci soient applicables à Saint-Martin car la partie néerlandaise obéit au statut de PTOM qui ignore le droit communautaire.

Je ne mentionnerai que les principales dispositions de la convention :

Le titre Ier trace les grandes lignes de l'assistance et de la coopération mutuelles qui se traduisent par des échanges d'informations et par la possibilité de réaliser des enquêtes pour le compte de l'autre partie (articles 4 et 5) ou d'organiser une surveillance spéciale de personnes, biens, moyens de transport, locaux et valeurs contribuant à la réalisation d'infractions (articles 6 à 10).

Le titre II concerne la coopération transfrontalière sur l'île de Saint-Martin. Celle-ci porte sur la lutte contre les divers trafics (stupéfiants, précurseurs chimiques, armes, déchets, matières nucléaires, etc.), le commerce transfrontalier illégal et le blanchiment d'argent. La coopération peut être refusée lorsque le type d'enquête envisagé est contraire à la législation de la partie requise ou non prévue par cette dernière.

L'article 19 précise les règles de poursuite au-delà des frontières. Dans le cas d'un flagrant délit, les douaniers d'une partie sont autorisés, sans avoir à demander une autorisation spéciale, à poursuivre le délinquant au-delà de la frontière pendant une durée maximale de quatre heures. Les agents poursuivants sont autorisés à procéder eux-mêmes à une interpellation temporaire, uniquement pour laisser le temps aux agents de la partie, où la poursuite s'est déroulée, d'arriver sur les lieux et d'effectuer l'arrestation.

L'article 20 encadre strictement l'observation transfrontalière d'une personne. L'article 21 autorise l'organisation de livraisons surveillées dans le respect de la législation nationale. Les articles 22 et 23 prévoient la possibilité de créer des équipes communes spéciales d'enquête et de contrôle.

La plupart des dispositions de la convention pour Saint-Martin comme celles de la convention Naples II s'appliquent sans nécessiter de transposition en droit français. Celles relatives aux équipes communes d'enquête spéciale (article 22) exigent un texte d'application qui est l'objet de l'article 37 bis du projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI II), actuellement examiné par le Sénat.

Enfin, la possibilité d'interpellation sur le territoire d'une partie par les agents de l'autre, prévue par l'article 19, n'est pas à ce jour applicable. Elle contrevient à notre Constitution en vertu de laquelle cet acte relève de l'exercice des conditions essentielles de la souveraineté et ne saurait être exercé par un agent étranger.

Par ailleurs, il convient de noter que cette convention est assortie d'une réserve interprétative mentionnée par l'étude d'impact.

En conclusion, cette convention complète efficacement les outils à disposition des administrations douanières dans leur lutte contre les différents trafics que connaissent les Caraïbes.

Alors que les Pays-Bas ont approuvé dès 2002 cette convention, ils souhaitent aujourd'hui que les accords signés entrent en vigueur avant la réforme institutionnelle relative au statut des Antilles néerlandaises, dont fait actuellement partie le territoire néerlandais de Saint-Martin, qui doit être entérinée le 10 octobre 2010.

Votre rapporteur ne voit aucune raison de ne pas accéder à la demande néerlandaise tant la convention lui paraît faire oeuvre utile pour le développement de la région des Caraïbes.

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