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Intervention de Éric Raoult

Réunion du 15 septembre 2010 à 10h15
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Raoult, rapporteur :

L'accord avec le Vanuatu que nous examinons s'inscrit dans la liste des accords que la France a signés ces derniers mois et dont nous avons déjà eu l'occasion de débattre dans cette commission.

Le Vanuatu, lointain archipel mélanésien composé de 83 îles et d'une population de quelque 215 000 habitants dont 65 % vivent d'agriculture et de pêche de subsistance à l'échelle de petits villages. En 1904, le Vanuatu, alors encore les Nouvelles Hébrides, a fait l'objet d'un conflit d'intérêt entre la France et le Royaume-Uni qui décidèrent finalement de mettre en place une administration conjointe. Le Vanuatu sera d'ailleurs la seule colonie gérée par deux puissances coloniales, jusqu'à son indépendance le 30 juillet 1980.

Le Vanuatu est une petite économie puisqu'en 2009 le PIB s'élevait à seulement 554 millions de dollars. Le pays a relativement bien résisté au ralentissement économique mondial, en maintenant une croissance régulière grâce aux bons résultats du secteur touristique qui contribue à hauteur de 40 % du PIB et emploie près de 15 % de la population active.

Pour autant le Vanuatu demeure parmi les cinq Pays les Moins Avancés d'Océanie. L'assistance des bailleurs de fonds est donc essentielle. Le dixième FED prévoit de consacrer 21,6 millions d'euros pour des projets concernant la création d'emplois et le développement de ressources humaines. Le pays bénéficie aussi de l'instrument communautaire de régulation STABEX et de prêts de la Banque Européenne d'Investissement. L'ensemble de l'aide dont bénéficie le Vanuatu est principalement dirigé vers le secteur productif et le développement des infrastructures de santé.

Le secteur financier est de petite taille puisqu'il ne représente que 8 % du PIB, mais il est vital pour l'économie du pays. Comme on peut s'en douter, le secteur financier et bancaire du Vanuatu dépend très largement des investissements d'origine étrangère.

L'absence d'impôt sur le revenu, de retenue à la source, de droit de succession et de contrôle de change font du Vanuatu un pôle d'attractivité important pour l'évasion fiscale. Cette attractivité se traduit par d'importants transferts en devises étrangères ; au début de l'année 2010, les fonds de dépôts étaient estimés à 238 millions d'euros en devise nationale et presque autant en devises étrangères. Actuellement, on dénombre 2226 compagnies internationales enregistrées au Vanuatu mais qui ont vocation à n'opérer qu'à l'étranger. D'après les informations qui m'ont été transmises, la Direction générale des finances publiques estime à soixante le nombre de foyers fiscaux français résidents au Vanuatu qui déclarent des revenus imposables en France sur les quelque 1600 Français qui y sont recensés.

Malgré l'éloignement géographique et la petite taille du marché, il est à noter que la présence économique de la France au Vanuatu est importante. Les investissements directs étrangers français s'élevaient à environ deux millions d'euros en 2006, positionnant ainsi la France au troisième rang des investisseurs étrangers avec 14 % de la valeur totale des investissements, derrière l'Irlande et l'Australie. La présence d'entreprises françaises est notable, et les anciens monopoles dans l'électricité, l'eau et les télécommunications sont toujours, totalement ou partiellement, détenus par des intérêts français avec des entreprises comme Suez ou encore France Télécom. La France est aussi présente dans le secteur bancaire par l'intermédiaire de la BRED Banque Populaire, implantée depuis 2008. Cette présence a permis de faire fonctionner la concurrence puisque après seulement trois ans dans le pays la BRED Banque Populaire représente 20 % de part de marché.

L'accord signé entre nos pays est similaire à ce que nous avons déjà examiné lors des séances précédentes consacrées à ces questions de lutte contre les paradis fiscaux, puisqu'il est directement inspiré du modèle de l'OCDE. Cependant, comme les autres que la France a signés, il comporte quelques améliorations notoires par rapport à ce modèle. L'article 3 précise que ce sont les impôts existants qui sont concernés par l'accord, sans les énumérer. L'accord impose aux Parties d'adapter le cas échéant leur législation pour garantir l'effectivité de l'échange d'informations, lesquelles doivent être disponibles, l'administration requise devant y avoir accès et être en mesure de les transmettre. L'article 9 stipule que le remboursement à la partie requise des frais extraordinaires par la partie requérante ne constitue qu'une faculté. Enfin, la quatrième amélioration concerne les sociétés cotées puisque le présent accord ne fixe pas de limite dans l'échange d'informations relatives à ces structures.

A ce jour, le Vanuatu n'a pas notifié l'accomplissement de procédures internes requises pour l'entrée en vigueur de ce projet de loi. Le Vanuatu n'a pas non plus fait de véritables efforts pour participer à la régulation du système financier international et à la lutte contre les « paradis fiscaux » : selon les informations qui m'ont été communiquées, le Vanuatu ne signe pas très rapidement, à la différence d'autres juridictions. Sans doute faut-il aussi tenir compte, en partie, des faibles capacités administratives de l'Etat. En tout cas, comme nous l'avons tous souvent dit dans cette commission, la question de l'effectivité de ces dispositions se pose et on ne peut qu'appeler à la vigilance.

Malgré tout, compte tenu des dispositifs prévus, notamment de la revue par les pairs de l'OCDE, je considère que ce projet de loi est une avancée dans la lutte contre les « paradis fiscaux » et l'évasion fiscale. Néanmoins, compte tenu de l'importante présence française au Vanuatu, nous nous devons d'être particulièrement vigilants.

Je vous invite donc, malgré tout, à approuver ce projet de loi, cet accord contribuant à la cohérence du système international de lutte contre la fraude fiscale.

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