Vous n'y restez pas assez longtemps pour tout voir. Je vous invite donc à voir l'importance que revêtent, pour la plupart d'entre eux, tant l'échelon communal que l'échelon départemental. C'est là, c'est précisément là, que beaucoup sont aidés.
La décentralisation de 1982 entendait rapprocher les citoyens des lieux de décision et de mise en place des politiques publiques. La semaine dernière, François Fillon reprochait à la gauche d'être en retard sur l'histoire. Permettez-moi de retourner – sans animosité – la remarque à la droite.
Aucun problème de société ne peut-être géré à une seule échelle territoriale. Comment une collectivité territoriale unique pourrait-elle être sensible et compétente face à une société aussi diverse que celle de l'Île-de-France, par exemple ? Comment éviter, dans ce cas, que les métropoles ne soient pas créatrices – fût-ce involontairement – d'un développement inégalitaire et différencié des territoires ?
Les nouvelles collectivités ne peuvent que complexifier le quotidien de millions de Français. La bonne solution serait de mettre davantage de moyens dans la coopération entre les différents niveaux de collectivités. La vôtre est radicale et vise à détruire toutes les constructions que la gauche a mises en place, et cela sans aucun débat respectueux, sans consultation préalable : mais vous pensez sans doute détenir la vérité dans vos analyses.
Ni les élus locaux ni les Français ne souhaitent cette réforme. J'ai presque envie d'établir un parallèle avec l'ensemble de la politique que vous portez, politique particulièrement hostile aux femmes, par exemple : j'en veux pour preuve le « traitement de faveur » auquel elles ont eu droit dans le texte portant sur la réforme des retraites.
Quant au projet de loi qui nous occupe ici, il marque une véritable régression dans la recherche de l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités électives. L'Observatoire pour la parité, organisme dont on ne peut dire qu'il est au service de la gauche, encore moins des communistes ou de je ne sais qui, a estimé que, avec le mode de scrutin uninominal à deux tours que ce texte souhaite mettre en oeuvre, la part des femmes dans les institutions régionales devrait être ramenée de 47 % à 19 %.
Toutefois ce n'est pas seulement la parité que ce mode de scrutin ne garantit pas ; c'est aussi le pluralisme dans les assemblées élues. Il peut paraître simple, en théorie, de représenter à la fois le département et la région. Toutefois, en ramenant tout, systématiquement, à l'échelon supérieur, on fait courir un grand danger à la démocratie de proximité. Les élus de la Gauche démocrate et républicaine défendent la démocratisation des territoires et des collectivités. Ils souhaitent une vision égalitaire du développement local ainsi que le rapprochement entre les citoyens et leurs élus. En l'espèce, nous ne pouvons nous satisfaire de ce texte.
Il présente pourtant quelques avancées, que je souligne volontiers.
Président d'une communauté d'agglomération, je suis sensible à l'idée du fléchage des conseillers communautaires, qui redonnera une importance démocratique à ces entités dont l'action est encore fort peu reconnue par les Français. Le fait que les délégués communautaires seront répartis proportionnellement à la population de leurs communes dans les structures intercommunales ne me paraît pas non plus une mauvaise chose.
Ce volet sur la consécration de l'intercommunalité nous paraît acceptable, parce qu'il respecte une certaine idée de la démocratie et de la justice : je vous en donne acte sur ces deux aspects. Malheureusement ces principes n'inspirent pas le reste de votre texte. Nos critiques sont cohérentes. Celles des sénateurs l'étaient aussi. La priorité est donnée à de grandes métropoles capables de rivaliser dans tous les secteurs sur la sphère européenne.
Après l'adaptation sociale à l'économie, avec la réforme des retraites, voici donc l'adaptation administrative. L'économiste et député anglais David Ricardo, qui n'est pourtant pas celui qui a accordé le plus de place à la valeur travail, écrivait dans Des principes de l'économie politique et de l'impôt que toutes les aires géographiques proposent une spécificité qui leur permet de rentrer dans le jeu des échanges internationaux. Pourquoi donc forcer leur destin ?
Une fois de plus, la réponse à cette question se trouve peut-être dans votre volonté de généraliser à tout prix les principes de la révision générale des politiques publiques. Déjà appliquée à de nombreux secteurs, elle fait pourtant beaucoup de mal aux Français : qu'on songe à la justice et au manque cruel de personnel pour instruire les dossiers dans les délais ; qu'on songe à l'éducation, si essentielle pour l'avenir de nos enfants ; qu'on songe aussi à tout ce qui est lié à l'emploi, à la sécurité, dont les problèmes surgissent souvent en conséquence directe d'une mauvaise gestion des deux domaines précédemment cités ; et la liste pourrait s'allonger.
Ce texte revêt une importance symbolique : il enlèverait à nos concitoyens – à qui vous avez rendu la vie assez dure depuis quelque temps – leurs derniers services publics de proximité. Or ce sont souvent ceux qui sont les plus efficaces, ceux qui proposent encore un peu d'humanité. Les usagers du Pôle emploi, malheureusement nombreux dans ma ville, me parlent souvent d'une institution bien moins sensible, moins à l'écoute que l'ancienne ANPE, qui était pourtant déjà critiquable. Les agents de Pôle emploi avec lesquels j'ai pu discuter éprouvent la même nostalgie.
Pour conclure, permettez-moi d'établir un parallèle entre ce texte et l'actualité.
En une semaine, l'exécutif a provoqué le mécontentement de deux millions et demi de Français qui sont descendus dans la rue, celui d'un nombre au moins équivalent de personnes qui ne pouvaient déjà plus se permettre financièrement de rater une journée de travail, l'indignation des parlementaires qui se sentent de plus en plus muselés et une plainte du journal Le Monde pour violation du secret des sources. C'est beaucoup. Il serait grand temps de changer de méthode. Vous pourriez commencer par écouter ce que les élus locaux tels que moi ont à vous dire sur un texte qui les concerne directement.