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Intervention de Michel Vaxès

Réunion du 15 septembre 2010 à 15h00
Limite d'âge des magistrats de l'ordre judiciaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Vaxès :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le mardi 7 septembre a été une grande journée d'espoir pour tous les opposants à la réforme des retraites. Cet espoir ne les a pas quittés – nous l'avons encore vérifié cet après-midi – et ils retourneront manifester dès le 23 septembre prochain. Votre offensive à marche forcée pour faire adopter ce texte avant la fin octobre ne les a pas découragés, et nous nous réjouissons qu'ils aient décidé de ne pas se résigner.

Cette réforme, qui met en place un système de retraite parmi les plus sévères d'Europe, en activant simultanément deux leviers – la durée de cotisation et l'âge légal de départ –, n'est que la chronique de la mort annoncée de notre régime de retraite solidaire. Tous vos efforts pour nous assurer du contraire sont vains, les Françaises et les Français ne sont pas dupes. Ils savent que, si notre peuple ne s'en mêle pas, seront créées ici les conditions pour la mise en place, à terme, d'un système de retraite par capitalisation, en élargissant encore un peu plus l'espace pour l'épargne privée.

D'ailleurs, ceux qui ont encore les moyens d'épargner souscrivent d'ores et déjà des systèmes complémentaires souvent défiscalisés, autrement dit aidés par l'État. Il faut dire qu'ils y sont encouragés et poussés par le monde de la finance qui, évidemment, se réjouit de la perspective de l'éventuelle disparition de notre système solidaire. Elle est la condition de leur enrichissement égoïste, et il est donc pour vous hors de question de mettre à contribution les revenus financiers ou de toucher aux cotisations sociales patronales gelées depuis 1996. «Il ne faut pas toucher aux cotisations sociales, déjà suffisamment élevées », avait déclaré Éric Woerth à l'issue de la première journée de discussions avec les syndicats, reprenant ainsi servilement l'injonction maintes fois répétée de Mme Parisot. Pour le patronat et le Gouvernement, la répartition injuste des richesses et des revenus, telle qu'elle s'est imposée depuis presque trente ans, serait désormais intangible. L'idée même d'une hausse des cotisations patronales, qui permettrait aux salariés de récupérer une partie de la croissance, vous est insupportable.

Pour ma part, j'ai toujours pensé que le doute était vertueux et que les certitudes étaient meurtrières. Je constate que vous n'avez que des certitudes, et si peu de vertus. Mais croyez-vous vraiment, monsieur le secrétaire d'État, que les salariés, qui font la richesse de la nation, accepteront encore longtemps de ne récupérer qu'un tiers de la croissance ? Vos préférences, qui vont au monde de l'argent, auront des conséquences sociales désastreuses. Il vous faudra, un jour ou l'autre, les assumer.

À peine ce texte, qui prépare une formidable régression sociale pour notre pays, a-t-il été examiné dans les conditions détestables que l'on sait – mais pas encore adopté définitivement –, vous nous demandez d'appliquer aux magistrats de l'ordre judiciaire le relèvement de deux années des limites d'âge tant pour le départ à la retraite que pour avoir droit à une retraite sans décote. Les magistrats ne sont évidemment pas les premiers à qui l'on pense lorsque l'on imagine les conséquences sociales de votre réforme des retraites. Ils sont certes épargnés par les difficultés que rencontrent la majorité des salariés du privé ayant atteint l'âge de cinquante ans et sans emploi. Ils ne devraient pas être nombreux, non plus, à se retrouver sans salaire avant d'avoir la possibilité de percevoir leur pension de retraite. Mais ce ne sont pas là des arguments recevables pour en rabattre sur notre opposition à ce texte. Il fait partie d'un tout, inacceptable, et ce ne sont que des raisons de pure forme qui nous conduisent à examiner leur cas séparément, dans le cadre d'un projet de loi organique.

Il est inenvisageable que nous nous inscrivions dans cette logique de régression sociale qui veut que l'on prenne à ceux qui ont un peu pour donner à ceux qui ont encore moins, afin d'épargner ceux qui ont beaucoup, et qui humilient l'État en décidant de tout. Nous ne sommes pas de ceux qui proposent d'avancer un peu l'âge de la retraite pour ceux qui ont un travail pénible, à condition de retarder celui de tous les autres. Nous voterons donc résolument contre un texte qui fait porter l'effort sur les salariés.

Au-delà du recul de l'âge de l'ouverture des droits à la retraite, cette réforme contient des points particulièrement contestables, ajoutés au fait que le régime de retraite des magistrats est d'ores et déjà particulièrement défavorable. L'Union syndicale des magistrats a détaillé ces points, mais vous n'en avez pas tenu compte.

Il y a tout d'abord la question du pouvoir d'achat. Depuis 2005, le régime indemnitaire des magistrats de l'ordre judiciaire n'a pas connu de revalorisation notable. Avec le gel du point d'indice d'ores et déjà annoncé pour les années à venir et l'augmentation du taux de cotisation prévue par le projet gouvernemental, qui aligne le taux de cotisation du public sur celui du privé, les magistrats devront, comme l'ensemble des salariés, faire face à une baisse de leur pouvoir d'achat.

À cela s'ajoutera la question du blocage d'accès aux fonctions hors hiérarchie. En effet, le double recul de l'âge de départ à la retraite et de l'âge pour la retraite sans décote aura pour conséquence de maintenir plus longtemps dans leurs fonctions les magistrats qui auront réussi à atteindre la catégorie hors hiérarchie. De fait, ils empêcheront les générations suivantes d'y accéder et les plus jeunes, aujourd'hui, percevront des retraites inférieures à celles qu'ils auraient pu espérer.

De plus, le recul du départ à la retraite entraînera mécaniquement un allongement du temps passé dans chaque échelon et retardera donc l'accès aux échelons les plus élevés. Cette dilatation des échelons conduira inévitablement à une baisse du pouvoir d'achat tout au long de la carrière.

Les magistrats ont également évoqué la question des primes. Depuis de nombreuses années, ils demandent leur prise en compte dans le calcul de la retraite, car elles composent une part significative des traitements. Si le taux de remplacement leur est aujourd'hui défavorable, cette réforme va encore aggraver la situation.

Reste, enfin, la question des polypensionnés qui concerne de nombreux magistrats ayant eu une vie professionnelle avant leur entrée dans la magistrature. Les conditions de reprise de leur ancienneté leur sont particulièrement défavorables et leur situation empirera avec le recul de l'âge d'annulation de la décote.

Autant de questions que les magistrats auraient souhaité vous soumettre avant la présentation de ce projet de loi, mais, souverainement, vous avez préféré ne pas réunir la commission permanente d'étude, comme les textes réglementaires l'imposent pourtant : curieuse façon de faire, mais qui finit par ne plus nous surprendre – plus rien, d'ailleurs, ne nous surprendra après ce qui s'est passé aujourd'hui. Je le redis, nous voterons résolument contre ce texte, comme nous avons voté résolument contre le projet de réforme des retraites.

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