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Intervention de Émile Blessig

Réunion du 15 septembre 2010 à 15h00
Limite d'âge des magistrats de l'ordre judiciaire — Ouverture de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmile Blessig, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, alors que notre assemblée vient d'achever l'examen du projet de loi portant réforme des retraites, un second texte doit lui être soumis, car certaines dispositions concernant une catégorie particulière d'agents publics, dont les magistrats, relèvent de la loi organique et nécessitent donc l'adoption du présent projet de loi organique relatif à la limite d'âge des magistrats de l'ordre judiciaire.

Je commencerai par détailler les raisons pour lesquelles il est nécessaire de recourir à un texte distinct. Je présenterai ensuite son contenu, puis détaillerai les améliorations que votre commission des lois vous propose d'y apporter.

La limite d'âge des magistrats de l'ordre judiciaire fait partie de leurs garanties statutaires et relève donc de la loi organique. En effet, afin de garantir le maintien de l'indépendance de l'autorité judiciaire contre des modifications de circonstance de son statut, le constituant de 1958 a prévu qu'« une loi organique porte statut des magistrats ». Il s'agit dans les faits de l'ordonnance prise le 22 décembre 1958, qui a été modifiée à vingt-neuf reprises depuis lors mais est toujours en vigueur.

Ce texte énonce les garanties apportées aux magistrats dans le déroulement de leur carrière, parmi lesquelles figure la limite d'âge jusqu'à laquelle ils sont susceptibles d'exercer leurs fonctions. Il s'agit bien là d'une garantie fondamentale de l'indépendance des juges : le pouvoir politique ne doit pas être en mesure d'écarter un magistrat en le mettant d'office à la retraite.

Cependant, si le projet de loi organique ne comporte que quatre articles, c'est que toutes les dispositions relatives à la retraite des magistrats ne relèvent pas de son statut et des garanties y afférentes.

Ainsi, l'âge d'ouverture et les conditions de détermination de la pension des magistrats de l'ordre judiciaire sont régis par les dispositions applicables à l'ensemble des fonctionnaires d'État. Les intéressés se verront donc appliquer les modifications prévues par le projet de loi portant réforme des retraites, notamment le relèvement à soixante-deux ans de l'âge d'ouverture des droits à pension à l'horizon 2018.

De la même manière, dans un souci d'équité – c'est mon deuxième point –, le présent projet de loi organique vise à appliquer aux magistrats de l'ordre judiciaire les principes du projet de loi ordinaire.

Premièrement, il prévoit le relèvement de la limite d'âge prévu pour les fonctionnaires des catégories sédentaires, de soixante-cinq à soixante-sept ans, à l'exception de celle applicable au premier président et au procureur général de la Cour de cassation, qui continueront à partir à la retraite à soixante-huit ans.

Deuxièmement, il organise une élévation progressive de cette limite d'âge pour les magistrats appartenant aux générations nées entre 1951 et 1955 pour arriver à soixante-sept ans en 2018, à raison de quatre mois de plus par an.

Enfin, il réforme le régime du maintien volontaire en activité des magistrats ayant atteint leur limite d'âge, en fixant la limite de maintien en fonction au soixante-huitième anniversaire des intéressés.

Ces dispositions rendent donc applicables à la magistrature judiciaire les principes applicables à l'ensemble des fonctionnaires ; toutes les catégories de fonctionnaires participeront donc ainsi à l'effort collectif demandé aux Français, dans le respect de la spécificité de leur statut.

Cependant – et c'est mon dernier point –, l'examen de ce texte par la commission des lois a permis de mettre en lumière un certain nombre de points sur lesquels nous souhaiterions que cette discussion puisse permettre des avancées. La gestion de la carrière des magistrats, comme l'organisation du régime de maintien en activité au-delà de la limite d'âge, pourraient être améliorées.

Tout d'abord, l'allongement de la carrière des magistrats nécessitera de repenser les conditions d'exercice des fonctions juridictionnelles. Si aujourd'hui 63 % des magistrats partent en retraite après l'âge de soixante-deux ans, l'application des mécanismes de décote devrait inciter un nombre croissant de membres du corps à prolonger leur carrière au-delà de l'âge d'ouverture des droits à pension.

Il ne faudrait pas que cet allongement entraîne paradoxalement un transfert de charges en accroissant les effectifs des magistrats des deux grades les plus élevés, alors que la gestion du contentieux de masse, en accroissement constant, repose essentiellement sur les magistrats du premier grade. Il sera donc nécessaire de prévoir le reprofilage du déroulement de la carrière des magistrats, afin que le maintien dans les cadres d'un nombre plus élevé de magistrats des plus hauts grades ne se traduise pas par une diminution relative du nombre des recrutements et, in fine, par un accroissement de la charge de travail pesant sur les magistrats affectés dans les juridictions de premier degré.

En outre, à l'occasion de l'examen du projet de loi en commission, nous nous sommes particulièrement penchés sur le régime du maintien en activité. La rédaction initiale du projet de loi renvoyait à un texte organique renvoyant lui-même à l'état du droit existant « avant l'intervention de la loi organique du 13 septembre 1984 ». Votre commission des lois a jugé bon de simplifier le droit en codifiant au sein de l'ordonnance organique portant statut de la magistrature les dispositions relatives à ce statut. Cela permet de vous proposer d'abroger les trois lois organiques précédentes, ce qui va dans le sens de la simplification du droit, même lorsque celui-ci s'applique à des professionnels.

Ainsi, comme dans sa rédaction initiale, le projet de loi organique prévoit que les magistrats ne pourront désormais être maintenus en activité que pendant une année – celle qui s'écoulera entre leur soixante-septième et leur soixante-huitième anniversaires. Afin de garantir une meilleure administration de la justice, il serait souhaitable que les magistrats du premier ou du second degré qui demandent à recourir à cette possibilité soient maintenus dans les fonctions qu'ils exerçaient précédemment, plutôt que d'être nommés dans une nouvelle affectation, afin, notamment, de continuer à faire bénéficier la juridiction de l'expérience qu'ils ont acquise dans leur poste. C'est le sens des amendements qui vous seront proposés sur l'article 3.

Ainsi, mes chers collègues, au nom de la commission des lois, je vous propose d'adopter le présent projet de loi organique, avec ces quelques améliorations. Ce texte devrait ainsi permettre d'appliquer aux magistrats de l'ordre judiciaire les principes de la réforme des retraites, tout en leur apportant, jusqu'à leur départ en retraite, les garanties de déroulement de carrière nécessaires à une justice impartiale et sereine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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