Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des lois, mesdames, messieurs les députés, je regrette la décision du groupe SRC de ne pas participer à l'examen de ce texte. Celui-ci a fait l'objet d'un bon débat en commission et nous aurions pu, par-delà les désaccords qui font partie d'un débat normal, avoir un échange intéressant autour d'une modification attendue par les magistrats.
Le projet de loi organique qui vous est soumis aujourd'hui est la déclinaison, pour les magistrats de l'ordre judiciaire, du projet de loi portant réforme des retraites applicable aux fonctionnaires civils et militaires de l'État, dont vous venez de débattre. La Constitution impose, en effet, l'intervention du législateur organique pour tout ce qui touche au statut des magistrats – et la limite d'âge constitue l'une de ses composantes.
Au-delà de cette spécificité, le présent texte procède du même effort et de la même volonté de préserver notre système de retraite par répartition.
Au demeurant, certaines des dispositions du projet de loi ordinaire que vous venez d'adopter concernent aussi les magistrats, auxquels s'applique le code des pensions civiles et militaires de l'État ; c'est le cas, par exemple, du recul de l'âge d'ouverture des droits à pension, qui sera donc également porté progressivement à soixante-deux ans pour les magistrats.
Le présent projet de loi organique a un double objet : d'une part, appliquer aux magistrats de l'ordre judiciaire le relèvement de deux années de la limite d'âge, prévu par la réforme générale, en fixant cette limite à soixante-sept ans, contre soixante-cinq ans auparavant ; d'autre part, prévoir le calendrier de mise en oeuvre progressive de cette mesure. La nouvelle limite d'âge s'appliquerait pleinement aux magistrats nés à compter de 1956.
Il faut savoir que les magistrats de l'ordre judiciaire prolongent très souvent leur activité au-delà de l'âge minimal d'ouverture des droits à pension et que leur âge moyen de départ en retraite est déjà aujourd'hui sensiblement supérieur à soixante-deux ans. Cette habitude est connue de ceux qui fréquentent les juridictions et connaissent le monde des magistrats. Mais cette modification imposait de revoir le mécanisme de maintien en activité des magistrats au-delà de la limite d'âge, prévu par deux lois organiques distinctes de l'ordonnance de 1958 portant statut de la magistrature.
Actuellement, les magistrats atteignant soixante-cinq ans peuvent, à leur demande, être maintenus en activité en surnombre des effectifs de la juridiction jusqu'à l'âge de soixante-huit ans pour les magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation, ou pour une période de trois ans non renouvelable pour les magistrats des premier et second degrés : TGI et cour d'appel. Ce dispositif, que l'on retrouve dans d'autres grands corps de l'État, doit être préservé, car il permet aux juridictions de bénéficier plus longtemps des compétences de magistrats expérimentés, et à ces derniers, de continuer à cotiser pour leur retraite si nécessaire. Soit dit en passant, l'allusion faite tout à l'heure à cette question de cotisation, trouve là un élément de réponse.
Si les rédactions actuelles n'étaient pas modifiées, le relèvement de la limite d'âge à soixante-sept ans aurait pour effet de permettre aux magistrats des cours et tribunaux d'être maintenus en activité jusqu'à soixante-dix ans, contre soixante-huit pour ceux de la Cour de cassation. Il y aurait donc une distorsion.
La Chancellerie a donc souhaité que les conditions de maintien en activité des magistrats des cours d'appel et des tribunaux de grande instance soient alignées sur celles applicables aux magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation. Ainsi, le projet de loi organique propose que le maintien en activité cesse, pour l'ensemble des magistrats, lorsqu'ils atteindront l'âge de soixante-huit ans, ce qui paraît raisonnable et ce qui est également en phase avec une pratique déjà bien instaurée dans un certain nombre de corps de l'État.
Votre commission des lois, sous l'impulsion de son rapporteur, dont je salue le remarquable travail, a apporté des améliorations au projet, dans un souci de clarté et d'intelligibilité du dispositif de maintien en activité en surnombre. La principale modification, que j'approuve pleinement, est l'intégration des dispositions prévoyant ce mécanisme dans l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958.
Ce travail de précision et de clarification va se poursuivre en séance grâce à de nouveaux amendements déposés par votre rapporteur, qui portent sur la définition des fonctions pouvant être exercées dans le cadre du maintien en activité en surnombre.