Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 14 septembre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Après l'article 25, amendement 730

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarisol Touraine :

Monsieur le président, je voudrais intervenir sur l'amendement du Gouvernement, et j'entends que cela s'impute sur le temps supplémentaire qui nous est accordé dans ce cadre.

Ce à quoi nous sommes en train d'assister est tout de même assez sidérant. Au détour d'un amendement, le Gouvernement est en train de mettre à bas toute l'organisation du système de santé au travail. Avant l'été, on nous avait annoncé un texte de loi qui viendrait réorganiser, refonder la médecine de travail. Nul ne conteste que celle-ci a besoin d'être consolidée, renforcée dans ses missions, sans doute réorganisée pour mieux répondre à un certain nombre de besoins. Les médecins du travail le disent eux-mêmes, ils sont insuffisamment nombreux, ils sont surchargés de travail et ne peuvent faire face à l'ensemble de leurs missions.

Mais ce que vous proposez, dans un amendement qui n'a strictement rien à voir avec la question des retraites, c'est purement et simplement d'accentuer la crise que traverse aujourd'hui la médecine du travail et de détricoter les droits qui existent en la matière.

D'une part, vous nous proposez quelque chose qui va à l'encontre des principes fondamentaux régissant la médecine du travail, à savoir que les services de santé au travail d'entreprise soient désormais placés sous l'autorité de l'employeur. Autrement dit, le principe même de l'indépendance de la médecine du travail, principe essentiel si l'on veut que les salariés soient effectivement protégés, est remis en cause au détour d'un simple amendement.

D'autre part, vous indiquez, toujours dans le texte même de cet amendement, que l'employeur va désigner lui-même les salariés chargés de s'occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels. Cela veut dire que nous aurons, au sein des entreprises, des salariés qui ne seront pas élus, qui ne seront pas choisis par les organisations syndicales ou par les salariés directement, mais désignés, choisis par l'employeur.

D'un côté, une médecine du travail sous l'autorité de l'employeur ; de l'autre, des salariés chargés des missions de prévention et de protection désignés par l'employeur. On voit bien le démantèlement auquel nous sommes en train d'assister, et qui est particulièrement préoccupant.

Il a déjà été fait allusion, à plusieurs reprises, aux travaux de l'UMP sur les risques psychosociaux au travail. Dans le cadre de ces travaux, auxquels M. Méhaignerie avait directement participé, vous étiez arrivés à la conclusion que le renforcement des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail s'imposait. Cette orientation, même si nous pouvions discuter des modalités que vous souhaitiez lui donner, nous la partageons plutôt. Pour favoriser, dans les entreprises, une meilleure prévention, une meilleure prise en charge des situations de risques, de meilleures préconisations en termes d'organisation du travail afin de limiter les risques psychosociaux, il nous semble en effet opportun, entre autres mesures, de renforcer les CHSCT.

Dans le cadre de la mission que je préside, et qui a procédé à un certain nombre d'auditions sur le sujet, un consensus s'est dégagé, aussi bien parmi les personnes entendues que parmi les membres de la mission, pour considérer qu'il fallait s'engager dans cette voie-là. Pourquoi cela ne figure-t-il pas dans l'amendement, ni dans les autres propositions que vous faites pour réorganiser la médecine du travail ?

La vérité, c'est que vous êtes engagés dans un processus qui aboutit à affaiblir le rôle de la médecine du travail, à externaliser, en quelque sorte, une partie de ses missions actuelles vers les médecins généralistes ou les médecins de ville. Nous aurons l'occasion de le constater, puisque d'autres amendements, non pas d'origine gouvernementale mais présentés par des députés UMP, proposent que, désormais, certaines catégories de salariés ne relèvent plus de la médecine du travail, mais soient renvoyés vers la médecine générale. La conséquence, c'est qu'iront en consultation ceux qui le pourront, qui en auront les moyens.

On voit bien quel est le système qui se met en place. Vous parlez de pénibilité et de prévention des risques, mais, en réalité, vous êtes en train de faire évoluer notre système vers un dispositif qui sera réduit à la portion congrue, dans lequel seule une minorité de salariés aura accès à la médecine du travail, et dans lequel, de plus en plus, l'employeur dictera au médecin du travail la manière d'apprécier les situations de risque au sein de l'entreprise.

C'est pourquoi nous sommes résolument opposés à cet amendement. Nous le sommes d'autant plus que, je le répète, il est très choquant que ce bouleversement de la loi existante intervienne au détour d'un amendement. Monsieur le ministre, la médecine du travail méritait mieux. Nous aurions pu, tout en n'étant pas d'accord avec vos propositions, en débattre dans le cadre de l'examen d'un projet de loi spécifique, traitant de toute une série de sujets que vous aviez évoqués et que l'on trouve disséminés, de-ci de-là, dans les amendements : les équipes pluridisciplinaires, le rapport des médecins avec des professionnels de santé qui ne sont pas médecins, l'articulation entre la médecine du travail et les agences régionales de santé, entre la médecine du travail et les CHSCT, etc. Nous étions prêts à nous engager dans cette discussion. Les organisations syndicales y étaient prêtes aussi.

Vous ne pouvez pas vous prévaloir des discussions que vous avez eues avec les organisations syndicales, car elles ont fait part de leur profondément mécontentement face aux amendements déposés : mécontentement de voir le mépris dans lequel vous les tenez, mécontentement de voir bâclée une réforme qu'elles estiment absolument nécessaire dans l'intérêt même des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion