Monsieur le ministre, vous savez pertinemment que ce sont très majoritairement les femmes qui ont des carrières incomplètes. En ce sens, les travaux de la délégation aux droits des femmes de notre assemblée ne laissent aucun doute sur les graves conséquences qu'entraînerait, notamment pour les femmes, l'adoption du recul de 65 à 67 ans de la retraite sans décote, puisque telle est la question posée.
Actuellement, 30 % d'entre elles doivent attendre 65 ans pour pouvoir prendre une retraite à taux plein contre 5 % des hommes. Les femmes partent d'ailleurs plus tard en retraite – à 61,5 ans contre 59,5 ans pour les hommes –, ce qui n'est pas le cas dans les autres pays que vous citez habituellement en comparaison avec la France. Seulement 41 % des femmes effectuent une carrière complète contre 86 % des hommes, ce qui entraîne une différence de 20 trimestres cotisés, le nombre de trimestres cotisés étant de 137 pour les femmes contre 157 pour les hommes. En conséquence le montant moyen des retraites des femmes, qui s'élève à 826 euros, est inférieur de 38 % au montant moyen des retraites des hommes.
Ce ne sont pas les mesurettes contenues dans le chapitre II sur les « dispositions relatives à l'égalité entre les femmes et les hommes » qui peuvent masquer cette réalité.
Au sein de la délégation aux droits des femmes a été évoquée la possibilité de prendre des mesures spécifiques pour les femmes. C'est juridiquement possible, notamment pour les femmes qui ont élevées des enfants et particulièrement pour celles qui les ont élevés seules. Encore faut-il en être conscient et en avoir le courage politique.
Il est vrai que, comme le Gouvernement en général, M. Woerth a en la matière des convictions radicalement opposées, considérant que la convergence entre les retraites des hommes et des femmes est déjà en route. C'est une affirmation, mais elle coûte cher aux femmes ! Pour une fois, ses déclarations sur le sujet sont sans détour. Vous êtes même allé jusqu'à affirmer que les conditions de travail des femmes ne sont plus aujourd'hui celles d'il y a vingt ou trente ans, laissant entendre qu'il n'y a plus de problème.
Dans quel monde vivez-vous ? Les études montrent que jamais autant de femmes n'ont travaillé à la chaîne et qu'elles représentent même aujourd'hui la majorité des travailleurs à la chaîne. Que dire de celles qui, à la caisse des supermarchés, soulèvent des tonnes de produits par semaine, ou encore de celles qui assurent des tâches souvent pénibles dans le domaine de l'aide à domicile pour un salaire de misère ?
C'est aussi le cas des personnels de santé, des infirmières, dont vous avez réglé le cas au mois de juillet, en reculant l'âge de la retraite de 55 à 60 ans. Aussi, monsieur le ministre, je ne suis pas certain que, y compris dans votre majorité, les femmes applaudissent vos propos.
Enfin, vous semblez ignorer que la double journée n'est pas qu'une vue de l'esprit, un vieux discours, mais bien la réalité que vivent les femmes au quotidien.