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Intervention de Philippe Nauche

Réunion du 10 septembre 2010 à 21h30
Réforme des retraites — Discussion des articles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Nauche :

Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, monsieur le secrétaire d'État chargé de la fonction publique, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, s'il fallait donner un sous-titre à l'article 6, c'est le terme « inéquité » qui conviendrait.

Par l'article 5, que nous avons examiné aujourd'hui, et qui recule de deux ans l'âge légal de départ à la retraite, vous avez pénalisé les catégories modestes, qui ont travaillé toute leur vie et dont la carrière déjà longue se trouvera encore allongée, d'autant que votre projet de loi ne prend pas en compte la pénibilité au cours de celle-ci : en effet, par un amalgame entre les notions de pénibilité au travail, d'invalidité et de perte d'espérance de vie, vous prétendez vous intéresser à la pénibilité alors que, comme nous le verrons dans la suite du texte, ce thème n'est pas traité.

Avec l'article 6, c'est encore pire, car vous vous attaquez aux plus modestes des plus modestes, c'est-à-dire à celles et à ceux qui ont connu ou qui connaissent la précarité, et ont eu des carrières sporadiques. Les plus touchées seront le femmes, qui ont passé une partie de leur vie à assumer des tâches essentielles pour la société, mais insuffisamment partagées entre les hommes et les femmes, et aussi mal reconnues que mal valorisées. Du fait de ce temps passé à ne pas travailler en dehors de la maison – pour s'occuper d'enfants en bas âge, de parents devenus dépendants, ou de tâches de nature familiale – les carrières des femmes sont souvent incomplètes.

La liquidation de la retraite à taux plein sans décote à 65 ans concerne aujourd'hui 80 % de femmes. Encore faut-il préciser qu'il s'agit d'une retraite proratisée, souvent très modeste, puisque plus de la moitié des retraitées touchent moins de 900 euros par mois. Celles qui voudront quand même partir à 65 ans après le relèvement des bornes d'âge prévu à l'article 6 subiront une décote de 25 %. Comme elles n'avaient déjà pas grand-chose, il ne va pas leur rester beaucoup.

Si, sur le plan intellectuel, on peut imaginer quelle a été votre logique, la portée de cette mesure ne peut être appréciée qu'au regard de la situation des personnes entre 60 et 65 ans qui ont eu un taux d'emploi très faible et se trouvent en situation de grande précarité, parmi lesquelles on compte souvent des femmes seules : leur état de précarité sera allongée de deux ans !

En prolongeant la période d'activité, vous faites comme si le passage direct de l'emploi à la retraite était aisé. Or nous savons tous que ce n'est généralement pas le cas dans notre pays. Les femmes sont plus de deux fois plus nombreuses que les hommes à être inactives à cette période de la vie.

En 2006, 46 % seulement des femmes de 55 à 64 ans déclaraient être passées directement de l'emploi à la retraite, 26,5 % d'entre elles étaient passées par le chômage – contre 19 % pour les hommes – et 30 % – contre 5 % pour les hommes – attendaient 65 ans pour liquider leurs droits, faute d'avoir le nombre de trimestres suffisant. Elles sont donc nombreuses entre 60 et 65 ans à être en situation de chômage, donc de précarité. C'est cette précarité-là que vous allez allonger.

La situation des femmes seules est encore plus dramatique. Nos collègues qui sont également des élus de terrain les connaissent bien, puisqu'elles cherchent souvent des petits boulots, des emplois précaires, pour essayer de joindre les deux bouts : deux heures de ménage par ci, un peu de travail à la cantine de l'école par là, entre midi et quatorze heures. Elles se trouvent souvent dans des situations sociales intolérables, bien éloignées de l'idée qu'on peut se faire de la dignité.

On peut évidemment faire des campagnes de communication sur la réduction des inégalités entre hommes et femmes et se payer de mots mais, pour nous, l'article 6 de ce projet représente une mesure discriminatoire à l'égard des femmes les plus modestes et n'est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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