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Intervention de Catherine Coutelle

Réunion du 9 septembre 2010 à 21h30
Réforme des retraites — Après l'article 4, amendement 474

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle :

Tout à l'heure, M. Leonetti, répondant à Alain Vidalies, a mis en avant la pénibilité de son métier de médecin ayant fait des gardes de nuit. Aussi, je voudrais vous rappeler qu'avant que nous discutions de ce texte, qui occupe actuellement nos soirées, vous avez déjà réformé rapidement et sans concertation les métiers de soins, les métiers d'infirmiers.

Au mois de février, vous vous êtes attaqués au départ en retraite des infirmières, et le Gouvernement a sciemment, à cette occasion, ignoré la problématique particulière de la pénibilité liée au travail de nuit dans le milieu hospitalier.

En juillet, le conseil supérieur de la fonction publique hospitalière avait pourtant émis un avis défavorable sur le projet de loi portant réforme des retraites, dont le Gouvernement n'a pas tenu compte.

Il s'est constitué un front commun des soignants

Le 24 juin, neuf organisations de praticiens ont écrit ensemble une lettre ouverte au Président de la République, pour lui demander la mise en place sans délai de négociations sur la pénibilité liée au travail de nuit dans leurs métiers. Ils n'ont pas eu de réponse.

Ces organisations représentent des spécialités – pédiatrie, obstétrique, anesthésie-réanimation, chirurgie et urgences – et des statuts – hospitaliers et hospitalo-universitaires – fortement impliqués dans la permanence des soins.

Elles estiment que la pénibilité liée à l'exercice de leur profession, cumulée au fil des années, est totalement occultée du débat actuel dans le cadre du projet de réforme des retraites du Gouvernement, qui prévoit un relèvement à 62 ans de l'âge légal de départ à la retraite, à l'exception notamment des assurés dont l'état de santé est dégradé à la suite d'expositions à des facteurs de pénibilité.

Les médecins hospitaliers passent quatre à cinq ans au moins de leur carrière en travail de nuit ou de week-end, ont une profession reconnue stressante et difficile et font de fortes amplitudes horaires.

Des études scientifiques, des rapports successifs de l'Assemblée nationale ou du Conseil économique et social prouvent les effets induits du travail de nuit : troubles cardiovasculaires, cancers, troubles du sommeil, troubles psychologiques allant parfois jusqu'à des cas de mort violente, et Alain Vidalies nous parlait de cancers du sein chez les femmes.

Actuellement, les praticiens hospitaliers prennent déjà leur retraite en moyenne à 63,8 ans.

Il n'y a pas de problème d'emploi des seniors. Par contre, la démographie des praticiens hospitaliers les oblige à continuer à travailler la nuit jusqu'à leur départ en retraite. Or il n'existe aucun aménagement de fin de carrière qui pourrait permettre de limiter le phénomène d'épuisement. De plus, le dépistage individuel des praticiens devenus invalides n'est pas satisfaisant.

Ces organisations demandent une meilleure prévention des conséquences dramatiques de cette pénibilité. Or, jusqu'à présent, elles ont été mises à l'écart des débats et se disent lassées par les promesses non tenues.

Pour que soit reconnue et compensée la pénibilité, elles demandent qu'une nuit sur place de 14 heures compte pour trois demi-journées, que toutes les permanences de soins sur place soient rémunérées au même tarif, 450 euros, que le temps de déplacement en astreinte soit reconnu comme du temps de travail, que le repos quotidien après déplacement soit respecté.

Elles estiment qu'à partir d'un certain seuil quantifiable et fixé à un minimum de 1 000 permanences de soins sur une carrière, le travail de nuit doit être compté comme une pénibilité en raison des conséquences reconnues sur la santé.

Cela implique la reconstitution de l'exposition individuelle au facteur de risque que constitue le travail de nuit. Cela pourrait prendre la forme d'un curriculum laboris, qui individualiserait les gardes effectuées avant 1996, date d'inclusion des gardes dans l'assiette de cotisation – toutes les gardes effectuées avant sont neutres en termes de retraite –, et celles effectuées avant 2003, date d'instauration par la loi du repos post-garde.

Au-delà de 1 000 nuits travaillées, le médecin qui continuerait à être exposé au risque devrait obtenir des compensations : doublement des cotisations IRCANTEC sur la rémunération de nuit, part salariale et part employeur.

Elles demandent que l'on ne puisse pas imposer des gardes à un médecin qui ne le souhaite pas à partir de 60 ans.

Elles demandent que, pour les titulaires hospitalo-universitaires, les gardes et astreintes soient également valorisées dans le cadre du calcul de la rente.

Nous avons assisté à une mobilisation des infirmiers et des aides soignants après la remise en cause de la pénibilité liée à l'exercice de leur métier.

L'ensemble de ces professionnels, qui sont majoritairement des femmes, se sont joints au mouvement national du 7 septembre, d'autant que le Président de la République n'a pas donné suite à sa promesse de discuter avec leurs représentants syndicaux.

Le 24 février, le Gouvernement avait décidé d'utiliser le projet de loi sur la rénovation du dialogue social pour introduire des modifications législatives faisant passer le droit de départ à la retraite des infirmiers et infirmières et des personnels paramédicaux de 55 ans à 60 ans, sans négociation, et supprimant le classement en catégorie active et la majoration de durée d'assurance, en échange d'un passage en catégorie A de la fonction publique.

Il a profité ainsi d'une réforme statutaire pour amorcer sa réforme des retraites, en rendant applicable une disposition du protocole. Les députés de notre groupe ont dénoncé cette remise en cause de la pénibilité du travail de ces professionnels.

Le projet de loi sur les retraites comporte des mesures qui neutralisent, pour les personnels qui opteront pour les nouveaux corps en catégorie A sédentaire, le relèvement de l'âge d'ouverture des droits à la retraite à 62 ans ainsi que le relèvement de la limite d'âge à 67 ans. Ainsi, l'âge d'ouverture des droits passera de 55 à 57 ans pour les infirmières qui choisissent de rester en catégorie B et sera relevé à 62 ans pour les grades supérieurs.

Deux amendements du Gouvernement prévoient de ne pas majorer, pour les agents ayant opté pour la catégorie sédentaire, la durée d'occupation d'un emploi en catégorie active. Le second vise à reporter la date de dépôt des demandes de départ en retraite pour les parents de trois enfants et ayant 15 ans de services du 13 juillet au 31 décembre, pour un départ au plus tard au 1er juillet 2011. Vous aviez provoqué une grande cacophonie en annonçant subitement la date du 13 juillet 2010.

Le mouvement de protestation a certainement contribué à la mise en place de la nouvelle mesure, qui maintient la retraite à 60 ans aux infirmiers ayant choisi la catégorie A, même si cela reste largement insuffisant.

Les infirmiers anesthésistes ont également protesté contre la perte de la reconnaissance de la pénibilité de leur emploi et l'insuffisante revalorisation de leurs salaires dans ce même protocole. Un IADE touche une pension de 1 800 euros après 40 ans de travail : on est bien loin des aristocrates dont a parlé Mme Bachelot.

Dernier point, les mouvements de grève des gardes et astreintes dans les hôpitaux

Un grand nombre de syndicats ont entamé une grève illimitée des gardes et astreintes dès le mercredi 1er septembre pour demander une prise en compte de la pénibilité du travail de nuit, tout en prenant leurs responsabilités pour assurer la sécurité des patients.

Ils ont demandé le 2 septembre dernier, dans un communiqué commun, à être reçus par M. Éric Woerth, pour que soit prise en compte la pénibilité propre aux métiers de soignants à l'hôpital public dans le cadre de la réforme des retraites.

Cette réforme obligera par exemple les médecins anesthésistes à partir à la retraite à 67 ans. Or qui acceptera par exemple de se faire anesthésier à trois heures du matin par un médecin de 66 ans usé par le travail ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Par ailleurs, la négation de la pénibilité est en partie responsable de la désaffection des jeunes médecins pour l'exercice hospitalier.

Avec ce mouvement de grève, avec assignation pour chaque garde et astreinte, ils souhaitent obtenir des mesures compensatoires au travail de nuit. Ils demandent aussi que soient enfin organisées les négociations avec tous les acteurs de la permanence des soins prévues dans le relevé de conclusions signé en mai 2008. C'est la première fois qu'au-delà des spécificités s'ouvre un front commun de tous les soignants concernés par le travail de nuit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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