Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, faute évidemment de pouvoir, lors de cette intervention liminaire, présenter toutes les dispositions du projet de loi, je m'efforcerai de vous en exposer la philosophie générale et les éléments saillants, tout en apportant des précisions, comme vous le souhaitez, monsieur le président, sur quelques amendements que le Gouvernement entend proposer.
La France reste une terre d'accueil de l'immigration. Elle continue à délivrer chaque année plus de 180 000 titres de long séjour. Elle est désormais au deuxième rang mondial, derrière les États-Unis, pour l'accueil des réfugiés – nous sommes donc maintenant devant le Canada. Dans le même temps, la France doit rester une terre d'intégration. Car notre cohésion nationale ne s'est pas construite par la juxtaposition de communautés. Dans la conception française de la nation, tout ressortissant étranger qui s'établit en France a vocation à s'intégrer, puis à s'assimiler, et donc à terme et sous conditions, à devenir Français.
Dans le cadre du débat sur l'identité nationale ouvert l'an passé, le séminaire gouvernemental présidé par le Premier ministre le 8 février 2010 a conclu à la nécessité de renforcer nos politiques d'intégration des immigrés qui s'établissent en France. C'est pourquoi le projet de loi conditionne tout d'abord l'accès à la nationalité française à la signature d'une charte des droits et devoirs du citoyen.
Le projet de loi vise à faire de l'adhésion aux principes et valeurs essentiels de la République, et non plus de la seule connaissance des droits et devoirs conférés par la nationalité française, un élément d'appréciation de l'assimilation du postulant à l'acquisition de la nationalité française. Cette adhésion sera formalisée par la signature, au cours de l'entretien d'assimilation conduit en préfecture, d'une charte des droits et devoirs du citoyen. La charte sera remise au cours de la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française, à tous les nouveaux Français, quel que soit le mode d'acquisition de la nationalité – naturalisation, mariage, naissance en France de parents étrangers, etc.
C'est aussi pourquoi le Gouvernement déposera une proposition d'amendement étendant les motifs de la procédure de déchéance de nationalité aux personnes ayant porté atteinte à la vie d'une personne dépositaire de l'autorité publique, en particulier, comme l'avait annoncé à Grenoble le Président de la République, les policiers et les gendarmes.
Des actes d'une gravité sans précédent ont été récemment commis, avec la prise à partie de forces de l'ordre par des assaillants, l'utilisation d'armes de guerre, et l'intention de tuer des agents au seul motif qu'ils exercent la mission première de l'État : assurer le respect de l'État de droit. D'autres policiers ont fait l'objet de menaces de mort.
L'article 25 du code civil précise, depuis la loi du 22 juillet 1996, qu'un individu peut, après avis conforme du Conseil d'État, et dans un délai de dix ans suivant son accession à la nationalité française, être déchu de la nationalité « s'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ».
Dans l'objectif de protéger l'autorité de l'État, le Gouvernement souhaite que la procédure de déchéance de nationalité prévue à l'article 25 du code civil soit étendue aux personnes qui, dans un délai de dix ans suivant leur accession à la nationalité française, portent atteinte à la vie d'une personne dépositaire de l'autorité publique, en particulier un policier ou un gendarme, un magistrat, etc.
Cet amendement respecte la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Dans sa décision validant l'extension des motifs de déchéance opérée en 1996, celui-ci a jugé que ce principe d'égalité « ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit » et que le législateur « peut, compte tenu de l'objectif tendant à renforcer la lutte contre le terrorisme, prévoir la possibilité, pendant une durée limitée, pour l'autorité administrative, de déchoir de la nationalité française ceux qui l'ont acquise, sans que la différence de traitement qui en résulte viole le principe d'égalité ».
L'objectif de l'amendement est de lutter contre les atteintes aux intérêts essentiels de l'État, c'est-à-dire à la vie de ses agents. Les actes portant atteinte à la vie d'une personne dépositaire de l'autorité publique, par leur nature et par leur gravité, peuvent être rapprochés des « atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation » et des « actes de terrorisme » auxquels l'article 25 du code civil fait d'ores et déjà référence.
Cet amendement maintient les motifs de déchéance bien en deçà de ce qu'ils étaient depuis 1945 et jusqu'à la loi du 16 mars 1998. L'article 98 de l'ordonnance du 19 octobre 1945 portant code de la nationalité prévoyait ainsi la déchéance pour l'étranger « condamné en France ou à l'étranger pour un acte qualifié crime par la loi française et ayant entraîné une condamnation à une peine d'au moins cinq années d'emprisonnement. » Rien n'indique que le Conseil constitutionnel validerait un amendement revenant au texte de 1945, et mon pronostic est plutôt réservé sur ce point.
La France participe par ailleurs à la construction progressive d'une politique européenne de l'immigration et de l'asile, complément indispensable du grand espace de libre circulation issu des accords de Schengen. Elle est à l'origine du Pacte européen sur l'immigration et l'asile, adopté à l'unanimité par l'ensemble des États membres de l'Union européenne le 16 octobre 2008 et négocié par mon prédécesseur.
Trois directives européennes ont été adoptées par la suite, qui créent un cadre juridique global et harmonisé pour une politique européenne de l'immigration, dont le projet de loi assure la transposition en droit français.
La première directive transposée par ce projet de loi est celle du 25 mai 2009 établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié, dite « directive carte bleue ». En application de cette directive, le projet de loi met en place le premier titre de séjour européen, ouvrant le même droit au séjour et au travail dans l'ensemble des 27 États membres de l'Union européenne, pour les travailleurs hautement qualifiés (au minimum, diplôme bac +3, ou justifiant d'une expérience professionnelle d'au moins cinq ans). Est-ce une directive « élitiste » ? Certes, puisqu'il s'agit d'immigration choisie, mais il faut remarquer qu'une part importante des ressortissants étrangers qui entrent et séjournent aujourd'hui en France remplit d'ores et déjà les critères de formation et d'expérience professionnelle conditionnant la délivrance de ce titre de séjour européen. En 2009, plus de 25 % des ressortissants étrangers autorisés à entrer et séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois étaient titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur.
La deuxième directive transposée par ce projet de loi est celle du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à rencontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite « directive sanctions ». L'objectif est de lutter contre ceux qui exploitent l'immigration irrégulière. En application de cette directive, le projet de loi met en place un ensemble de sanctions administratives, financières et pénales contre les personnes physiques ou morales qui recourent sciemment, directement ou indirectement, à l'emploi d'étrangers sans titre de séjour.
Le projet de loi oblige les employeurs à tenir, au moins pendant la durée de la période d'emploi, une copie de l'autorisation de séjour à la disposition des autorités compétentes. L'arsenal de sanctions administratives qu'il met en place est très dissuasif. L'autorité administrative pourra, en cas d'emploi d'étrangers en situation irrégulière, rendre les employeurs inéligibles aux appels d'offres nationaux et européens, pendant une durée maximale de six mois ; rendre les employeurs inéligibles aux aides publiques nationales et européennes en matière d'emploi, de formation professionnelle et de culture, pendant une durée maximale de cinq ans ; imposer aux employeurs le remboursement des aides publiques reçues l'année précédant l'infraction relevée, en matière d'emploi et de formation professionnelle ; ordonner par décision motivée la fermeture d'un établissement, à titre provisoire et pour une durée ne pouvant excéder trois mois. Les modalités de cette fermeture, qui pourra s'accompagner de la saisie à titre conservatoire du matériel professionnel des contrevenants, seront fixées par décret en Conseil d'État. En tout état de cause, cette décision de fermeture administrative d'un établissement sera proportionnée à l'ampleur des faits constatés.
Le projet de loi responsabilise les donneurs d'ordre. Il prévoit que tout maître d'ouvrage informé par écrit – par un agent de contrôle, par un syndicat ou par une association professionnelle ou par une institution représentative du personnel – de l'intervention d'un sous-traitant en situation irrégulière au regard de l'emploi d'étranger sans titre de séjour, doit enjoindre aussitôt à son cocontractant de faire cesser sans délai cette situation. À défaut, il est tenu, ainsi que son cocontractant, solidairement avec le sous-traitant employant l'étranger sans titre, au paiement des impôts, taxes, cotisations, ainsi que des rémunérations et charges, contributions et frais. La responsabilité solidaire des maîtres d'ouvrage est l'un des points les plus importants de ce texte.
La troisième directive transposée par le projet de loi est celle du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite « directive retour ». En application de cette dernière, le projet de loi ouvre la possibilité pour l'autorité administrative d'assortir sa décision d'éloignement d'une « interdiction de retour sur l'ensemble du territoire européen » d'une durée de trois ans, pouvant être portée dans certains cas à cinq ans. Tout étranger ne respectant pas le délai de départ volontaire – un mois –, qui lui a été accordé, pourra se voir infliger cette interdiction de retour sur le territoire des 27 États membres de l'Union européenne.
La procédure de l'interdiction de retour est entourée de plusieurs garanties : elle n'est pas automatique – le préfet peut la prendre dans certains cas, par exemple le non-respect du délai de retour volontaire, mais il n'y est jamais obligé ; elle est modulable et proportionnée – la loi pose le principe selon lequel il sera tenu compte de la durée de la présence de l'étranger sur le territoire, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France ; elle est abrogée automatiquement si l'étranger respecte le délai qui lui est accordé pour quitter volontairement le territoire.
Enfin, nos efforts d'intégration de l'immigration légale et de lutte contre l'immigration illégale seront vains si nos procédures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière restent aussi peu efficaces. Quelques chiffres devraient nous faire réfléchir : sur 96 109 ressortissants étrangers en situation irrégulière interpellés en 2009 en France métropolitaine, 85 101 ont fait l'objet d'une décision d'éloignement – à la suite d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, APRF, ou d'une obligation de quitter le territoire français, OQTF – et 29 288 seulement ont été effectivement reconduits dans leur pays d'origine, de manière volontaire – 8 268 – ou contrainte – 21 020. Le taux d'échec des décisions d'éloignement dépasse donc 75 %. Afin d'améliorer l'efficacité des procédures d'éloignement, le projet de loi s'inspire des conclusions du rapport de la commission présidée par Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, remis le 11 juillet 2008.
La première mesure visant à renforcer l'efficacité de nos procédures d'éloignement consiste à mieux articuler l'intervention du juge administratif et du juge judiciaire. En France, deux juges interviennent dans la procédure d'éloignement, en cas de placement en rétention : le juge administratif, doit être saisi dans les 48 heures, et dispose d'un délai de 72 heures pour se prononcer ; le juge judiciaire doit pour sa part être saisi et statuer dans un délai de 48 heures. Cette situation soulève d'importantes difficultés.
Comme le rapport Mazeaud l'a souligné, le délai de 48 heures imparti au juge judiciaire est trop court, et aboutit « à l'enchevêtrement des procédures judiciaire et administrative », cause d'insécurité juridique.
L'administration a une double tâche à remplir dans un délai extrêmement court, car elle doit conduire deux procédures juridictionnelles en parallèle – escorte, présentation, défense. L'étranger est transporté dans des délais très courts en plusieurs endroits différents. Surtout, les décisions juridictionnelles rendues peuvent être contradictoires : si le juge des libertés et de la détention – JLD – refuse la prolongation du maintien en rétention au-delà de 48 heures sur le fondement de l'illégalité de la mesure administrative de reconduite et remet ainsi le retenu en liberté, alors que le tribunal administratif, dans le délai de cinq jours, confirme la légalité de la mesure ; ou inversement, si le JLD autorise la prolongation du maintien en rétention au-delà de 48 heures, sur le fondement de la légalité de la mesure administrative de reconduite, mais que le tribunal administratif, intervenant après cinq jours de rétention, annule cette mesure.
Le rapport de la commission présidée par Pierre Mazeaud concluait ainsi que « la précipitation actuelle est excessive et nuit à la fois à la justice, dont elle mobilise abusivement les membres : juge, personnel de greffe, personnels de sécurité, à la mise en oeuvre de la politique des pouvoirs publics, dont les demandes sont examinées dans des conditions exécrables, et aux étrangers eux-mêmes qui, levés à l'aube, attendent interminablement dans les salles du TGI, sans confort et dans la promiscuité. »
Le projet de loi prévoit un délai de 48 heures pour saisir le juge administratif, puis un délai de 72 heures accordé au juge administratif pour statuer, puis un délai de 24 heures accordé au juge judiciaire pour statuer. Cet enchaînement résulte de plusieurs nécessités incontournables.
Le délai de 48 heures pour saisir le juge administratif est indispensable pour permettre à la personne placée en rétention et aux personnes qui l'assistent dans l'exercice de ses droits, de prendre connaissance de l'ensemble du dossier et de préparer la procédure contentieuse.
Les concertations avec les associations de magistrats administratifs et le Conseil d'État ont abouti à la fixation d'un délai de 72 heures, indispensable pour permettre au juge administratif de se prononcer sur la légalité des six décisions pouvant désormais viser la personne placée en rétention : décision de refus de titre de séjour, décision d'éloignement, décision de refus du délai de départ volontaire, décision fixant le pays de renvoi, décision d'interdiction de retour sur le territoire européen, décision de placement en rétention.
Le délai de cinq jours pour l'intervention du juge judiciaire, après celle du juge administratif, n'exprime aucune défiance à l'égard du juge judiciaire. Le juge administratif est le juge naturel de la légalité des décisions administratives. Le juge judiciaire doit statuer sur le maintien en rétention. Et le juge administratif n'est pas moins protecteur des libertés que le juge judiciaire. La Cour de Cassation a d'ailleurs jugé que seul le juge administratif pouvait connaître de la légalité de la décision administrative de placement en rétention, le JLD ne devant intervenir qu'au stade de la prolongation.
Ce délai ne réduit pas l'étendue du contrôle juridictionnel. Rien ne permet de présager de la jurisprudence de la juridiction administrative, notamment dans le cadre du référé liberté en cas « d'atteinte grave et manifestement illégale » à la liberté individuelle. Le référé liberté pourra être appliqué dans le cadre de cette procédure.
Surtout, ce délai ne porte pas atteinte à la possibilité, pour l'étranger en situation irrégulière visé par une mesure d'éloignement, de déposer un recours suspensif contre cette décision. Contrairement à ce qu'ont avancé des associations ou des élus, ce délai étant suspensif, on ne pourra pas profiter de ces cinq jours – je le dis solennellement devant votre Commission – pour recourir à la reconduite forcée de l'étranger sans que ce dernier ait pu faire valoir ses droits.
Enfin, ce délai répond à un objectif de valeur constitutionnelle : l'amélioration du fonctionnement de la justice. Il est proche de durées déjà validées par le Conseil constitutionnel, comme le délai de quatre jours de maintien en zone d'attente avant l'intervention du juge judiciaire, prévu par la loi du 20 novembre 2007.
La deuxième mesure visant à améliorer l'efficacité de nos procédures d'éloignement est l'allongement de la durée maximale de rétention administrative, afin de faciliter l'obtention des laissez-passer consulaires. Afin de permettre la délivrance du laissez-passer consulaire dans le délai nécessaire, le projet de loi porte la durée maximale de rétention administrative de 32 jours – soit 2 jours plus 30 jours, après une deuxième prolongation de 15 jours – à 45 jours – soit 5 jours plus 40 jours, après une deuxième prolongation de 20 jours. Un tel allongement est nécessaire, et même indispensable, pour faciliter la délivrance par les pays d'origine des laissez-passer consulaires. Il l'est également pour permettre la conclusion d'accords bilatéraux de réadmission. Ceux récemment conclus avec des pays sources d'immigration prévoient des délais de délivrance des laissez-passer consulaires proches de 30 jours. Or, ce délai court à partir de la présentation de la demande de laissez-passer, voire de la présentation de la personne devant le consulat, et n'intègre pas le délai inhérent à l'organisation matérielle de la reconduite.
Cet allongement est désormais nécessaire pour permettre la conclusion d'accords européens de réadmission, sachant que les négociations sont engagées depuis un an – pour un nombre croissant au niveau européen – avec de grands pays sources d'immigration de la France. Notre pays se trouve ainsi placé devant une contradiction entre sa volonté de favoriser la conclusion d'accords au niveau européen, et une durée de rétention très inférieure à celle des autres États membres de l'Union européenne. Le projet d'accord européen en cours de négociation avec la Turquie prévoit par exemple un délai de réponse aux demandes de réadmission de 25 jours, incompatible avec une durée maximale de rétention administrative de 32 jours. Le projet d'accord européen en cours de négociation avec le Vietnam s'oriente vers un délai de 30 jours, incompatible avec une durée maximale de rétention administrative de 32 jours.
J'appelle l'attention de votre Commission sur deux points majeurs : d'abord, cette durée restera très nettement inférieure à la durée maximale fixée par la directive communautaire, qui est de 6 mois, avec possibilité de 12 mois supplémentaires. De nombreux pays vont devoir passer de 12, 18 ou 24 mois, à six mois. Alors que la France, qui est le pays dont le délai de rétention administrative est le plus court, passera de 32 à 45 jours.
Ensuite, la France reste, et restera si le Parlement en décide ainsi, le pays européen dont la durée maximale de rétention est, de loin, la plus courte. Elle est aujourd'hui de 60 jours au Portugal et en Espagne de six mois aux Pays-Bas, en Autriche ou en Hongrie, de huit mois en Belgique, de 18 mois en Allemagne, de 24 mois en Suisse et illimitée au Royaume-Uni. L'écart de la France par rapport aux autres pays européens tend même à s'accroître. Deux partenaires essentiels de la France pour la lutte contre les filières d'immigration irrégulière, l'Espagne et l'Italie, ont récemment accru la durée maximale de rétention administrative : l'Espagne de 40 jours à 60 jours, par la loi du 11 décembre 2009 ; l'Italie de deux à six mois par la loi du 2 juillet 2009.
Une troisième mesure vise à améliorer l'efficacité de nos procédures d'éloignement : la création d'un dispositif d'urgence adapté aux afflux d'étrangers en situation irrégulière en dehors des points de passage frontaliers.
Le préfet pourra créer une zone d'attente temporaire, qui relie les lieux de découverte d'un groupe de migrants au point de passage frontalier, où sont normalement effectués les contrôles des personnes. Pour recourir à cette disposition, il sera nécessaire d'établir que le groupe d'étrangers contrôlés vient manifestement de franchir la frontière en dehors d'un point de contrôle.
L'affaire des 123 ressortissants kurdes – ou plutôt Syriens – arrivés sur les plages de Bonifacio le 22 janvier 2010 a une nouvelle fois révélé une faiblesse de notre législation, justement sanctionnée par les juges : lorsque de nombreux ressortissants étrangers se présentent à notre frontière en dehors de tout point de passage, les autorités judiciaires et administratives se trouvent – compte tenu de la difficulté à réunir, dans des délais suffisamment courts, interprètes, avocats et médecins – dans l'impossibilité, pour les premières, d'organiser l'interpellation et la garde à vue de ces personnes, et, pour les secondes, de les maintenir sous un quelconque régime de contrôle administratif. Ces personnes peuvent se retrouver libres à l'intérieur de l'espace Schengen. C'est ce qui s'est passé pour plusieurs d'entre elles. Le régime juridique applicable à la zone d'attente temporaire sera identique à celui de la zone d'attente permanente, créé par loi du 6 juillet 1992. Il ne s'agit donc pas d'une législation d'exception. Enfin, des mesures supplémentaires seront ajoutées. Le Gouvernement déposera trois amendements facilitant ces éloignements, y compris, dans certaines circonstances, lorsqu'ils concernent des ressortissants de l'Union européenne
Les ressortissants européens ne jouissent pas d'une liberté de séjour sans limite au sein de l'Union européenne – liberté de circulation ne signifie pas liberté d'installation. Des limites sont fixées par la directive communautaire du 29 avril 2004 : pour les séjours de moins de trois mois, ils ne doivent pas menacer l'ordre public ou constituer une charge déraisonnable pour notre système d'assistance sociale ; pour les séjours de plus de trois mois, ils doivent disposer d'un emploi ou de ressources suffisantes.
Un premier amendement vous sera proposé, qui permettra de sanctionner par une obligation de quitter le territoire français ceux qui abusent du droit au court séjour par des allers-retours successifs, afin de contourner les règles plus strictes du long séjour.
Un deuxième amendement permettra la reconduite dans leurs pays d'origine des personnes qui représentent une charge déraisonnable pour notre système d'assistance sociale.
Un troisième amendement élargira les possibilités de prendre des arrêtés de reconduite à la frontière pour menace à l'ordre public, à l'occasion d'actes répétés de vols ou de mendicité agressive.
Mesdames et messieurs les députés, avec ce projet de loi, nous contribuons à la mise en place d'une politique française d'immigration et d'intégration équilibrée, juste et ferme, assurant à la fois la maîtrise de l'immigration et l'intégration effective des migrants. Avec ce projet de loi, nous respectons les engagements souscrits par le Président de la République devant les Français, et l'une des priorités de l'action du Gouvernement.