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Intervention de Marcel Rogemont

Réunion du 9 septembre 2010 à 9h30
Réforme des retraites — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarcel Rogemont :

Il n'est pas innocent que le texte de loi que nous examinons commence par la création d'un comité Théodule, baptisé « comité de pilotage des régimes de retraite ». À la lecture des différents alinéas, nous décelons les intentions cachées dans la création de ce comité, certains mots cachant les maux à venir. Ainsi, il est indiqué, à l'alinéa 6, qu'une de ses missions sera de veiller « à l'équité du système de retraite ». Cette équité est-elle au rendez-vous alors que le passage de 60 à 62 ans touchera ceux qui auraient pu bénéficier d'une retraite à taux plein à 60 ans – et seulement eux –, et donc ceux qui ont commencé à travailler tôt ?

Est-elle au rendez-vous alors que le passage de 65 à 67 ans touchera les personnes – essentiellement des femmes – qui n'arrivent à avoir une retraite à taux plein qu'en atteignant l'âge légal de départ à la retraite ?

L'est-elle encore alors que le financement des 45 milliards de déficit se fera nécessairement, pour partie, par une diminution des prestations servies et que, contre toute vérité, vous annoncez le contraire ?

Ainsi, par exemple, l'alinéa 6 précise que le comité veille « à l'équité du système de retraite ». Mais peut-on parler d'équité lorsque le passage de 60 à 62 ans touchera ceux qui, ayant commencé à travailler tôt, auraient pu bénéficier d'une retraite à taux plein, et seulement eux ? Peut-on parler d'équité lorsque le passage de 65 à 67 ans touchera essentiellement les femmes qui ne peuvent bénéficier d'une retraite à taux plein que si elles partent à l'âge légal ? Peut-on parler d'équité lorsque le financement des 45 milliards de déficit se fera nécessairement pour partie par une diminution des prestations servies, même si, contre toute vérité, vous annoncez le contraire ?

L'alinéa 7 ne mérite pas moins de retenir notre attention. Il prévoit que le comité veille « au maintien d'un niveau de vie satisfaisant des retraités ». Ce que demandent les retraités, c'est le maintien de leur niveau de vie, celui qu'ils ont. Pour compenser l'article indéfini « un », vous apportez une précision avec l'adjectif « satisfaisant ». Mais qui déterminera ce qui est satisfaisant ? Certainement pas ceux qui toucheront les pensions.

Peut-on parler d'équité lorsque les efforts fiscaux nécessaires ne concerneront pas les bénéficiaires du bouclier fiscal ? Pascal Terrasse a raison de souligner qu'on ne peut traiter la question des retraites sans un effort financier de toute la nation. Certes, Pierre Méhaignerie a laissé entendre que demain, peut-être, on toucherait au bouclier fiscal. Demain ! Toujours demain ! Si l'on veut que cette réforme soit acceptée par les Français, il ne faut pas faire l'impasse sur cette dimension de justice morale.

Hier soir, avec une grande verve, notre collègue Paternotte a tenté de défendre les retraites par capitalisation. Je regrette qu'il n'ait pas lu le supplément « Économie » du Monde du 7 septembre 2010, qui montre que, en 2008, les fonds de pension ont baissé de 37,5 % en Irlande, de 26,2 % aux États-Unis, de 21,6 % en Belgique. Les retraites par capitalisation ne doivent fournir qu'un supplément, une part dont on n'a pas besoin pour vivre, car on ne peut pas risquer de perdre, d'une année sur l'autre, 30 % de ses revenus. En tout état de cause, cette réponse n'est pas adaptée, puisqu'elle ne peut concerner le plus grand nombre d'entre nous.

Par ailleurs, l'alinéa 10 prévoit que « le comité suit notamment les conditions » dans lesquelles s'effectue « le retour à l'équilibre des régimes de retraite à l'horizon 2018 ». Permettez-moi de vous interroger à ce propos, monsieur Woerth. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, nous a dit que, dans votre analyse, le retour éventuel à l'équilibre des régimes de retraite en 2018 se ferait en masse, c'est-à-dire en incluant les régimes complémentaires. Vous avez annoncé un rendez-vous en 2014 : devons-nous en conclure que vous n'écartez pas l'hypothèse de faire participer les régimes complémentaires au financement des régimes de base ? Ce serait ajouter la fragilisation des régimes complémentaires à celle des régimes de base. La confiance que nos concitoyens peuvent avoir dans leur régime complémentaire serait compromise. Monsieur le ministre, cette hypothèse sera-t-elle à l'ordre du jour en 2014 ?

Telles sont les réflexions que m'inspire ce comité Théodule, dont l'utilité principale est de tenter de masquer certaines des insuffisances de votre texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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