Monsieur le ministre, qu'ils aient manifesté ou pas, nombre de nos compatriotes ont le sentiment, à juste titre, de se retrouver sur le bas-côté : les carrières longues, les fonctionnaires parents de trois enfants, les victimes de la pénibilité, les seniors, les retraités agricoles. Dans le cortège de 6 000 personnes qui défilait dans ma ville de Montluçon, une ville moyenne de 40 000 habitants, il y avait des travailleurs et des retraités de l'agriculture. C'est inhabituel. Mais eux savent de quoi ils parlent s'agissant de la pénibilité et du niveau de retraite. Je souhaite par cet exemple attirer votre attention sur les retraités agricoles, peut-être les moins privilégiés de nos compatriotes en matière de retraite.
En effet, deux catégories ne bénéficient toujours pas du régime complémentaire de retraite obligatoire prévu par la loi de 2002 : les conjoints – souvent d'ailleurs des conjointes – et les aides familiaux. Ainsi, 1,8 million de retraités agricoles sont mis à l'écart de la solidarité nationale alors même que les mesures mises en place sous le gouvernement de Lionel Jospin avaient bénéficié à plus de 900 000 retraités agricoles, dont la pension avait augmenté de 29 % pour les chefs d'exploitation, de 45 % pour les veuves et de 79 % pour les conjoints et les aides familiaux. Les revalorisations sous les gouvernements suivants se sont avérées insuffisantes et partielles. Beaucoup de retraités sont soit écartés du dispositif, soit victimes des mécanismes de minoration. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 prévoyait l'instauration d'un montant minimum de retraite fixé à 633 euros par mois pour les agriculteurs et à 506 euros pour les conjoints, mais l'instauration du plafond de 750 euros par mois, toutes pensions confondues, est un critère pénalisant. Vous voyez que nous sommes bien loin des bénéficiaires des mesures fiscales de votre gouvernement. La loi portant réforme des retraites de 2003 avait pourtant fixé un montant minimum à 85 % du SMIC, c'est-à-dire 880 euros par mois, soit 130 euros de plus que le plafond de 750 euros. Nous restons donc en dessous du minimum prévu en 2003.
Concrètement, pour les quelque 20 500 retraités agricoles de mon département, voici ce qui va se passer : seuls 10 % auront une amélioration – imperceptible – de leur pension. Je pourrais vous épargner les chiffres tant ces augmentations sont ridicules : 10 euros, 20 euros, 50 euros selon les cas. Il est nécessaire de rétablir en leur faveur un équilibre – que dis-je ? – il est nécessaire de réparer une injustice. Il faut étendre le régime de retraite complémentaire obligatoire prévue par la loi de 2002.
Nous attendions de votre part de la responsabilité, vous nous proposez de la partialité ! En témoignent les amendements gouvernementaux improvisés à la hâte par l'Élysée hier pour laisser croire que vous avez entendu les messages de la rue. Faites en sorte qu'un vrai débat s'engage et que nous puissions confronter nos projets.
Nous reviendrons plus en détail, nous socialistes, lors de l'examen des amendements, sur nos propositions, qui ont été rendues publiques bien avant votre projet de loi (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), et sur notre vision d'une répartition plus équitable des efforts. Nous les transmettrons, s'il est voté, au comité de pilotage que vous instaurez dans cet article 1er, afin qu'il propose les mesures correctrices qui vont s'imposer pour assurer la pérennité financière et l'équité de notre système de retraite par répartition.