Tous ces amendements ont un même objet : faire en sorte que l'Assemblée nationale dégage un horizon et choisisse un marqueur pour l'évolution ultérieure de nos régimes de retraite. On l'a souvent rappelé depuis le début de cette discussion, nous sommes plusieurs à avoir vécu la réforme de 1993 et celle de 2003. Nous débattons aujourd'hui de celle de 2010. Ces réformes ont un point commun. En dépit des débats passionnés qu'elles ont suscités, aucune n'a été, aucune ne sera suffisante. Le texte que nous examinons aujourd'hui a beau assurer que l'équilibre sera atteint en 2018, je suis prêt à prendre le pari – le compte rendu en fera foi – qu'il n'y aura pas d'équilibre en 2018, car, pour l'instant, la réforme n'a pas les financements nécessaires.
Nous sommes plusieurs à défendre, depuis longtemps – pour ma part depuis le début des années 2000, lors de la campagne présidentielle de 2002, avant même celle de 2007 –, une proposition visant à faire évoluer nos régimes de retraite, si éclatés et déséquilibrés, vers un régime unique. Je constate que cette idée d'un régime de retraite universel qui, au début, était très minoritaire – Jean-Luc Préel ne dira pas le contraire –, est de plus en plus soutenue : elle l'est, par exemple, par la CFDT, par diverses personnalités au sein de l'UMP, par diverses personnalités au sein du PS. Thomas Piketty, en particulier, a dit sur le sujet des choses que je trouve très justes. Le ministre lui-même a déclaré ici que c'était la seule solution pour l'avenir. Cette idée qui est de plus en plus fédératrice mérite d'être retenue par la représentation nationale pour devenir un objectif de l'action publique.
J'ajoute – et Daniel Garrigue vient de le dire – que c'est la seule manière de permettre à chaque salarié, à chaque travailleur indépendant, à chaque agent de la fonction publique de prendre en mains son destin professionnel et son destin de retraite par une retraite à la carte. Ce régime unique, individualisé, qui offrirait à tous les salariés une information en temps réel, ce régime par points ou par comptes notionnels – je ne veux pas m'attarder sur les nuances entre les deux systèmes, mais les spécialistes les connaissent bien – serait géré par les partenaires sociaux, comme cela s'est fait dans un certain nombre de pays scandinaves ou latins, après un temps de latence à définir – dix ans en Suède, trente-sept ans en Italie, on peut imaginer entre les deux toute une gamme d'interventions possibles.
Si la représentation nationale retenait cette idée, si nous nous fixions un horizon pour mettre enfin en place un système durablement équilibré et souple, adapté à chacun des salariés ou des travailleurs, nous pourrions enfin sortir de ce perpétuel recommencement, qui fait que les réformes ne suffisent jamais et ne correspondent pas à la volonté de souplesse des Français.