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Intervention de Émile Blessig

Réunion du 7 septembre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Ouverture de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmile Blessig, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, parce qu'elle se veut équitable, la réforme des retraites s'applique à l'ensemble du monde du travail. Elle concerne donc le secteur privé comme le secteur public. Compte tenu de sa compétence en matière de fonction publique, la commission des lois s'est saisie pour avis des dispositions du projet de loi qui concernent les fonctionnaires.

Avant d'évoquer les ajustements apportés par la commission, je rappellerai l'essentiel de ces dispositions. Je conclurai en évoquant les questions qui restent posées et pour lesquelles un certain nombre d'évolutions ont déjà été annoncées.

En quoi la fonction publique est-elle touchée par la réforme des retraites ?

Les trois fonctions publiques, étatique, territoriale et hospitalière, sont évidemment concernées par le relèvement des deux principales bornes d'âge au même niveau que celles du secteur privé. D'une part, l'âge d'ouverture des droits à la retraite passera progressivement de 60 à 62 ans, d'autre part, la limite d'âge dans la fonction publique passera progressivement de 65 à 67 ans.

Il ne s'agit là que du cas général, celui de la fonction publique dite « sédentaire », par opposition aux catégories dites « actives ». Pour ces catégories actives, qui rassemblent environ 900 000 fonctionnaires, l'âge de départ varie aujourd'hui, selon les corps, de 50 ans, pour certains policiers par exemple, à 55 ans dans la plupart des autres cas, à la condition de justifier d'une durée minimale de services actifs, généralement de quinze années. L'ensemble de ces bornes d'âge et conditions de durée seront également décalées de deux années. Une exception sera faite, M. le secrétaire d'État l'a rappelé, pour les infirmières afin de tenir compte de leur cas très particulier.

La réforme des retraites s'applique également aux militaires, dont les durées de services et les limites d'âge seront progressivement relevées de deux années.

Le projet de réforme ne remet donc pas en cause les spécificités de la fonction publique ni même les spécificités au sein de la fonction publique : avec le relèvement de deux années, tout le monde évoluera de la même façon mais chacun conservera les particularités de son statut. L'absence de réforme des catégories actives peut même être vue comme le corollaire de l'absence d'application à la fonction publique des dispositions relatives à la pénibilité contenues dans le titre IV du projet de loi.

Du point de vue financier, ce décalage de deux années des différentes bornes d'âge dans la fonction publique est absolument nécessaire compte tenu du poids du secteur public dans notre système de retraite. Ainsi, les dépenses de pensions des trois fonctions publiques représentent près du quart des dépenses de pensions de l'ensemble des régimes, soit 56 milliards d'euros sur environ 250 milliards d'euros.

Au-delà du relèvement des différentes bornes d'âge, la réforme des retraites vise également à rapprocher la fonction publique du régime général.

Quatre dispositions vont dans ce sens.

Premièrement, le dispositif, similaire au secteur privé, de départ anticipé pour carrières longues est prolongé.

Deuxièmement, le taux de cotisation des fonctionnaires sera progressivement aligné sur celui du secteur privé. Actuellement fixé à 7,85 %, ce taux de retenue pour pension sera progressivement porté, en dix ans, à 10,55 %, comme dans le régime général. Je rappelle toutefois que les assiettes ne sont pas comparables. En effet, dans le secteur privé, les cotisations portent sur l'ensemble du salaire brut, alors que, dans la fonction publique, elles ne portent que sur le traitement indiciaire brut.

Troisièmement, les règles d'attribution du minimum garanti sont réformées : désormais, l'âge de départ à la retraite et la durée de services seront pris en compte. Il s'agit d'encourager le maintien en activité et de se rapprocher des règles régissant le minimum contributif dans le régime général. En revanche, le montant du minimum garanti restera financièrement plus intéressant que dans le secteur privé.

Quatrièmement, la possibilité de départ anticipé pour les fonctionnaires ayant élevé trois enfants et effectué quinze années de services effectifs est supprimée. Ce dispositif apparaît en effet comme une source d'iniquités, non seulement entre le privé et le public, mais aussi entre fonctionnaires appartenant à une même génération.

Au total, l'ensemble des mesures du projet de loi concernant la fonction publique devrait contribuer au retour à l'équilibre de l'ensemble de notre système de retraite, en 2018, à hauteur de 7 milliards d'euros, dont environ 3 milliards grâce aux mesures d'âge et 4 milliards du fait du rapprochement des règles entre public et privé.

J'en viens maintenant à mon deuxième point, qui consiste à rendre compte des travaux de la commission des lois.

Je rappelle que celle-ci s'est saisie pour avis de ce texte le 7 juillet dernier et, après avoir auditionné MM. Éric Woerth et Georges Tron, elle l'a examiné le 20 juillet.

Je précise que ce projet de loi ordinaire est complété par un projet de loi organique déclinant les principes de la réforme aux magistrats de l'ordre judiciaire. Parce qu'il a un caractère organique, ce texte a, quant à lui, été renvoyé à la commission des lois, saisie au fond, qui l'a également examiné le 20 juillet dernier. Il sera discuté en séance publique, à la suite du projet de loi ordinaire dont nous commençons l'examen aujourd'hui.

Sur le fond, la commission des lois a approuvé cette réforme des retraites et a entendu en respecter l'équilibre général. C'est pourquoi les amendements qu'elle a adoptés à mon initiative sont essentiellement techniques et consistent en des précisions, corrections et autres coordinations.

Neuf amendements ont ainsi été adoptés par la commission des lois, dont huit ont ensuite été intégrés au texte de la commission des affaires sociales. Je signale en particulier deux amendements : l'un introduit un article 20 bis clarifiant les différentes limites d'âge applicables aux militaires ; l'autre, à l'article 9, garantit que les âges de départ anticipé des fonctionnaires handicapés actuellement en vigueur ne seront pas remis en cause. Ils seront toujours calculés par rapport à un âge de référence de 60 ans, et non de 62 ans.

La commission des lois avait par ailleurs adopté, à mon initiative, un amendement d'appel destiné à attirer l'attention du Gouvernement sur la situation des titulaires sans droit à pension dans la fonction publique. En commission des affaires sociales, j'ai retiré cet amendement, en raison de l'engagement pris par le Gouvernement de traiter cette question par voie d'amendement, en septembre. Nous y sommes.

D'où mon troisième et dernier point : quelles sont les questions qui, à mon sens, méritent de trouver réponse lors de la discussion du projet de loi en séance publique ?

Je me bornerai à en signaler trois.

Tout d'abord, je viens de l'évoquer, la question des titulaires sans droit à pension de la fonction publique. Cette question s'inscrit dans celle, plus large, des polypensionnés. Lorsqu'ils n'ont pas accompli les quinze années de services effectifs exigées par le code des pensions civiles et militaires de retraite, les fonctionnaires civils et les militaires sont rétroactivement affiliés au régime général et à l'IRCANTEC, au terme d'une procédure complexe, mal comprise par les agents et souvent coûteuse. Les appels de cotisations complémentaires, liés aux écarts d'assiette et de taux de cotisation d'un régime à l'autre, peuvent en effet se montrer très onéreux pour les agents.

Le Gouvernement s'est engagé à apporter des réponses à ces difficultés. L'une d'entre elles consisterait à abaisser la condition de quinze années de services, ce qu'un parlementaire ne peut proposer sans contrevenir à l'irrecevabilité financière de l'article 40 de la Constitution. Cette mesure augmenterait le nombre d'affiliés au régime de la fonction publique, mais allégerait d'autant les autres régimes.

Deuxième question qui demeure posée, celle des militaires non-officiers. Le projet de loi fait passer leur durée minimale de services, qui leur permet de bénéficier immédiatement d'une pension, de quinze ans à dix-sept ans. Ce relèvement sera progressif. Il pose cependant le problème des non-officiers dont la durée effective de services serait inférieure à dix-sept ans mais supérieure à quinze ans. D'un côté, cette durée inférieure à la nouvelle exigence de dix-sept ans les priverait d'une pension militaire ; de l'autre, le code des pensions civiles et militaires de retraite continue à ouvrir droit à une pension à tout fonctionnaire, qu'il soit civil ou militaire, ayant accompli quinze ans de services.

Par conséquent, pour éviter que ne se crée une nouvelle « source » de titulaires sans droit, il conviendrait que le Gouvernement propose une disposition spécifique pour ces militaires non-officiers dont la durée de services est comprise entre quinze et dix-sept ans. Il suffirait de s'inspirer de ce que prévoit le projet de loi pour les officiers. Pour ces derniers, l'article 9 du projet dispose que lorsque la durée minimale de services, portée de vingt-cinq à vingt-sept ans, n'est pas atteinte, le droit à pension est malgré tout ouvert lorsqu'ils atteignent l'âge de 52 ans. Il existe ainsi un filet de sécurité, constitué par l'atteinte d'un âge déterminé, pour ceux qui ne satisfont pas à la condition de durée.

Enfin, troisième question qui mérite réflexion : les carrières longues. Il serait souhaitable que le Gouvernement apporte des réponses à ces catégories, par exemple en élargissant le dispositif de départ anticipé pour carrières longues, soit en relevant davantage l'âge à partir duquel le salarié ou le fonctionnaire a commencé à travailler, soit en assouplissant les conditions de durée de cotisation.

Tels sont les principaux éléments que je souhaitais porter à la connaissance de l'Assemblée, suite aux travaux de la commission des lois. J'espère que la discussion qui s'ouvre aujourd'hui sera l'occasion d'enrichir cette réforme des retraites et je vous invite, mes chers collègues, à adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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