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Intervention de Suzanne Mathieu

Réunion du 1er septembre 2010 à 14h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Suzanne Mathieu :

En matière de renvois, les choses se passent en effet de cette façon – même si certains sont quelque peu erratiques, s'agissant notamment des motivations. La jurisprudence de la Cour de cassation est en tout cas parfaitement cohérente : elle ne saisit pas dès lors qu'une menace pèse sur son rôle d'interprétation, mais, paradoxalement, elle le fait – comme sur la question de l'adoption d'enfants par les couples homosexuels – alors qu'il n'existe quasiment aucun risque de déclaration d'inconstitutionnalité, simplement pour faire évoluer la loi dans le sens de sa jurisprudence. Je ne me prononce pas sur cette politique de saisine, mais celle-ci n'est pas uniquement fondée sur le caractère sérieux de la demande.

Pour ce qui est de l'attitude du Conseil d'État, une évolution est en effet possible. En tout état de cause, la vertu essentielle de l'appel est réelle sur un plan stratégique, en ce sens que sa création serait un véritable coup de tonnerre dans le système juridictionnel français. Quant au droit du justiciable, il est incontestable que la procédure d'appel le renforce en créant une sécurité juridique. Même si la Cour de cassation et le Conseil d'État sont de bonne volonté, un jour ou l'autre un requérant qui aura essuyé un refus de la part de la Cour de cassation, par exemple, de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité, pourra très bien voir la loi en question censurée par le Conseil constitutionnel après qu'il aura posé la même QPC devant le Conseil d'État quelques années plus tard. Sans le filtre de la Cour de cassation et du Conseil d'État, le problème serait moins apparent, mais sur le plan de la technique juridique, l'appel me semble une excellente chose.

Les deux arguments qui, dans mon esprit, ne sont pas dirimants sont les suivants : d'une part, la procédure d'appel pose une question de constitutionnalité puisqu'elle va à l'encontre de la lettre de l'article 61-1 – mais il est toujours possible de réformer cet article ; d'autre part, il est possible que nous assistions à une rébellion de la part de la Cour de cassation.

Si j'ai utilisé l'image du lit de justice, c'est que la Cour joue finalement le rôle d'un Parlement d'Ancien régime. Mais même si je la conteste, sa jurisprudence est cohérente puisqu'elle repose sur le principe selon lequel elle a le monopole d'interprétation de la loi.

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