Il va sans dire que le débat a également des connotations politiques, mais je me garderai d'entrer sur ce terrain.
Il est incontestable que le droit d'évocation d'une juridiction et le droit d'appel d'une partie répondent à deux philosophies totalement différentes. Le premier renvoie au système des juridictions anglo-saxonnes – que l'on parle de la toute récente juridiction suprême du Royaume-Uni ou de la Cour suprême des États-Unis. Les Anglo-saxons emploient, pour désigner une telle procédure, l'expression cherrypicking : on choisit une cerise et on la croque. Lors d'un débat sur le fonctionnement des cours suprêmes, j'ai été frappé de constater que parmi les conditions de recevabilité d'un « pourvoi » au Royaume-Uni, il y avait l'opportunité pour le juge de juger au moment où le problème se pose. Autrement dit, même si toutes les autres conditions juridiques sont réunies, le juge peut renoncer à trancher un problème s'il a le sentiment que le moment n'est pas favorable. C'est une philosophie totalement différente de la nôtre et cela ne manque pas d'avoir des effets sur la juridiction titulaire du pouvoir d'évocation. C'est pourquoi il vaudrait mieux se montrer plus modestes et, au risque de générer un contentieux supplémentaire – mais les avocats sont là pour l'empêcher : l'effet mécanique de toute intervention d'un conseil professionnel auprès d'une partie est de dissuader les recours fantaisistes –, opter plutôt pour un mécanisme d'appel, qui répondrait mieux à la logique de notre système. Même si la question prioritaire de constitutionnalité est un procès particulier, elle reste, au moins au départ, la chose des parties engagées dans l'instance.