Je précise que j'ai été rapporteur adjoint auprès du Conseil constitutionnel… Je me bornerai à remarquer qu'il existe deux juges de l'élection en France : le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel. Qu'ils aient des pratiques différentes suffit à faire problème ! Peut-être la jurisprudence du Conseil constitutionnel en la matière sera-t-elle appelée à évoluer.
Vous évoquez les prélèvements sur recettes, monsieur de Courson, mais on pourrait aussi parler de la reprise de dette ! Sur ces questions, je pourrais me targuer d'apporter ma connaissance technique – même si le Conseil constitutionnel a déjà fait beaucoup de progrès en ce domaine, comme cela a été noté à propos du principe de sincérité budgétaire.
S'agissant de la question prioritaire de constitutionnalité, j'avoue avoir davantage étudié la procédure depuis que M. Accoyer m'a fait l'honneur de me désigner – même si je m'y étais déjà intéressée en tant que citoyenne et membre de la Cour des comptes, devant laquelle une QPC peut être soulevée.
Tout d'abord, la révision constitutionnelle et la loi organique ne remettent pas en cause l'existence de deux cours suprêmes dans notre organisation juridique, ce qui apporte un premier élément de réponse à votre question, monsieur Urvoas.
Par ailleurs, il faut prendre en considération le fait que les questions d'ordre juridique et de droit constitutionnel ne sont pas encore très familières aux tribunaux, surtout judiciaires. Il convient de donner du temps au temps. L'important, c'est que l'on ne mette pas un frein à certaines questions, qui pourraient ne jamais aboutir au Conseil constitutionnel, auquel cas le constituant et le législateur organique seraient en droit de s'interroger sur le rôle des cours suprêmes.
En tant que citoyenne, je suis convaincue qu'il s'agit d'un développement extrêmement important de notre démocratie. Cette question, qui était en discussion depuis de nombreuses années, a été tranchée d'une manière très respectueuse de la spécialisation des juges et de l'ordre juridique. Je n'ai pas examiné le bilan des trois premiers mois d'application, mais je pense que, sur ce sujet, il convient d'être ouvert et pragmatique.
Les questions prioritaires de constitutionnalité vont transformer le rôle du Conseil et l'amener à réviser son appréciation de la constitutionnalité des lois au titre de l'article 61, mais il existe un domaine dans lequel le contrôle a priori sera toujours légitime : c'est l'équilibre des pouvoirs. Cela dit, ce sont les parlementaires qui ont la clé !
Il arrive que les textes ne soient pas très lisibles et comportent des expressions compliquées. On peut cependant jouer sur les réserves interprétatives. Quant à l'interprétation de l'ensemble des textes, chacun doit essayer de lui donner la portée la plus juste, tout en respectant la volonté, d'une part du constituant, d'autre part du législateur. Il existe quand même des référentiels importants ; même si les textes fondamentaux peuvent être contradictoires, la Constitution et le bloc de constitutionnalité correspondent à la tentative, à un moment donné, de faire émerger et respecter ce que l'on peut appeler, un peu pompeusement, le « vivre ensemble » – quitte à l'exprimer par la suite de manière un peu divergente.
S'agissant de la transparence, on peut en effet envisager que le Conseil constitutionnel évolue ; la pratique des auditions a d'ailleurs ouvert une voie. Je ne me prononcerai pas sur les autres solutions possibles, mais autant je ne suis pas favorable aux opinions dissidentes, autant la discussion elle-même me paraît importante, ne serait-ce que pour apprécier la solution trouvée au regard des arguments échangés. Toutefois, je ne peux aujourd'hui exprimer autre chose qu'une opinion personnelle très prudente.
En matière de parité et d'égalité, le rôle du Conseil est d'appliquer les textes ; sur la parité, il a suivi l'évolution de la Constitution. Quant au « mérite républicain », à titre personnel, je ne pense pas être un exemple de la reproduction des élites ; j'ai eu la chance d'être issue d'une famille particulièrement attentive à la formation, qui a poussé chacun d'entre nous à exprimer sa personnalité propre, sans jamais faire de différences entre les filles et les garçons, et j'ai bénéficié du système de l'Éducation nationale.
La discrimination positive est une question compliquée. Prenons l'exemple des femmes : la première fois que l'on m'a proposé un poste – en l'occurrence, la présidence d'un jury – en me disant que c'était important parce que j'étais une femme, cela m'a fait un drôle d'effet ! Que l'on vous facilite les choses, c'est bien, mais le risque, c'est qu'à un moment donné, vous ne soyez plus là en raison de vos mérites propres, mais d'une caractéristique personnelle ; du coup, vous risquez d'être contestée, et cela devient de la discrimination à rebours. En même temps, il n'est pas acceptable que l'on refuse leur chance à des individus en raison de leurs caractéristiques personnelles. Bref, je reste très prudente sur la discrimination positive, et je ne suis pas sûre d'avoir une position de principe sur la question.
Quant à la Cour de justice pour les ministres, je n'y ai pas vraiment réfléchi.