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Intervention de Claire Bazy-Malaurie

Réunion du 31 août 2010 à 15h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Claire Bazy-Malaurie :

En effet.

Vous avez raison, monsieur Urvoas, le Conseil constitutionnel est devenu une juridiction dont pourra dépendre le sort d'une instance introduite devant les tribunaux de tous ordres.

Pour le reste, la rédaction des jugements est un art difficile, je parle d'expérience, ayant été moi-même amenée à rédiger certains arrêts, pourtant simples. Il faut à la fois être complet, bref, précis et clair, alors même que l'on ne peut s'abstraire de la langue juridique, si spécifique. Le Conseil constitutionnel a déjà fait beaucoup de progrès pour la rédaction de ses arrêts concernant la constitutionnalité des lois. Espérons qu'il fera aussi bien s'agissant de la question prioritaire de constitutionnalité. Il importe en effet, l'autorité de la chose jugée s'imposant à tous, que ses décisions et commentaires soient parfaitement clairs et compréhensibles de tous. Mais force est aussi de reconnaître qu'il aura à se prononcer sur des textes de loi ardus, parfois eux-mêmes difficilement compréhensibles.

Le Conseil constitutionnel doit-il se mêler des sujets techniques et de société ? Il ne peut en tout cas pas les ignorer. Il a d'ailleurs traité par le passé de bioéthique, de la protection des données personnelles dans la société de l'information… Comme il lui est souvent demandé d'intervenir rapidement, peut-être suffirait-il qu'il s'organise pour être davantage à l'écoute, entendre les différents points de vue et mieux intégrer ces questions concrètes. Il ne peut pas être indifférent à ces évolutions. Doit-il intervenir ? Tout dépend de la question qui lui est en l'espèce posée.

J'en viens aux relations entre le Conseil constitutionnel et la Cour des comptes. Celle-ci intègre bien entendu les décisions de celui-là dans sa réflexion mais leur objet d'étude n'est pas le même. Sur de nombreux points, leurs analyses divergent, ou plutôt leur angle de vue diffère. Prenons un exemple. Le Conseil constitutionnel veille au respect du principe d'égalité devant l'impôt. La Cour, elle, ne considère pas le principe général, mais elle a souligné à plusieurs reprises que la gestion des bases cadastrales conduisait à des inégalités devant l'impôt local. A ce jour en tout cas, aucune décision du Conseil constitutionnel n'a été directement opposable à la Cour, y compris dans son travail.

La décision sur la loi de règlement pour 2009, qui a suscité beaucoup de commentaires, nous a paru très rationnelle dans son principe même, disant en gros « à chacun son travail ». La Cour des comptes analyse, contrôle, rend son avis sur la comptabilité budgétaire et patrimoniale ; le Parlement vote la loi de règlement, tirant éventuellement les conséquences des observations de la Cour ; le Conseil constitutionnel examine la procédure et les données objectives, sans se substituer ni à la Cour ni au Parlement. Il faut toutefois reconnaître que si ce principe est simple, sa déclinaison l'est beaucoup moins et a pu varier dans le temps.

La question de la sincérité budgétaire est d'autant plus délicate que tout budget comporte deux dimensions. C'est à la fois une autorisation de dépenses et une prévision. Selon que l'on attache plus ou moins d'importance à l'une ou l'autre, l'appréciation portée sur la sincérité peut différer. Le problème s'est encore compliqué avec l'alinéa 2 de l'article 47-2 de la Constitution qui a introduit la notion de « sincérité des comptes », différente de celle de sincérité budgétaire.

La Cour des comptes a, de manière récurrente, dans ses rapports annuels aussi bien sur l'exécution budgétaire que sur la situation des finances publiques, dénoncé le fait que les dotations de certains programmes et missions en loi de finances initiale n'étaient cohérentes ni avec celles des années précédentes ni avec les tendances observées, surtout quand en loi de finances rectificative ou à l'occasion de décrets d'avance des crédits supplémentaires ont déjà dû être inscrits. Mais un budget est aussi un acte politique, je le sais d'expérience, ayant eu, dans l'administration à élaborer et négocier celui de certains organismes. C'est l'expression d'une volonté que les dépenses n'excèdent pas un certain montant.

Un autre problème est celui de la prévision économique. La Cour a souvent relevé qu'il y avait eu loin des prévisions budgétaires à la réalité, notamment en matière fiscale. Mais il est très difficile d'évaluer les recettes fiscales, et le fait est qu'on s'est souvent trompé, en plus ou en moins. La prudence est donc de mise. Pour ce qui est des dépenses et de l'équilibre général du budget, de l'État comme de la Sécurité sociale, c'est encore plus compliqué. Il n'existe même pas de consensus entre économistes. Peut-être faudrait-il être plus transparent quant aux données macro-économiques sur lesquelles sont établis les équilibres budgétaires. Il faut manier tous ces principes avec précaution. La position de la Cour des comptes, qui intervient plutôt a posteriori, à partir d'éléments d'information très concrets, est moins difficile que celle du Conseil constitutionnel qui doit se prononcer par rapport à une norme juridique. La réflexion en cours sur la régulation de l'ensemble de nos finances publiques – État, Sécurité sociale, voire collectivités territoriales –, doit en tout cas viser à ce que, comme le souhaite le Parlement, on dispose d'informations plus complètes sur l'ensemble des paramètres.

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