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Intervention de Jean-Pierre Jouyet

Réunion du 13 juillet 2010 à 11h00
Commission des affaires étrangères

Jean-Pierre Jouyet :

Mais comment y arriver ? Quel serait l'effet sur les taux d'intérêt ? Et qui paierait ?

J'en viens à la hiérarchie des places financières. Celle de Londres est aujourd'hui la plus importante, avant celle de Paris, puis celle de Francfort. Chacune d'entre elles a ses atouts. La place de Londres se distingue ainsi par le volume des transactions réalisées, par ses fonds, ainsi que par son activité financière et ses marchés. L'atout de la place de Paris réside plutôt dans ses émetteurs : la moitié des grandes capitalisations boursières européennes sont françaises. C'est un atout qui n'est pas assez mis en avant, ni assez valorisé – c'est pourquoi nous essayons de faire en sorte que les grands émetteurs se remettent à emprunter et à se refinancer à Paris. La place de Paris bénéficie également d'une des industries de gestion d'investissements et de portefeuilles les plus actives d'Europe, voire de la plus active d'entre elles. L'avantage de la place de Francfort résulte dans son assez bonne organisation des marchés, des chambres de compensation et de la centralisation : le système en silo retenu par Francfort est un atout en matière de financement.

Pour le moment, l'incidence de l'élection de M. Cameron est assez neutre. Le nouveau Premier ministre britannique n'a pas poussé les choses depuis deux mois, mais il ne les a pas non plus bloquées. Le Royaume-Uni a adopté au G20 de Toronto une position peu habituelle pour les Britanniques en matière de taxation. Cela étant, il faut se souvenir de l'engagement pris par M. Cameron, pendant la campagne électorale, de refuser tout nouveau transfert de souveraineté vers l'Union européenne. Reste à savoir si les Britanniques considéreront que la création de nouvelles agences, dont le Conseil va débattre cette semaine, constitue un transfert de souveraineté ou bien une simple question d'organisation pratique. Dans la première hypothèse, la régulation financière est mal partie au plan européen, à moins de mettre le Royaume-Uni en minorité au Conseil, ce qui risque de ne pas être facile sur un tel sujet.

Vous avez entièrement raison, monsieur Dupré, sur la nécessité de créer une autorité bancaire européenne dotée de véritables pouvoirs. Son action ne devrait pas se limiter à faire circuler l'information entre les régulateurs.

Quant aux agences de notation, l'AMF vient de publier un rapport assez dur à leur sujet. Cela étant, il faut être conscient que tout le monde a recours à leurs services, aussi bien la BCE que les investisseurs et les banques pour la vente de produits financiers par l'intermédiaire des sociétés de gestion de portefeuilles. Les Allemands ont, en outre, exigé que l'on fasse appel aux agences de notation dans le cadre du FESF. Les entreprises font, par ailleurs, de même lorsqu'elles se prêtent mutuellement de l'argent, tandis que les régulateurs, dont l'AFM, agréent les SICAV en fonction de leur notation. Notre état de dépendance à l'égard des agences de notation est tel qu'une véritable désintoxication est nécessaire. Pour cela, il faut s'interroger sur les méthodes employées : il est inadmissible que les agences de notation interviennent pendant qu'un État adjuge des titres publics – c'est un abus de marché qui pourrait faire l'objet de sanctions.

Nous pourrions utilement nous inspirer de l'Allemagne pour le rôle joué par leurs PME dans la croissance, l'emploi et le maintien de l'activité. Les résultats des grands groupes se redressent, ce qui explique la situation actuelle des marchés, mais le problème est que l'activité de ces groupes s'internationalise. Ce sont donc les PME qui maintiennent l'activité et l'emploi sur le territoire national. Pour cela, elles doivent grossir et construire des réseaux – c'est la grande force des PME allemandes.

Si les banques prêtent moins aujourd'hui, c'est d'abord parce que nous passons de plus en plus d'un mode de financement par le crédit à un mode de financement par les marchés. La part du financement reposant sur le crédit était de 80 % en Europe – contre un taux de 80 % pour le financement par les marchés aux États-Unis –, mais il tend aujourd'hui à se réduire chez nous. Une seconde raison est que les règles prudentielles et comptables n'incitent aucunement les banques à prêter aux entreprises, a fortiori aux PME. C'est une autre grave erreur de régulation qu'il faudrait corriger au plan européen : nous devons inciter davantage les banques à prêter aux PME, tout en incitant ces dernières à se financer davantage sur les marchés. Les toute petites PME doivent en rester à un mode de financement traditionnel, mais on pourrait spécialiser les procédures pour amener les autres PME sur des marchés spécialisés. Il faudrait que les directions de la Commission en charge des marchés financiers et des entreprises prennent la question à bras le corps : il est urgent d'adopter un plan de financement des PME au plan européen.

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