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Intervention de Jean-Claude Viollet

Réunion du 7 juillet 2010 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Viollet, médiateur des relations inter-entreprises industrielles et de la sous-traitance :

Vous m'avez posé de nombreuses questions, qui ne relèvent pas toutes de ma compétence.

Avant tout, je dois faire attention à ne pas effaroucher les donneurs d'ordres, car rien n'empêche une société d'accélérer sa démarche de délocalisation et de passer des commandes à l'étranger. Ma position est médiane : je recherche non pas le maximum, mais l'optimum ! Je ne suis ni juge, ni avocat, ni « flic » : je suis médiateur, c'est-à-dire que j'amène les gens à se rencontrer autour d'une table pour rechercher des solutions. À cet égard, nous avons déjà quelques très beaux succès à notre actif. Mais nous devons être bien d'accord sur le rôle d'un médiateur. Pour effectuer des contrôles inopinés, il existe déjà une administration, la DGCCRF, avec laquelle je peux d'ailleurs être conduit à avoir des contacts. Mais je perdrais toute crédibilité si j'essayais de sortir de mon rôle de médiateur.

Lorsque j'assistais René Ricol, l'ancien médiateur du crédit, nous tentions de faire comprendre aux banques que le succès de chaque médiation était aussi un succès pour les banquiers. Il en est de même aujourd'hui : lorsqu'une de nos médiations a une issue positive, il s'agit aussi d'un succès pour les entreprises qui acceptent de modifier leurs comportements. J'ai pris pour devise l'expression latine « primum non nocere » : « d'abord, ne pas nuire ». Nous devons améliorer les choses, mais surtout éviter de nuire par des actions qui ne respecteraient pas l'esprit de la médiation.

Vous avez souligné les dangers liés à la stratégie du fournisseur unique, au nom de laquelle des fournisseurs sont abandonnés du jour au lendemain par certains clients. Les grandes entreprises emploient pour désigner cette pratique une expression abominable, la « massification ». Or tous les spécialistes la déconseillent, car elle conduit à des erreurs d'achat. Non seulement elle tue des entreprises, mais elle nuit à l'acheteur, qui réduit ainsi ses possibilités de consulter un tiers sur des problèmes techniques ou sur les prix. C'est une façon de couper la branche sur laquelle on est assis. Je m'exprime donc sur le sujet dès que j'en ai l'occasion : c'est un aspect de la dimension pédagogique de mon action.

Je pratique également la médiation de terrain, et la région Rhône-Alpes, madame Fioraso, est justement la première que j'ai visitée. Nous y avons nommé très rapidement des médiateurs, l'un à Grenoble, l'autre à Lyon. J'effectue régulièrement un tour de France, région par région. Je me rends également dans des bassins industriels spécifiques, comme celui qui entoure l'usine de Bure. La pédagogie est donc un aspect essentiel de mon action.

De même, la stratégie est très importante pour nos entrepreneurs, même lorsqu'ils sont spécialisés. Jusqu'à l'année dernière, j'étais moi-même professeur de stratégie à l'Université de Paris IV-Sorbonne, en master 2. Je l'ai enseignée pendant des années, et elle est déterminante dans ma vie d'entrepreneur.

Si vous demandez à dix patrons de PME – y compris des dirigeants d'entreprises de 200 salariés – s'ils ont une stratégie, tous vous répondront par l'affirmative. Mais, en les interrogeant plus précisément, on s'aperçoit vite qu'en réalité huit patrons sur dix ne savent pas ce qu'est une stratégie. Là réside le gros problème des PME, et c'est ce qui explique que trop peu d'entre elles parviennent à se développer et à passer à l'état d'ETI. Il est pourtant essentiel de définir une stratégie réfléchie, adaptée au marché, de façon à devenir le meilleur sur un créneau d'activités précis.

Dans ce domaine, le slogan à la mode dans les années 1980, selon lequel « il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier », était une belle bêtise ! La compétition mondiale est si aiguë que l'on est condamné, aujourd'hui, à devenir très fort sur son créneau. C'est pourquoi je passe mon temps à conseiller des industriels en matière d'analyse stratégique, comme je le faisais déjà à la médiation du crédit.

Un député m'a suggéré d'accroître la communication du médiateur. Je ne me force pas à communiquer dans la presse généraliste, mais je suis très présent dans la presse spécialisée, celle qui est lue par le monde industriel – Le Moniteur des travaux publics, Usine nouvelle, la Lettre de l'acheteur. J'ai même négocié l'ouverture d'une rubrique spéciale du médiateur dans Usine nouvelle ! De toute façon, avant d'attaquer en force les opérations de communication, il était nécessaire de nommer tous les médiateurs régionaux. Ceux-ci sont une petite trentaine, et rassurez-vous, madame Fioraso, ils ont été soigneusement sélectionnés : leur profil est celui de l'ingénieur des mines, autrefois rattaché aux directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) et faisant désormais partie des pôles économiques des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). Ils connaissent donc très bien le territoire. En outre, appartenant généralement à la catégorie des seniors, ils ont, avec les gens, des relations apaisées, ce qui est essentiel pour faire de la bonne médiation. Enfin, ils ont eux-mêmes la possibilité de communiquer sur leur territoire via les syndicats professionnels.

J'en viens au problème de la trésorerie des entreprises et à la création de fonds départementaux. Même elle ne fait pas partie de mes attributions, j'ai une vraie passion pour la question : je suis membre du conseil de France Investissement, j'ai créé avec René Ricol le Fonds de consolidation et de développement des entreprises, et j'ai contribué au montage de fonds régionaux destinés à intervenir auprès des petites PME.

Contrairement à ce que l'on prétend, le FSI a une vraie action en direction des PME, grâce à France Investissement, dont on oublie trop souvent l'existence. Cette structure a pourtant déjà injecté 2 milliards d'euros, et doit investir encore 1 milliard supplémentaire. Ses ressources proviennent pour deux tiers de l'État, et pour un tiers d'investisseurs privés. Il est vrai que la réforme Solvency II tend à tarir les ressources issues du monde de l'assurance, mais nous allons trouver une solution à ce problème. Quoi qu'il en soit, le montant moyen des apports de France Investissement est inférieur à 2 millions d'euros : ce dispositif bénéficie donc essentiellement à des PMI et à des ETI, voire à de très petites entreprises. Mais le FSI communique mal : quand on lui reproche de négliger les petites entreprises, il oublie de rappeler que France Investissement constitue un vrai outil d'investissement en direction des PME.

Dans les régions, des plateformes d'accompagnement des PME ont été mises en place par Oséo et la Caisse des dépôts et consignations afin d'accueillir tous les fonds et investisseurs régionaux ou départementaux – pour ma part, je préfère l'échelon régional. De telles initiatives doivent être préférées aux fonds régionaux à caractère politique qui, dans les années 1980, pratiquaient l'action sociale en direction des entreprises, entraînant ainsi la faillite de fonds et caisses de garantie entiers. Pour ma part, je prône une vraie politique d'investissement, de soutien et de développement local. C'est ainsi que des fonds ont été créés en Franche-Comté, dans le Puy-de-Dôme, en Lorraine, en Champagne-Ardenne, dans les Pays de la Loire, avec un fort soutien de la part des politiques, ce dont je me réjouis.

Nous sommes toujours prêts à aider à la constitution de fonds d'investissements de ce type, mais il faut prendre garde à ce qu'ils ne soient pas concentrés sur un seul métier. En effet, si ce métier est en crise, tout le système s'écroule. Il est vrai qu'il existe des fonds très spécialisés, comme Aerofund I et II dans le secteur aéronautique. Mais, par exemple, un fonds de soutien et de développement du décolletage en Savoie serait bien fragile. Or nous avons aussi des devoirs envers les investisseurs, qui apprécient de retrouver leur argent, voire un peu plus.

J'en viens aux enchères inversées, une pratique contre laquelle je me suis battu dès qu'elle a été introduite en France, il y a une dizaine d'années. J'ai même essayé de faire fermer certaines entreprises, qui en faisaient la promotion. Il s'agit en effet d'un outil extrêmement pervers qui assimile l'établissement d'un devis à un jeu de casino, et peut conduire un décisionnaire à réduire ses prix de 30 à 40 %. Mais qui peut empêcher les enchères inversées ? Même vous, députés, ne pourriez y parvenir !

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