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Intervention de François Brottes

Réunion du 7 juillet 2010 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Brottes :

En vous écoutant, on se permettrait presque de croire de nouveau au Père Noël… Malheureusement, de moins en moins souvent, surtout après m'être entendu répondre dernièrement dans l'hémicycle qu'on ne peut pas procéder à un contrôle fiscal parce que cela risque de faire perdre des emplois !

Mais on peut rêver à l'application d'une charte qui, bien qu'assez molle sur le plan de la norme, si je puis me permettre cette expression, va dans le bon sens.

Votre référence au secteur du bâtiment est importante et peut même être étendue à d'autres domaines. La solidarité autour d'un même projet est poussée très loin puisqu'il existe, à la fin du chantier, un compte « prorata » : tous les petits aléas de parcours et tous les dépassements sont pris en charge par chacun, au prorata de sa contribution. C'est donc une très bonne piste de réflexion.

Nous nous sommes réjouis de la création du médiateur du crédit. Il n'y a donc aucune raison que nous ne nous réjouissions pas de la création du médiateur des relations inter-entreprises industrielles et de la sous-traitance, à condition qu'il dispose d'un minimum de pouvoirs coercitifs. Vous en convenez vous-même, monsieur Volot, et j'ai le sentiment que vous êtes un homme à faire respecter les moyens qui vous seront donnés.

J'attire votre attention sur le fait que la DGCCRF a été noyée dans l'Autorité de la concurrence, laquelle vise plus à favoriser la concurrence tendant à diminuer les coûts que la concurrence loyale sur la qualité du produit et du service rendu. Je crains que, demain, des entreprises ne se plaignent auprès des autorités chargées du droit de la concurrence d'avoir subi un préjudice au motif qu'elles ne font pas partie d'un collectif. Voilà un exemple de détournement, non pas de procédure, mais de pratique, qui peut exister.

Un contrôle inopiné me semblerait plus efficace qu'un contrôle après signalement. Comme vous l'avez fort justement souligné, le fournisseur aura toujours du mal à tirer la sonnette d'alarme, de peur d'être démasqué : c'est le pot de terre contre le pot de fer.

Peut-être faudrait-il vous faire obligation d'analyser des contrats clients-fournisseurs tant de fois dans l'année. Cela étant, on risque de se heurter au secret commercial. L'idéal serait – mais cela risque de paraître trop « socialiste » – d'obliger tous les contrats à passer devant le médiateur pour s'assurer qu'ils sont conformes à la législation en vigueur. Mais, outre le fait que l'État n'en aurait certainement pas les moyens, il n'en aurait pas non plus le temps. Cela ne paraît donc pas raisonnable. C'est pourtant ce qui est prévu dans les collectivités locales : toutes les délibérations des conseils municipaux sont censées être vues par le service de contrôle de légalité. Et il y a sans doute autant d'actes commis par les collectivités locales que de contrats conclus dans le secteur privé.

En tout cas, il me semblerait judicieux de vous permettre de faire d'autorité du contrôle inopiné, sous le sceau, bien évidemment, de la confidentialité.

Quant à l'humanisation des acheteurs, je ne suis pas sûr qu'elle puisse être réalisée par le biais d'une charte. J'ai été fournisseur de grands comptes et ai eu plusieurs fois envie de « casser la gueule » à mes interlocuteurs. Quand, après avoir franchi une étape, où votre compétence et vos qualités ont été reconnues, vous devez encore vous soumettre à deux entretiens, l'un pour parler du prix, l'autre pour préciser les conditions de paiement, destinés uniquement à vous mettre « à poil » – pardonnez-moi l'expression –, vous vous dites qu'on a atteint des sommets d'inconséquence, en comparaison desquels Kerviel fait figure de petit joueur. La relation commerciale qu'on a pu connaître a été dénaturée : on est passé d'une exigence de qualité de fournisseur et de produit à une exigence de service à rendre au client final. Je serai très attentif aux solutions que vous pourrez préconiser.

Le dernier point que je souhaite soulever est le mono-sourcing ou le bi-sourcing, c'est-à-dire le fait d'être le seul fournisseur référencé ou d'être en concurrence avec un autre. L'élimination complète de la concurrence risque de faire perdre toute compétence à une filière. Pour avoir joué aux plus malins, de grands comptes ont, dans certains grands secteurs autres que celui de l'automobile, démantelé tout un tissu de compétences professionnelles et de recherche. À force de « chasser » à n'importe quel prix, on peut supprimer toute une partie de métier : s'il n'y a plus d'embauche dans ce métier, les lycées professionnels ne forment plus pour l'exercice de celui-ci tandis que les personnes compétentes sont parties à la retraite, si bien que certains industriels – j'en ai eu encore un exemple lundi, dans le secteur de l'acier – se plaignent de ne plus trouver de compétences, qui sont parties ailleurs.

L'État a le devoir de s'assurer, par territoire ou par filière, que des filières de compétences ne sont pas menacées de mort par des pratiques de mise en concurrence éhontées. On ne peut pas affirmer vouloir redévelopper l'industrie sans se préoccuper de ce qui, en amont, entrave celle-ci. Quand il y avait une masse critique suffisante, quand une « boîte » fermait, une autre s'ouvrait. Aujourd'hui, des filières entières sont atteintes par des pratiques scandaleuses.

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