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Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 1er juillet 2010 à 15h00
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarisol Touraine :

L'article 3 constitue une tentative d'apporter, au-delà des mesures d'urgence, une réponse structurelle à la crise que traverse l'agriculture française.

Cette réponse passe notamment par la définition de nouvelles relations entre producteurs et distributeurs. En effet, nous savons que la question des prix est centrale dans cette crise. Il serait réducteur d'imaginer que cette question peut se résumer au face à face inégal entre producteurs et distributeurs. Nous savons bien que le marché joue un rôle dans la fixation des prix ; il n'en demeure pas moins qu'il est insupportable et inacceptable de voir de plus en plus d'agriculteurs renoncer à leur activité et mettre la clé sous la porte ou renoncer à s'installer parce qu'ils sont dans l'obligation de produire à des prix inférieurs à ceux du marché.

Résultat : nous sommes confrontés à une crise sociale grandissante. Nous voyons affluer dans nos conseils généraux toujours plus d'agriculteurs qui viennent demander le bénéfice du revenu de solidarité active. Par ailleurs, la diminution des terres agricoles se poursuit. Dans mon département, l'Indre-et-Loire, plus de 1 000 hectares disparaissent chaque année de façon inexorable.

Cette réalité traduit tout simplement l'impossibilité pour beaucoup d'agriculteurs de vivre de leurs productions. Il ne faut pas s'étonner dans ces conditions que les jeunes aient de plus en plus de mal à s'installer, en dehors même du fait que le système actuel favorise indûment l'agrandissement des exploitations existantes au détriment de l'installation des jeunes.

Dans ce contexte, le principe d'une contractualisation entre producteurs et acheteurs n'est donc pas critiquable en lui-même. Encore faut-il savoir ce qu'il recouvre et s'il permettra une régulation effective des prix en faveur des producteurs. On peut en douter. En fait, on a le sentiment que la logique du Gouvernement est formelle : il se contente d'afficher un certain nombre de mesures et de bonnes intentions. Cependant il ne suffit pas d'établir des contrats pour garantir des conditions de travail rémunératrices.

Monsieur le ministre, le grand défaut de la procédure que vous instaurez est de renvoyer dos à dos producteurs et acheteurs, en exonérant l'État de son rôle de régulateur, notamment dans la garantie d'un prix qui serait acceptable pour les agriculteurs. Or il ne peut y avoir de politique de juste prix sans une régulation garantie des prix qu'il appartient bien à l'État de définir.

Il faut aussi éviter que la contractualisation amène à définir des prix de référence moyens pour l'ensemble du territoire car, s'il en allait ainsi, les spécificités locales ou celles des filières ne seraient pas prises en compte. Cela aboutirait à garantir des prix corrects aux plus gros producteurs sans permettre aux petites exploitations, aux secteurs géographiques en difficulté comme les zones intermédiaires, ou encore à certaines filières – je pense à la production laitière – de s'en sortir. L'existence de contrats-types nationaux n'est donc pas satisfaisante.

J'ajoute qu'il y a une contradiction à mettre en avant la perspective d'une relocalisation des productions, absolument nécessaire, et à en rester à la définition de prix de référence moyens. Il ne peut y avoir de relocalisation des productions, de soutien aux circuits courts, de développement d'une agriculture périurbaine qui vise notamment à répondre à la forte demande de produits issus de l'agriculture biologique, si l'on ne tient pas compte des conditions territoriales de production. On ne peut pas demander que se développe, à proximité des habitants et de la demande, des productions de qualité qui soient rentables si l'on n'intervient pas précisément pour garantir cette rentabilité.

Enfin, il ne peut y avoir de contractualisation efficace sans que l'objectif principal, à savoir la stabilité des prix, soit inscrit dans la loi, et sans que l'ensemble des acteurs concernés soient associés. Cela concerne les différents intermédiaires dans la relation entre producteurs et fournisseurs qu'il ne faut pas laisser isolés dans leur face-à-face ; cela concerne aussi la nécessaire association de l'ensemble des organisations syndicales à ce processus, et pas seulement certaines d'entre elles. Il faut évidemment que les organisations syndicales se sentent parties prenantes dans le processus de stabilisation des prix et de garantie des conditions de vie des agriculteurs.

Compte tenu du défi important à relever, je crains que l'étape que vous nous proposez de franchir ne permette pas de garantir aux agriculteurs – en tout cas pas à tous – de trouver des conditions de vie rémunératrices.

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