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Intervention de Jean-Michel Clément

Réunion du 1er juillet 2010 à 15h00
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

S'il est un mot qui fait peur dans le monde agricole – l'intervention de notre collègue Jean Auclair vient de l'illustrer –, c'est bien « contractualisation ». Le débat est brouillé par la confusion de nombreuses notions : contrat, fixation du prix, intégration. Plusieurs contextes différents sont concernés. Parle-t-on du même contrat lorsque l'on évoque le secteur des fruits et légumes, les semences ou l'éthanol ?

À chaque fois, le contrat répond à des enjeux différents, mais aucun d'eux ne régule un marché.

En matière agricole, un contrat englobe de nombreux éléments : un engagement sur la quantité puisque presque tous les contrats signés s'engagent sur une quantité, soit un nombre d'hectares, soit une quantité à produire ; un engagement sur la qualité, un cahier des charges étant défini pour le produit fini ; un engagement sur la durée, celle-ci étant très variable puisque l'on peut observer des durées allant d'une simple bande pour des animaux en intégration jusqu'à cinq ans. La tacite reconduction est généralement la règle.

Le contrat constitue aussi un engagement sur une période de livraison. Cet aspect est évoqué en particulier pour les futurs contrats laitiers afin de pallier la grande différence entre les mois de printemps et d'été.

L'engagement porte également sur le prix, mais peu de contrats les garantissent, et ils sont le plus souvent fixés par l'offre et la demande dans le cadre de négociations interprofessionnelles ou de négociations entre une organisation de producteurs et le transformateur. Dans la majorité des cas, le poids des organisations de producteurs semble alors bien trop faible, sauf dans l'hypothèse où le produit vient à faire défaut, ou lorsque les volumes de production sont maîtrisés.

Le contrat gère aussi le transfert de propriété, ou la responsabilité et les obligations des uns et des autres aux différents stades du processus de production.

En revanche, le contrat n'est pas un instrument de régulation du marché mais plutôt un lieu de négociation entre deux acteurs économiques identifiés. C'est pourquoi le contrat ne peut intervenir dans une négociation interprofessionnelle qui est une démarche collective, même si la négociation individuelle peut en donner un cadre.

La contractualisation d'ordre privée, sans intervention des pouvoirs publics, avec un rapport de force défavorable aux producteurs, se traduira, dans de nombreuses filières, par le paiement de prix trop faibles pour constituer un revenu. L'exemple des négociations sur le prix du lait qui viennent de se dérouler nous le démontre encore. Ainsi, selon le directeur de la FNIL, la fédération nationale des industries laitières, cette dernière « fera une proposition à ses producteurs qui accepteront ou pas. C'est le but de la contractualisation ». Il ajoute : « Nous sommes à un virage, il en est terminé de la recommandation nationale. Il faut que les entreprises sautent le pas, s'engagent dans la contractualisation. Si les producteurs manifestent, ce n'est pas dramatique : on en a vu d'autres ! » Une telle déclaration est tout de même très loin d'être rassurante.

Dans la même veine, le président de la section laitière de la fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles de Basse-Normandie a expliqué que, pour ce qui concerne la dernière fixation du prix du lait, « après avoir voulu tenir compte du prix allemand dans la définition du prix, les entreprises laitières exigent désormais un arrimage pur et simple du prix du lait français à celui du lait allemand », ce qui, selon cette fédération, tirerait inéluctablement les prix « vers le bas ».

Monsieur le ministre, le renforcement du rôle des interprofessions privées doit aussi avoir comme corollaire, la représentation de tous les agriculteurs. Nous n'y sommes pas encore.

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