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Intervention de Jean Auclair

Réunion du 1er juillet 2010 à 15h00
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Auclair :

La filière bovine libre ne veut pas d'une contractualisation obligatoire et administrée assortie – ce serait le pire – de mesures répressives d'ordre administratif d'autant que vous mettez en place un système qui s'adresse surtout aux professionnels privés et aux éleveurs en OPNC qui seront obligés de contractualiser alors que les autres adhérents d'OPC – environ 25 % – n'auront pas besoin de le faire individuellement, puisque le contrat est collectif.

Il y a dans ce pays des éleveurs qui veulent rester libres de commercialiser leur production auprès de commerçants, en direct avec des abatteurs ou aller au marché. Je pense plus particulièrement aux marchés aux cadrans qui sont en train de démontrer qu'en termes de prix ou de sécurité de paiement, ils apportent un service certain ; mes collègues de l'Indre comme du Cher peuvent le confirmer. En outre, ils représentent tout de même 75 % des éleveurs. Fort heureusement, il reste dans ce pays des éleveurs qui veulent garder leur droit de propriété et commercialiser eux-mêmes leur production. Ils ne veulent pas avoir les pieds et poings liés.

Si vous rendez la contractualisation obligatoire, vous allez tuer toute concurrence ; or c'est la base même du dynamisme du commerce. Tous les commerçants, tous les marchés vont disparaître et les cotations avec. Quand il n'y aura plus que des OPC – et que la concurrence aura disparu –, elles verseront à leurs sociétaires les prix qu'elles voudront pour survivre compte tenu de l'importance de leurs frais de fonctionnement car, par rapport aux privés, elles ne sont pas compétitives. Regardez ce qui se passe dans la filière porcine où la concurrence n'existe plus : tout est aux mains des coopératives et si ça marchait bien, cela se saurait.

Votre idée de contractualisation, monsieur le ministre, part sans doute d'une bonne intention, mais, en l'état, elle échouera inéluctablement ou alors il faudrait mettre en place une caisse de péréquation alimentée par l'État ou encore aller jusqu'au bout, c'est-à-dire contractualiser non seulement avec l'abatteur, mais aussi avec le distributeur avec des prix et une transparence affichée de A à Z. Restera le problème des volumes parce qu'un distributeur ne pourra acheter la semaine N plus de tonnage qu'il n'en a vendu la semaine N-1.

Je veux vous citer trois exemples de contractualisation ratée : l'an dernier, un abatteur privé a voulu s'y essayer, il a perdu 120 000 euros et je doute qu'il veuille recommencer ; un autre avait contractualisé avec des producteurs de jeunes bovins Blonde d'Aquitaine avec une coopérative, il a rapidement dû arrêter ; une coopérative de Vendée l'a pratiquée, mais elle a vite abandonné.

Vous voulez imposer la contractualisation pour faciliter l'écoulement de la production et sécuriser les éleveurs, mais, monsieur le ministre, y -a-t-il un éleveur qui ait dû appeler l'équarrisseur pour se débarrasser d'animaux qu'il n'aurait pas pu vendre ? Y a-t-il un abattoir qui ait manqué d'animaux parce qu'il n'avait pas contractualisé ? Bien sûr que non.

Autre problème, celui des animaux maigres ou d'élevage, et je pense à l'export. Comment envisager la contractualisation avec des acheteurs étrangers ?

Un animal, monsieur le ministre, ce n'est pas comme un quintal de blé ou un litre de lait : il y a la diversité de la conformation et des races. Le contrat est actuellement fondé sur la confiance, la parole ; il est moral dans les OPNC avec leur collège d'acheteurs et de producteurs. Vous rétorquerez qu'il est facultatif. Dans ces conditions, pourquoi l'inscrire dans la loi pour la filière bovine ? Les éleveurs, les privés, en ont ras le bol de la paperasserie, alors laissez-nous tranquilles ; ce n'est pas à l'État d'en remettre une couche. Vous le savez bien, l'enfer est pavé de bonnes intentions.

Vous essaierez sans doute de rassurer toute la filière OPNC, mais je ne voudrais pas qu'il y ait des éleveurs à deux vitesses devant les aides structurelles ou conjoncturelles : ceux qui sont en OPC et les autres, marginalisés dans les OPNC, qui n'auraient pas droit aux mêmes aides. Je pense à ce qui vient de se passer dans la filière ovine où tous les éleveurs ont été obligés de signer des contrats pour, il faut bien le dire, toucher la même prime.

Pour les acheteurs ou ceux qui subiront les sanctions ou amendes parce qu'ils n'auront pas proposé de contrat ou oublier une virgule, ce seront 75 000 euros maximum par erreur. Monsieur le ministre, vos conseillers ont-ils seulement une idée de ce que représentent 75 000 euros ? Cela peut être deux ou trois fois le revenu net annuel d'un commerçant. Si le négociant a trois cents fournisseurs, il risque plus de 20 millions d'euros d'amende sans autre forme de jugement que celui d'un fonctionnaire en service.

De grâce, je vous le demande instamment, renoncez à tout administrer par la contractualisation dans la filière bovine car, lorsque vous aurez tout démoli, il n'y aura plus de retour, pour la simple et bonne raison que vous aurez tué toute une filière privée dont le dynamisme et la compétitivité ne sont plus à démontrer.

J'espère, monsieur le ministre, que vous allez rassurer tous ceux qui se posent des questions quant à leur devenir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

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