Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Serge Letchimy

Réunion du 1er juillet 2010 à 15h00
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Letchimy :

Monsieur le rapporteur, sauf votre respect, la rengaine sur le CIOM va devenir insupportable. Ce n'est pas un nouveau gadget, un véhicule sorti récemment ; c'est le comité interministériel de l'outre-mer. J'y insiste car j'ai franchement le sentiment que vous n'avez pas lu le texte : à vous entendre, à chaque fois que nous présentons un amendement se rapportant au CIOM, vous semblez penser que cet organisme détient la réponse aux problèmes que nous soulevons. Il n'en est rien, puisque les dispositions relatives à ce comité ne sont que déclaratives. Or il s'agit tout de même, ici, de procéder à la modernisation de l'agriculture.

Permettez-moi donc d'y insister : la demande formulée hier par Victorin Lurel est fondée. Nous demandons officiellement une loi d'orientation de la politique agricole concernant des territoires peuplés de deux millions d'habitants. Il ne s'agit pas de 100 000, ni de 400 000 habitants. La Guyane, c'est, en superficie, l'équivalent du Portugal. Nous demandons une loi de modernisation et d'orientation agricole pour 97 % des surfaces maritimes françaises – car, sur les quelque 12 millions de kilomètres carrés d'océans qui constituent les eaux françaises, 97 % se trouvent outre-mer.

Vous avez préparé, monsieur le ministre, le mémorandum français relatif à la réforme de la politique de la pêche : quatre lignes y sont consacrées aux régions et aux pays d'outre-mer. Quatre lignes !

Et, dans le présent texte de loi, il y a un article et un seul, dont l'examen sera abordé à la toute fin de nos travaux. Or, puisque nous sommes sous le régime du temps contraint, je suis certain qu'il ne restera plus de temps de parole, notamment au groupe socialiste, pour en discuter, si bien que, lorsque cet ultime article viendra en discussion, nous ne pourrons pas défendre nos amendements.

Je vous interpelle, monsieur le ministre, parce que c'est vraiment un problème de conscience. Je ne sais pas qui vous a donné ce conseil, mais, même si votre visite à la Martinique – ou ailleurs – est la bienvenue, ce n'est pas comme cela qu'on va régler le problème.

Nous allons parler tout à l'heure d'habilitation – encore ! – à procéder par voie d'ordonnance en ce qui concerne la sécurité sanitaire. Nous avons déposé des amendements affirmant qu'il est dangereux de n'aborder que par voie d'ordonnance des questions aussi essentielles que la surveillance, la lutte, la prévention, les modalités de financement.

Si j'ai bien compris, c'est l'objet des états généraux du sanitaire, qui ont commencé en janvier dernier et qui ne sont pas terminés. Je pense que la représentation nationale sera intéressée de savoir quelles seront les conséquences actuelles de ce qui s'est passé à la Martinique, à savoir l'utilisation du chlordécone.

Le président Ollier a pris l'initiative très courageuse, très lucide et, à mon avis, très honnête, sous la précédente législature, de constituer, avec Philippe Edmond-Mariette et Joël Beaugendre, une mission d'information afin d'aller voir sur place ce qu'il en est. C'est l'empoisonnement programmé d'une terre et d'un peuple, d'une population.

Les études font apparaître des conséquences extrêmement graves. L'étude Karuprostate a été réalisée en Guadeloupe, à la Martinique et dans certaines îles, sous la conduite de deux grands spécialistes, M. Luc Multigner, chercheur à l'INSERM, et le professeur Pascal Blanchet, du service d'urologie du CHU de Pointe-à-Pitre. Elle a comparé une population de 709 personnes atteintes du cancer de la prostate avec un groupe de 723 personnes indemnes. La mesure des taux de chlordécone dans le sang démontre clairement la corrélation entre l'exposition au pesticide et la survenue d'un cancer de la prostate.

Ce n'est donc pas un sujet banal. La question de la politique sanitaire et de la politique agricole dans notre pays ne peut pas être reléguée dans un article lambda d'un projet de loi. Nous demandons, très officiellement, à la représentation nationale de nous soutenir. Et j'adjure le ministre de prendre l'engagement de demander au Président de la République de ne pas nous renvoyer au CIOM. – ou alors, il faut mettre sur la table le CIOM et son contenu. Nous demandons officiellement la mise en place d'un groupe de travail. M. Ollier a l'habitude de trouver des solutions miraculeuses pour nous sortir des impasses ou pour nous faire aller plus vite. Je vous invite officiellement, monsieur le rapporteur – je suis sûr que vous n'avez jamais lu le compte rendu des travaux du CIOM –, à demander avec nous la mise en place d'un plan d'orientation.

Que l'on prenne au moins l'engagement de créer un groupe de travail, pour que l'on puisse réfléchir et définir un calendrier extrêmement précis.

Les chiffres sont là. C'est de la science, ce n'est pas de la politique, et encore moins le désir personnel de vous mettre en difficulté, monsieur le ministre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion