L'amendement de M. Chassaigne qui vient d'être repoussé comporte des mots qui me paraissent intéressants pour tous les agriculteurs : « assurer la meilleure autonomie des exploitations ». Cette autonomie, qui n'est pas synonyme d'autarcie, renvoie à une conception de l'exploitation agricole marquée par une moindre dépendance qu'actuellement.
S'agissant de la connexion des exploitations avec le monde extérieur, notamment avec les grands circuits mondialisés, je discerne trois évolutions principales affectant l'autonomie des agriculteurs français.
D'abord, en matière commerciale, la contractualisation va devenir le principal outil de promotion de l'agriculture française, c'est sans doute le principal objet de cette loi dite de modernisation agricole et peut-être même l'idée générale de notre agriculture qui sera défendue lors des négociations autour de la PAC de 2012 à 2015. Si c'est le cas, j'ai beaucoup d'inquiétudes pour l'autonomie commerciale des exploitations agricoles. Quel sera en effet le poids d'un agriculteur face à une grande centrale d'achat ou à de grands distributeurs ?
Ensuite, il faut avoir à l'esprit un domaine auquel on ne pense jamais : l'alimentation animale, évoquée ce matin par M. Gaubert à propos des protéines. Nous n'avons plus les moyens de nourrir nos propres animaux. Les ports bretons reçoivent des tonnes de soja transgénique, notamment en provenance du Brésil. Mais peut-être est-ce dû au fait qu'il y a une trop forte concentration sur le sol breton : nous y reviendrons dans quelques heures à l'occasion de la discussion du fameux amendement Le Fur.
Enfin, en matière d'énergie, nos amis agricultures ont perdu beaucoup d'autonomie. Ils sont maintenant dépendants des énergies fossiles du fait du machinisme agricole, des pesticides et des engrais, notamment NPK – azote, phosphore, potassium –, qui proviennent tous de l'industrie pétrochimique et sont exposés à des variations de prix extrêmement importantes, lesquelles entament la confiance des agriculteurs en l'avenir, dans l'ignorance qu'ils sont des coûts qu'ils auront à supporter dans les deux mois ou les six mois qui suivent.
J'insisterai à cet égard sur le problème du phosphore, que l'on n'évoque jamais. L'azote est présent partout, parfois même en trop grandes quantités, notamment l'azote d'origine organique comme on le verra avec l'amendement de M. Le Fur. Le phosphore, en revanche, est appelé à manquer car le nombre de mines de phosphate est limité et les réserves de guano sont presque épuisées. Comme il n'entre pas de phase gazeuse dans le processus d'extraction du phosphore, il n'est pas possible de faire intervenir l'oxygène comme pour les produits azotés. Nous voyons donc quels problèmes se poseront car le phosphore constitue tout de même, rappelons-le, l'un des trois constituants essentiels d'une bonne productivité végétale.
Compte tenu des connexions qui relient l'agriculteur au monde extérieur, il est nécessaire de développer des formations extrêmement techniques, notamment sur le phosphore, contenu dans nos rejets et ceux des animaux, ou l'énergie, à travers le parti que l'on peut tirer du bois présent dans les forêts locales. Notre amendement vise donc à promouvoir dans les lycées agricoles un apprentissage technique et scientifique permettant de développer l'autonomie des exploitations agricoles.
(L'amendement n° 609 , repoussé par la commission et le Gouvernement n'est pas adopté.)