Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Nicolas Dhuicq

Réunion du 7 juillet 2010 à 15h00
Interdiction de la dissimulation du visage dans l'espace public — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Dhuicq :

Monsieur le président, madame la ministre d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la question qui nous est posée aujourd'hui est radicale et fondamentale à plus d'un titre.

Si le temps long est cher aux gaullistes, il faut revenir plus en arrière, il y a plusieurs centaines de milliers d'années, pour se souvenir que nous sommes la seule espèce du règne animal dont la sclérotique de l'oeil est blanche, ce qui explique que le regard de l'autre, le regard donné à l'autre, le regard porté sur l'autre contienne tant d'affects, tant d'informations et tant d'amour, et que le fait de le dissimuler à la vue d'autrui soit aussi déstructurant, agressif et violent eu égard à notre patrimoine commun et à notre civilisation.

Il suffit de se souvenir que nos quinze siècles d'histoire de France, enchâssés dans trois mille ans d'histoire européenne, reposent essentiellement, à mes yeux – et certainement aux yeux de nombre d'entre nous –, sur deux piliers.

Le premier est la lente et patiente construction de la séparation entre pouvoir spirituel et pouvoir temporel. À cette fin, des actes politiques majeurs se sont succédé au cours des siècles, tel le geste de l'empereur prenant lui-même la couronne des mains du pape pour en ceindre son front.

Cette séparation fine, qui n'interdit pas les réflexions métaphysiques, qui n'exclut pas toute possibilité de rapport à la mort et aux divinités, ni toute démarche philosophique, c'est ce que nous appelons aujourd'hui laïcité. Or, à l'évidence, porter ostensiblement un accoutrement ou un appareil qui dissimule le visage est un acte politique majeur, qui remet en cause les principes essentiels que sont la laïcité et le vivre ensemble.

Le second pilier, lui aussi profondément enraciné dans notre héritage – en particulier dans notre héritage gréco-latin, si souvent oublié –, est l'égalité entre les hommes et les femmes, elle-même lentement et patiemment construite. Et bien que nos soeurs humaines aient encore du travail pour obtenir une véritable égalité, ce respect mutuel se traduit par le fait que la République n'a pas de sexe et admet tous ses enfants en son sein, quel que soit leur genre. Elle reconnaît les humains, les citoyens, en fonction de leur mérite, à l'exclusion de tout autre critère.

Ces principes fondamentaux sont manifestement remis en cause par le port de ces appareils qui transforment l'humain, au lieu d'un sujet autonome et pensant, en objet. Et la grande perversion, c'est qu'en cachant visage et corps tout entier, non seulement ils permettent de se dissimuler à la vue des autres, mais aussi de se mettre en position de voyeur, puisque la personne ainsi accoutrée peut seule discerner les affects et les réactions d'autrui. Ainsi, c'est, de manière structurelle, à la destruction du sujet que nous assistons – du sujet libre, autonome, mature et majeur, principe fondateur des grands peuples et des grandes nations.

Voilà pourquoi cette question est fondamentale et radicale. Voilà pourquoi la nation a pour tâche de lui apporter une réponse claire et ferme, sans tergiversation, sans jargonophasie, sans hésitation, telles que celles que nous avons pu entendre au cours du débat.

Le peuple de France a pour mission de continuer à défendre les lumières de l'esprit et de la raison. On vient de le rappeler à juste titre, les peuples de la terre attendent de la France qu'elle conserve sa place dans le monde, qu'elle porte la lumière de la raison dans les ténèbres de l'ignorance et de l'obscurantisme, parce que nous voulons tous rester des sujets libres, pensants et autonomes.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre d'État, les députés gaullistes vous apporteront pleinement leur soutien, comme, j'en suis sûr, toutes les familles qui composent notre majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion