C'est le texte qui le dit, ce n'est pas vous, mon cher collègue.
Dans cette contradiction, subsistent les motivations espérées mais juridiquement fragiles : égalité hommes-femmes, dignité, laïcité dans l'espace public. La notion d'ordre public immatériel vient heureusement au secours de ces valeurs, non sans un certain humour involontaire puisque la burqa est comparée à l'exhibitionnisme du nu intégral.
Après plus d'un an, nous nous résignons donc à dire dans le texte que le problème n'est plus celui du niqab, mais celui du masque hors carnaval pour attaquer les banques ou du casque intégral pour tueur à gage. Accepter que des personnes soient méconnaissables alors que se développe la vidéo-protection est contraire au bon sens. Le capitaine Haddock de Coke en stock posait le problème et offrait la solution.
Ce projet de loi n'est-il donc qu'une défaite de la pensée ? Non. Le voile intégral révèle un aspect essentiel de notre civilisation, si bien souligné par Emmanuel Levinas qui écrivait : « L'accès au visage est d'emblée éthique ». C'est par son visage que l'autre n'est plus un objet, un individu semblable aux autres, mais une personne comme moi, parce que différente de moi.
À l'occasion de cette loi, nous pouvons nous souvenir qu'au-delà de l'égalité, il y a précisément cette perception de l'autre chez l'autre, de l'autre irréductible : c'est ce que l'on appelle la fraternité, cette notion républicaine et chrétienne à la fois, sans être inaccessible aux autres religions.