Enfin, la troisième interrogation porte sur l'absence de toute référence à l'éducation. Le projet de loi ne vise à aucun moment, que ce soit dans les motifs, le dispositif ou l'étude d'impact, le rôle clef de l'éducation pour faire abandonner les pratiques de dissimulation du visage adoptées en privé pour des motifs religieux ou de croyance, et qui peuvent être tout aussi attentatoires à la dignité des femmes.
Selon moi, la dissimulation du visage subie et pratiquée dans un endroit privé est aussi attentatoire à la dignité des femmes que celle pratiquée en public. Si la fin de la dissimulation du visage dans les espaces publics est un objectif affiché, c'est la fin de cette pratique en tous lieux, lorsqu'elle signifie une contrainte matérielle ou psychologique, qui devrait être recherchée. Mais le projet de loi ne fait aucune mention du mot « éducation ».
L'histoire de notre pays montre pourtant que la République, à chaque fois qu'elle a cherché à limiter des actes relevant de la religion qui nuisaient aux droits des citoyens, l'a fait en liant cette limitation au développement de l'éducation et, pour reprendre littéralement l'expression de Condorcet, en augmentant la « masse des lumières ». Le progrès moral, au sens où il désigne les moeurs, ne s'entend que par l'éducation.