Nous y sommes, madame la garde des sceaux. Et nous sommes heureux que cela soit possible grâce à un texte du Gouvernement, que vous représentez en cette circonstance.
L'article 1er du projet de loi est on ne peut plus clair : « Nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage. »
C'est une évidence, tout d'abord, pour des raisons de sécurité. En effet, comment identifier un suspect et assurer la sécurité des biens et des personnes, quelle peut être l'utilité de la vidéoprotection, si l'on ne peut reconnaître les responsables d'actes délictueux ? Deux hold-up ont été récemment commis par des délinquants qui avaient revêtu le voile intégral. Ils ne portaient pas la tenue habituelle de ce type de délinquants, notamment la cagoule ou le casque ; rappelons, du reste, que le port de la cagoule est désormais prohibé. Ainsi, ces délinquants ne pourront se voir reprocher la préméditation de leur acte, puisque cette tenue n'est pas interdite. Il en est de même pour les attentats terroristes, qui restent une menace prégnante pour notre pays.
C'est également une évidence pour des raisons relatives à la vie en société. Dans nos sociétés libres, chacun a le droit de se vêtir comme il l'entend mais, comme l'a rappelé Élisabeth Badinter, « il n'y a pas de vêtement du visage ».
Dans nos sociétés libres, chacun a le doit de se vêtir comme il l'entend, mais chacun a le droit de voir le visage de l'autre, sous peine de se trouver en position d'infériorité, donc discriminé.
Dans nos sociétés libres, chacun a le doit de se vêtir comme il l'entend, mais nul ne peut se promener nu, même s'il invoque sa liberté – et à ma connaissance, les nudistes ne se sentent pas stigmatisés pour autant.
L'interdiction totale est la seule réponse adaptée car, au-delà du voile intégral, chacun sait qu'il s'agit d'un défi aux valeurs de la République et de la démocratie, mais aussi d'une régression sociale qui vise à ramener la femme à un esclavage domestique subi. Malgré leurs problèmes et leurs divisions, nos amis belges ont déjà montré la voie en adoptant à l'unanimité un texte semblable. À quelques jours de la célébration de la fête nationale, sommes-nous capables d'en faire autant ? Je le souhaite ardemment.
Pour autant, au-delà du vote que j'espère le plus large possible, il reste malgré tout un écueil que nous ne pouvons ignorer : le risque de censure du Conseil constitutionnel. Si cela doit être le cas, madame la garde des sceaux, quelle sera la réponse du Gouvernement ? Envisagera-t-il de modifier la Constitution pour que le pouvoir du peuple reste au peuple – éventuellement en s'adressant à lui directement ? Ou renoncera-t-il, permettant ainsi à ceux qui défient la République de triompher ? Je souhaite que vous puissiez nous apporter une réponse et nous rassurer sur ce point.
Au moment du vote qui va nous engager, que chacune et chacun d'entre nous pense à toutes les femmes du monde opprimées, incarcérées, blessées par ce voile-linceul, pour qui l'espoir renaîtra lorsqu'elles sauront que, comme l'ont fait leurs ancêtres, les députés de la nation ont une nouvelle fois voté contre la tyrannie. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)