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Intervention de Philippe Goujon

Réunion du 7 juillet 2010 à 15h00
Interdiction de la dissimulation du visage dans l'espace public — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Goujon :

Comment peut-on s'abstenir sur une question qui concerne la dignité de la femme, comme l'a rappelé à juste titre Marie-Louise Fort, sur le combat contre l'obscurantisme et sur la défense de règles élémentaires de la République ?

Après avoir voté la résolution par laquelle nous avons unanimement réaffirmé notre attachement aux valeurs que nous avons tous en partage, après avoir condamné la pratique du port du voile intégral comme contraire aux valeurs de la République, vous avez fini par convenir de la nécessité d'une loi, reconnaissant ainsi, comme le Président de la République, que « la France est un pays où il n'y a pas de place pour la burqa, pour l'asservissement de la femme, sous aucun prétexte, sous aucune condition et dans aucune circonstance. »

Une interdiction partielle selon les circonstances et les lieux, outre le fait qu'elle serait impraticable, constituerait une réponse insuffisante et indirecte au problème posé, celui du respect de notre pacte social républicain. Car, même si moins de deux mille femmes portent la burqa dans notre pays, il ne s'agit évidemment pas d'une question de nombre, mais bien d'une question de principe. En conséquence, il vous faut aujourd'hui aller plus loin pour adopter une loi de concorde républicaine. J'espère que c'est encore possible ; la France en a besoin.

Certes, il vous a fallu beaucoup de discussions pour en arriver à vous abstenir, mais déjà plusieurs d'entre vous ont annoncé qu'ils voteraient cette loi. Aujourd'hui, même l'Espagne de M. Zapatero s'engage dans cette voie. Plusieurs de vos amendements, et non des moindres, notamment ceux déposés par M. Glavany, ont été adoptés en commission. Qui plus est le Gouvernement n'a pas déclaré l'urgence sur ce texte, si bien que le Parlement peut en débattre pleinement. Dès lors, il reste à nous accorder sur la portée de cette loi.

D'un point de vue juridique, les fondements de ce texte me paraissent plus solides que d'aucuns le prétendent : il repose en effet sur la notion d'ordre public, en particulier, dans sa dimension immatérielle entendue comme un socle d'exigences fondamentales dont le législateur doit définir les contours.

Déjà, le Conseil Constitutionnel, dans deux de ses décisions, et le Conseil d'État, dans l'arrêt Morsang-sur-Orge, ont reconnu qu'une mesure visant une atteinte à l'ordre public social pouvait être de portée générale et absolue. Gardons-nous d'une interprétation erronée de l'avis du Conseil d'État, évidemment rendu en l'état du droit existant, alors qu'il nous revient, nul ne peut le contester, d'écrire le droit de demain – qui sera d'autant mieux reconnu que nous serons unanimes – et d'établir ainsi les limites des quelques règles sans lesquelles la vie sociale est impossible et impraticable – je crois que nous serons tous d'accord sur ce point.

Parmi ces règles, nous sommes unanimes à compter l'obligation d'être physiquement identifiable dans l'espace public car, comme l'a dit la garde des sceaux, la République se vit à visage découvert.

De plus, et puisqu'il s'agit avant tout de faire respecter les principes républicains, il est essentiel de rappeler ces règles à tous ceux qui les enfreignent. C'est la seconde caractéristique de ce projet de loi qui fait une large place à la pédagogie ainsi que le démontrent son entrée en vigueur différée de six mois, et le fait qu'il prévoit une obligation d'effectuer un stage de citoyenneté. À ce sujet, il est primordial de garantir que les modules de formation seront adaptés aux populations visées. De même, les personnels chargés d'encadrer ces populations devront être spécifiquement formés. Il faut aussi que nous soyons certains que des consignes très précises seront données à tous ceux qui seront chargés de l'application de cette loi.

Il s'agit de défendre l'un de nos principes républicains fondateurs, qui s'est incarné de différentes manières depuis la Révolution française. On l'a ainsi appelé « la société » dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Puis, on lui donna le nom de « fraternité » en 1848, de « moralité publique » au début du xxe siècle et, plus récemment, celui de « vivre-ensemble », dont il nous appartient aujourd'hui de définir les contours, comme l'ont fait, en leur temps, nos prédécesseurs.

Cette définition de l'intérêt général aura d'autant plus de force qu'elle sera adoptée à l'unanimité ou, tout au moins, à la plus large majorité. Chacun d'entre nous en portera la responsabilité devant l'histoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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